L'arc et la flèche

(
Lettre à la nonne laïque Toki)

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 7, p. 161; SG* p. 660.
Gosho Zenshu p. 975 - Toki ama gozen gohenji

Minobu, 27e jour du 3e mois de 1276 à Toki-ama-Gozen


J'ai bien reçu le kan de pièces de monnaie et le récipient de bambou que vous m'avez fait parvenir. La trajectoire d'une flèche dépend de la puissance de l'arc. Le mouvement des nuages varie selon le pouvoir du dragon. Et les actions d'un mari sont révélatrices de la force de son épouse. De même, c'est grâce à votre soutien que le seigneur Toki est maintenant venu jusqu'ici me rendre visite. En voyant de la fumée, on sait qu'il y a un feu  ; et quand vient la pluie, on imagine le dragon qui la fait tomber. On reconnaît la qualité d'une femme en observant son mari. C'est pourquoi, maintenant, en présence du seigneur Toki, j'ai l'impression de vous avoir, vous aussi, devant moi.

Votre époux m'a rapporté que, malgré la tristesse causée par le décès de sa mère, il était très reconnaissant du fait qu'elle ait eu une fin paisible, et que vous l'ayez soignée avec tant de dévouement. Il m'a dit qu'il en était très heureux et ne l'oublierait jamais, même dans les vies à venir.

Ce qui me préoccupe désormais, c'est votre maladie. Je suis absolument certain que si vous suivez le traitement prescrit [cautérisation moxa] pendant trois ans - et jusqu'au bout avec autant de rigueur qu'au premier jour - vous recouvrerez la santé. Même ceux qui ne souffrent d'aucune maladie ne peuvent échapper au caractère transitoire de la vie, mais en ce qui vous concerne, vous n'êtes pas très âgée. De plus, vous êtes une pratiquante du Sutra du Lotus, vous ne connaîtrez pas une mort prématurée. Votre maladie n'est sûrement pas un effet karmique immuable. Et quand bien même elle le serait, le Sutra du Lotus a le pouvoir de la guérir.

Le roi Ajatashatru, en pratiquant le Sutra du Lotus, prolongea sa vie de quarante ans. Chenzhen prolongea la sienne de quinze ans. Vous pratiquez, vous aussi, le Sutra du Lotus, et votre foi est comparable à la lune ascendante ou à la marée montante. Songez-y donc  : comment pourriez-vous ne pas guérir de cette maladie ? Vous prolongerez votre vie, c'est certain ! Prenez bien soin de vous et ne laissez pas l'inquiétude peser sur votre esprit.

Si la tristesse vous gagne, pensez aux îles d'Iki et de Tsushima, ainsi qu'au fort de Dazaifu. Ou pensez aux gens de Kamakura. Ils goûtaient peut-être un bonheur céleste, mais quand les soldats durent partir pour Tsukushi en laissant derrière eux leur femme et leurs enfants, la séparation fut aussi douloureuse que si l'on arrachait l'écorce du tronc d'un arbre. Ils ont pressé leurs visages l'un contre l'autre sans vouloir se quitter des yeux.

Les hommes ont traversé la plage de Yui, Inamura, Koshigoe, Sakawa et le passage de Hakone  ; un jour, puis deux ont passé  ; ils se sont de plus en plus éloignés, et toujours plus de rivières, de montagnes et de nuages se sont interposés entre leur famille et eux. Ils avancent avec leurs larmes et leur chagrin pour compagnon. Quelle tristesse doit être la leur !

Et tandis qu'ils se désolent ainsi, si les forces mongoles les attaquent, ils seront faits prisonniers, en montagne ou sur mer, et subiront un sort affreux sur des bateaux ou en Corée. Cela n'est dû qu'à une seule raison  : Nichiren, pratiquant du Sutra du Lotus, a été maltraité sans avoir commis la moindre faute, lui qui est le parent de tous les habitants du Japon. Sans raison, il a été insulté, battu, et publiquement traîné dans les rues. Les dix Filles-démones ont voulu punir un comportement aussi insensé, et c'est ce qui a conduit à la situation actuelle. Ce qui se passera à l'avenir sera cent, mille, dix mille fois plus épouvantable. Vous verrez ces événements mystérieux se produire sous vos yeux.

Pourquoi nous lamenter, quand nous savons de façon certaine que nous atteindrons la bodhéité  ? A quoi sert, en définitive, de naître impératrice, ou de renaître dans un monde céleste  ? Vous emprunterez plutôt la même Voie que la fille du Roi-Dragon et serez au même rang que la nonne Mahaprajapati. Que c'est merveilleux  ! Que c'est merveilleux !

Récitez
Namu Myoho Renge Kyo
,
Namu Myoho Renge Kyo.

Avec mon profond respect,
Nichiren

Le 27e jour du 3e mois.
A Ama Gozen

ARRIERE-PLAN. - Nichiren Daishonin, alors au Mont Minobu, écrivit cette lettre pour Toki-ama-Gozen et la confia à son mari, Toki Jonin, venu lui rendre visite.
La mère de Toki Jonin était décédée vers la fin du 2e mois de l'année. Le 3e mois, Toki transporta ses cendres de sa maison de Wakamiya, dans la province de Shimosa, jusqu'au Mont Minobu, lieu pourtant fort éloigné, où une cérémonie de funérailles fut célébrée à sa mémoire. D'après une lettre envoyée par Nichiren Daishonin à Toki un an plus tôt, en 1275, nous savons que la mère de ce dernier avait plus de quatre-vingt-dix ans lorsqu'elle mourut. Tout porte à croire qu'elle avait une très grande affection pour son fils.
On ne connaît pas de façon certaine l'année du décès de Toki-ama, mais, selon une source, elle serait peut-être morte en 1303. Si tel est le cas, elle retrouva bel et bien la santé et vécut encore pendant de nombreuses années. (Commentaire ACEP)

En anglais : The Bow and Arrow
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_BowArrow.htm
- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=658

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