DICTIONNAIRE des TERMES BOUDDHIQUES

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Syncrétismes


On peut s'interroger sur la pertinence d'appeler bouddhisme un grand nombre de syncrétismes issus du bouddhisme (tantrisme, chan, shingon, amidisme, Tendai, etc). Bon nombre d'entre eux n'hésitent même pas à se présenter comme étant LE bouddhisme alors qu'ils ne s'appuient que très partiellement sur les enseignements du Bouddha historique, Shakyamuni, l'Éveillé, celui qui a donné son nom à une philosophie ainsi une façon d'être au monde en rupture avec tous les courants de pensée précédents. Une grande partie des écoles mahayana, se propageant largement en dehors de l'Inde, s'est mélangée aux croyances autochtones, intégrant des croyances et des rites totalement en contradiction avec l'esprit bouddhique. Il existe néanmoins des courants de pensée peu ou mal connus (pas de prosélytisme systématique  ! ), qui essaient de garder l'enseignement du Bouddha sans ajouts personnels, de se préserver de tout dévotionnisme et surtout de l'ésotérisme, la grande tentation de toute institution religieuse.

Car il faut bien insister sur le fait que le bouddhisme est athée au sens le plus fort du terme. Le Bouddha a insisté tout au long de sa vie qu'il était venu pour guérir les êtres de leurs souffrances et non pas pour discuter de théories. Son enseignement s'affirme d'amblé par la réfutation des notions de dieu créateur, paradis, âme, réincarnation, idées qui relèvent en grande partie d'une vision inadéquate, voire pathogène, du monde. Le but de Shakyamuni était précisément d'éveiller les hommes à une approche plus réaliste de la vie et de les débarrasser des illusions, cause importante de la souffrance. Ses premiers sermons vont dans ce sens. Mais constatant le peu de capacités de ses contemporains à le suivre sur cette voie, il a passé quelques 40 ans à les former, à leur ouvrir progressivement les yeux pour ne leur expliquer le contenu de son "Éveil" qu'à la fin de sa vie. Les divergences dans les écoles bouddhiques proviennent de ce que très peu de ses disciples ont suivi l'intégralité de son enseignement. La majorité partait prêcher la bonne parole après avoir entendu juste un "cours préparatoire".

Le Sutra du Lotus résume l'enseignement du Bouddha et il n'a "d'ésotérique" que la difficulté de le comprendre sans y être longuement préparé. Ce Sutra parle de l'éternité. Il n'y a ni divinité créatrice, ni "début " à l'existence de l'univers. Seul notre esprit limité nous fait percevoir le monde en termes d'espace et de temps. Shakyamuni refuse tout transcendance, créationnisme, magie. Dieu serait un "être transcendant" pour le monde mais immanent en soi (tout-puissant, non-crée) ?  ! ? En toute logique on voit mal pourquoi l'immanence ne serait pas applicable directement à l'univers. Le besoin d'un intermédiaire créateur est un fait psychologique dû à notre tendance de tout expliquer à partir d'une position anthropocentrique (dieu à notre image).

Pour les mêmes raisons de mésinterprétation du temps comme étant linéaire, Shakyamuni refuse toute idée de "réincarnation" ; il se sert de cette idée qui caractérise l'Inde de son époque, en tant que "comparaison et parabole" pour illustrer le principe de causalité (production conditionnée). Il dit bien que la vie est éternelle, jamais que l'individu puisse l'être, sous quelque forme que ce soit (âme, tulku). L'idée même de karma prend une autre dimension à la lumière de l'éternité.

Les écoles syncrétistes nient, de fait, certains des quatre "seaux du dharma", qui permettaient, à l'origine, de reconnaître si une théorie ou une doctrine relevait du bouddhisme :
- l'impermanence des multiples dharmas - anitya sarva samskarah ; - les multiples dharma sont sans substance - anatmanah sarvadharmah ; - les mouvements sont souffrance - dukkhah sarva samskarah ; - le nirvana est sérénité et pureté - santam nirvanan.

Il n'est nullement question de discuter ici de la "Réalité Ultime". Rappelons la parabole de l'éléphant et l'interprétation qu'en donnent les aveugles. Mais comment appeler "bouddhisme" une doctrine qui réfute l'impermanence et l'anatman en proclamant l'existence d'esprits réincarnés ? Ne serait-il pas plus juste de parler d'écoles issues du bouddhismes, comme on parle du cubisme issu de l'impressionnisme et des différentes techniques de connaissance de soi issues de la psychanalyse ?

Il peut être dangereux de confondre symbole et réalité, dévotion et respect de l'esprit d'un maître.

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