Lettre à Doryu du Kenchoji

Nichiren Daishonin, in Gaston Renondeau, Le Bouddhisme Japonais

Kamakura, 1268, à Doryu

 

Les temples du Bouddha pressent leurs toits les uns auprès des autres; la doctrine pénètre dans toutes les maisons; la prospérité du Dharma a dépassé l'Inde et la Chine; les moines sont révérés comme des trésors, comme s'ils étaient des arhats dotés des six pouvoirs mystiques. Cependant, dans tous les sutras exposés pendant sa vie on ne sait distinguer l'excellent de l'inférieur, le profond du superficiel, pas plus que ne le savent les animaux. On a soudain abandonné l'Ainsi-Venu Shakyamuni aux Trois vertues et l'on a cru à un bouddha et à un bodhisattva d'une autre direction (note). Ces gens-là ne sont-ils pas des Vamalokayata (note)? Le Nembutsu est un acte de l’enfer avici, le Zen, le fait de démons, le Shingon est une doctrine mauvaise qui fait périr le pays, le Ritsu une histoire mensongère de traîtres au pays, etc.

La lettre que j'ai méditée en 1260 et que j'ai intitulée Rissho Ankoku ron (Sur l'établissement de l'enseignement correct pour la paix dans le pays) a été adressée par l'entremise de Yadoya nyudo à feu Saimyoji dono*. La conclusion de cette lettre est que la croyance en l'enseignement mauvais des doctrines Nembutsu, Shingon, Zen et Ritsu a fait naître d'incessantes calamités en ce monde et a, en outre, été cause que ce pays est menacé par un pays étranger; voilà ce que j'ai pensé. Ceci étant, le 18 du ler mois de cette année il est arrivé une lettre de mise en demeure (note), ce qui s'accordait pleinement avec mes réflexions. N'est-ce pas parce que l'efficacité des prières de tous les temples s'est éteinte? Et n'est-ce pas en vérité à cause des doctrines mauvaises?

A Kamakura, les grands comme les humbles respectent le Sage Doryu comme un bouddha; ils honorent le Sage Ryokan comme un arhat. En outre, les vénérables du Jufuku-ji, du Tahoji, du Jokomyoji, du Choraku-ji, du Daibutsu-den, « ont le coeur plein d'orgueil »; hommes très mauvais à l'orgueil impudent, « ils prétendent savoir ce qu'ils ne savent pas encore ». Comment conjurera-t-on la grande armée mongole? De plus, tous les Japonais, les grands comme les humbles, seront faits prisonniers; dans la vie présente ils perdront leur pays; dans la vie future ils tomberont sûrement dans l'enfer avici. Si l'on ne fait pas état de ce que j'ai dit, on s'en repentira.

Ceci est le thème de la lettre que j'ai adressée au Seigneur de Kamakura, à Yadoya nyudo, à Hei no Saemon no jo dono, etc. Veuillez vous assembler en un lieu où vous discuterez. En ceci je ne mets aucune malice; je m'en remets seulement aux textes des sutras. Il est difficile de noter tout cela en détail sur le papier mais je compte sur le moment d'une confrontation. Une lettre ne contient pas tout ce qu'on voudrait dire et les paroles n'arrivent pas à exprimer tout ce que l'on a dans le coeur.

Respectueusement,
Nichiren
Le 11 du 10e mois de 1268. Au Sage Doryu du Kenchoji.

Commentaire : Les deux moines les plus notables de Kamakura à cette époque furent : 1° Doryu, un moine du Rinzai venu de Chine à Kyoto sous le nom de Lan-ki. Hojo Tokiyori lui fit construire en 1252 le Kenchoji à Kamakura; 2° Ryokan était un moine Shingon qui releva à cette époque l'école Ritsu, alors très déclinante. En 1268, Nichiren écrivit au Régent et aux supérieurs des temples de Kamakura. (Références)

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