Histoire des Écoles du Lotus


12. Revendications la Nichiren Shoshu

Ryuei Michael McCormick

http : //nichirenscoffeehouse.net/library/2transf-docs.html
 

I. Les deux documents de transfert

La Nichiren Shoshu affirme que seul Nikko a été désigné comme héritier, en s'appuyant sur deux documents de transfert qui auraient été écrits par Nichiren lui-même. Pourtant personne en dehors du clergé de la Nichiren Shoshu (pas plus que les prêtres et érudits des autres lignées Fuji descendant de Nikko) n'accorde de crédit à leur authenticité.

Le premier document est le Nichiren Ichigo Guho Fuzoku Sho (Gosho Zenshu, p. 1675) dit également Minobu Sojo qui aurait été écrit au Mt Minobu 1282. Il dit :

"Je transfère ce Dharma, que moi Nichiren, ai propagé toute ma vie à Byakuren Ajari Nikko. Il devra être le chef suprême de la propagation du Honmon (enseignement essentiel) Lorsque le souverain aura accepté la foi dans ce Dharma, il faudra établir le kaidan du temple Honmonji sur le Mt Fuji. Vous devez attendre que ce temps arrive. C'est ce que j'appelle le Dharma Réel des Préceptes. Tous mes disciples doivent soutenir ce document."
Le neuvième mois de la cinquième année de Koan Nichiren.
Ordre de l'héritage du Dharma : Nichiren, Nikko.

Le second document est le Minobu-san Fuzoku Sho (Gosho Zenshu p. 1675) appelé également Ikegami Sojo qui aurait été écrit le 13 octobre 1282. Il dit :

"Je transfère les enseignements vénérables que Shakyamuni a donnés durant cinquante ans à Byakuren Ajari Nikko. Il doit être le grand-patriarche du temple Kuon-ji du Mt Minobu. Les prêtres et les croyants laïcs qui refusent d'accepter ceci sont des détracteurs du Dharma."
Le treizième jour du dixième mois de la cinquième année de Koan à Ikegami, province de Musashi, Nichiren.

La référence à ces documents apparaît pour la première fois dans un ouvrage appelé Hyaku-gojikka-jo écrit par Nikkyo (1428-1489 ? ) au temple Taiseki-ji en 1480. Nikkyo était à l'origine un prêtre du temple Juhonji à Kyoto (futur temple Yobo-ji) mais il partit pour le Taiseki-ji et devint le disciple de Nichiu, le neuvième Grand-patriarche du Taiseki-ji. Il paraîtrait cependant qu'il existe des discordances entre le texte des lettres citées dans l'ouvrage de Nikkyo et les copies conservées actuellement au Taiseki-ji.

Il paraîtrait également que la référence au temple Honmon-ji au Mt Fuji fasse en réalité référence au Nishiyama Honmonj, temple qui a été créé en 1343 par Nichidai, disciple de Nikko, lorsqu'il démissionna de ses charges de supérieur du temple de Kitayama Honmonji. Il est même possible que le Minobu Sojo ait été fabriqué par un supérieur du Nishiyama Honmonj. En tous cas, la Nichiren Shoshu affirme que quand le Honmon no Kaidan sera finalement fondé, Taiseki-ji sera renommé en Honmonji pour être conforme aux paroles du Minobu Sojo. Cependant les arguments du Kitayama Honmonji sont plus forts si on part de l'idée qu'il a été fondé par Nikko au Mt Fuji sous le nom de Honmonji.

Selon le clergé de la Nichiren Shoshu les originaux des documents de transfert avaient été conservés dans la réserve du Kitayama Honmonji jusqu'au 17 mars 1581, date à laquelle ils furent volés avec d'autres trésors par des adeptes du Nishiyama Honmonji et Takeda Katsuyori, seigneur de Kai, et ses guerriers. A cette époque, ni le Kitayama Honmonji ni le Nishiyama Honmonji n'étaient liés avec le Taiseki-ji. Les originaux de ces deux documents de transfert ont ainsi été perdus pour l'histoire, si toutefois ils ont jamais existé.

Outre l'absence des originaux et la divergence entre les soi-disant copies d'aujourd'hui et le premier texte qui les mentionne, un autre fait indique que Nichiren n'a pas désigné Nikko comme son unique successeur. Le plus important est de la main même de Nikko. Celui-ci a écrit un compte rendu des funérailles de Nichiren appelé Shuso Gosenge Kiroku et conservé au Nishiyama Honmon-ji. Ce document porte également les sceaux de Nissho, Nichiro, Nikko et Nichiji. Selon ce document, Nikko n'occupait aucune place d'honneur durant la cérémonie. C'est même les deux disciples les plus âgés, Nichiro et Nissho, qui ont mené la procession, le premier à sa tête et le deuxième la clôturant. De même, toujours selon Nikko, il reçut un cheval et quelques vêtements, alors que Nissho eut la copie du Sutra du Lotus annotée par Nichiren (le Chu Hokkekyo) et Nichiro, la statue de Shakyamuni que Nichiren gardait toujours avec lui, après son exil à Izu.

Il existe deux versions du Rembo Sho, le texte qui donne les grandes lignes du système de rotation que les six moines aînés ont instauré pour veiller à tour de rôle sur la tombe de Nichiren et maintenir en état le Kuon-ji au Mt Minobu. Rien n'y est dit d'une quelconque désignation de Nikko en tant que supérieur de ce temple ni du fait qu'il serait le seul héritier de Nichiren.

D'autres écrits de Nikko indiquent également qu'il n'était pas au courant des deux documents de transfert. L'un est le Fuji Isseki Monto Zonchi-no-koto dans lequel Nikko dit  : "Le Maître [Nichiren] qui m'a précédé n'a pas décidé d'un pays ni d'un lieu particulier. C'est la coutume, du moins dans le bouddhisme, de choisir l'endroit le plus parlant et d'y édifier un temple. Le Mt Fuji à Sugaru [préfecture de Shizuoka] est le sommet suprême du Japon. C'est là que nous allons bâtir notre temple."

Pourquoi Nikko aurait-il écrit cela s'il possédait le Minobu Sojo stipulant que le Honmonji devait être édifié au Mt Fuji ? Il est également étrange que dans le Hara dono gohenji (Lettre au Seigneur Hara), Nikko se plaigne de devoir quitter le Mt Minobu à cause de ses dissensions avec Niko et les autres. Il se plaint également de la distribution des biens de Nichiren après les funérailles de celui-ci, parce qu'il aurait voulu hériter de la statue de Shakyamuni. Mais même dans cette lettre il ne fait aucune mention à une succession unique ou à des documents de transfert, pas plus qu'à l'obligation de bâtir le temple Honmonji sur le Mont Fuji  ; à aucun moment il ne prétend que Nichiren l'a désigné comme grand-patriarche du Kuon-ji.

Il écrit ce qui suit :

"Je peux difficilement exprimer ma honte et ma peine d'avoir à quitter le ruisseau au Mont Minobu [près duquel se trouve la tombe de Nichiren]. Mais à bien considérer les choses, peu importe où je me trouve. L'important est d'accéder aux enseignements de Nichiren Shonin et de les diffuser partout dans le monde. Tous les [autres] disciples sont contre le Maître. Ils désobéissent au Maître [Nichiren]. Je crois que moi, Nikko, je suis le seul à protéger la doctrine de Nichiren Shonin et pratique en accord avec sa véritable intention..."

Nikko croyait qu'il était le seul à protéger les enseignements et la pratique de Nichiren mais il ne prétendait pas que Nichiren lui-même l'aurait désigné comme seul successeur au temple du Kuon-ji de Minobu ni qu'il aurait reçu une mission spéciale pour établir le Honmonji au Mont Fuji. Cela, ajouté aux autres faits évidents, rend probant que les documents de transfert ont été une création des prêtres ultérieurs dans la lignée de Nikko, qui les utilisèrent pour proclamer leur suprématie sur leurs rivaux.

II - Le Dai-Gohonzon ou le Ita-Mandala

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