Vous dites, dans votre lettre
officielle : "J'ai rencontré le moine Ryuzo
et l'aîné du temple Gokuraku-ji,
et je les considère avec autant de respect que j'en aurais pour
Shakyamuni ou le bouddha Amida."
A propos de cette phrase également, je dois, avec le plus grand
respect, vous faire remarquer que, lorsqu'il se trouvait à Kyoto,
le moine Ryuzo mangeait soir et matin de
la chair humaine ; et, lorsque le fait fut connu, les
moines du temple Enrakyu-ji, sur
le Mont Hiei, se liguèrent
contre lui, en disant : "Le monde est entré dans l'époque
des Derniers jours du Dharma et les
esprits maléfiques se répandent à travers tout le
pays. Nous devons les vaincre par le pouvoir du Roi de la montagne."
Ils incendièrent la résidence de Ryuzo
et voulurent le punir, mais il prit rapidement la fuite et personne ne
savait plus où il se trouvait. Maintenant, il réapparaît
à Kamakura, mangeant à
nouveau de la chair humaine, et faisant trembler de frayeur
les personnes de bon sens. Pourtant, vous dites que vous le respectez
comme un bouddha ou un bodhisattva.
Lettre de pétition
de Yorimoto (Minobu,
le 25 juin 1277, requête au seigneur Ema au nom de Shijo Kingo)
La situation
d'aujourd'hui me semble particulièrement attristante. Depuis quelques
années, au Japon, la famine s'aggrave, les réserves de nourriture
et de vêtements sont épuisées. Tous les animaux domestiques
ayant été mangés, on voit apparaître des gens
qui se nourrissent de chair humaine. Certains arrachent la chair des cadavres,
des enfants et des malades, la mélangent avec du poisson ou de
la viande de daim, et la vendent. Les gens achètent cette mixture
et la mangent. Ainsi, ce pays est devenu à son insu la demeure
des démons maléfiques
Pas de sécurité
dans le Monde des trois plans (Minobu,
13 février 1278 à Matsuno Rokuro Zaemon)
Ses habitants
[ceux du Japon] sont comparables à ceux qui vivaient à l'époque
des Derniers jours du Dharma du bouddha
Daishogon, ou à l'époque
impure du bouddha Shishionno*.
Ou, si l'on doit en croire ce qui est mentionné dans le sutra Ho'on,
les gens mangeront non seulement la chair de leurs propres parents, frères
ou sœurs défunts, ou de n'importe quel autre mort, mais aussi
des créatures encore vivantes.
Le Japon, de nos jours, est devenu précisément un pays de
ce genre. Nombreux sont ceux qui, parmi les maîtres du Shingon,
les adeptes du Zen ou du Ritsu,
y mangent de la chair humaine. Cela est entièrement dû aux
enseignements erronés du Shingon.
Le moine Ryuzo-bo, dont on a découvert
qu'il avait mangé de la chair humaine, est un cas parmi une multitude
d'autres. Dans le même esprit que lui, d'autres se procurent de
la chair humaine et la mélangent à de la viande de sanglier
ou de cerf, ou la découpent et la mêlent à du poisson
ou à de la volaille, la broient, la nettoient, puis la vendent.
Il est impossible de dire exactement combien de gens se sont ainsi livrés
à l'anthropophagie. De tels faits indiquent que
le pays a été abandonné par les divinités
célestes qui veillaient sur lui et le protégeaient. Pour
finir, le pays sera attaqué par des nations étrangères,
ses habitants en viendront à se battre entre eux, et il se changera
en véritable enfer des souffrances incessantes.
Lettre
à Akimoto (Minobu,
le 27 janvier 1280, à Aimoto Taro Hyoe-no jo) |