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3. Mettre la joie en action

Ryuei Michael McCormick


Causerie du mars 2000 au temple San Jose à l’occasion de Higan, célébration de l’équinoxe du printemps.

Merci d’être venus pour le service Higan. Le thème d’aujourd’hui est «Mettre la joie en action». Je vais en parler en relation avec le Sutra du Lotus et de la manière de vivre la joie au quotidien. Comme certains d’entre vous ne connaissent pas la cérémonie Higan je vais commencer par en dire quelques mots. 

"Higan"signifie littéralement ‘‘l'autre rive’’et renvoie à la Terre pure du Bouddha, par opposition à ce monde de contraintes et d’illusions. Traditionnellement higan est un temps pour se souvenir de nos ancêtres qui, nous l'espérons, ont déjà dépassé le cycle des naissances/morts et atteint l'Éveil. C’est également l’occasion pour réfléchir à nos propres vies et aux efforts que nous faisons pour atteindre la Voie de la bodhéité pour soi et les autres. Bien que Higan soit souvent dédié au souvenir des ancêtres, c’est en réalité un jour où il convient de mettre la joie en action. Nous exprimons par cette joie notre espoir que ceux qui ont vécu avant nous ont connu la joie d’avoir percé le sens de l’Ultime réalité et qu’ils ont dépassé les affaires de ce monde. C’est pour nous un gage de la possibilité qui nous est donnée de ressentir la joie même au milieu des soucis de ce monde et de nous stimuler par la perspective de transformer ce monde en Terre pure.

Pendant la cérémonie Higan nous récitons le passage en vers du chapitre XVI du Sutra du Lotus, le Jigage, les ‘‘Stances sur l’éternité’’. Un passage exprime tout particulièrement la vision profonde de la joie qui sous-tend toute vie dès que l’on déchire le voile de l'intérêt autocentré et de l'anxiété.

« Les esprits obscurcis voient un monde en flammes
Et pensent que c'est le kalpa du déclin
Mais en réalité mon monde à moi est paisible.
Les devas et les hommes sont toujours assemblés ici.
Les jardins et les palais
Sont décorés de joyaux inestimables.
Des arbres précieux sont couverts de fleurs et de fruits
Les êtres y vivent dans la joie.
Les devas frappent sur les tambours célestes
Une symphonie harmonieuse, sans fin.
Les fleurs mandarava pleuvent
Sur le Bouddha et sur les hommes. »

‘‘Les êtres y vivent dans la joie’’ voilà l’important ; et c’est ce qu’il faut garder en esprit.  Le Sutra du Lotus enseigne que si nous sommes en mesure de lâcher prise, d’abandonner nos soucis autocentrés, tout ce qui peut éventuellement nous faire croire que le monde touche à sa fin (en réalité notre petit monde personnel), alors nous pouvons voir à quel point est merveilleuse la réalité de la vie; alors nous pouvons nous réjouir véritablement. 

Le thème de la joie apparaît dès le début et se poursuit tout au long du Sutra du Lotus.

Dans le chapitre II il est dit.

« En entendant qu'ils obtiendront d'être bouddha,
une grande joie les saisira tout entiers. »  

Plus loin, après la prédiction de Shakyamuni que ses disciples obtiendront non seulement la délivrance des souffrances mais deviendront bouddha, Mahakashyapa dit :

«Nous autres en ce jour,
à entendre le son de la doctrine du Bouddha,
exultons de liesse,
obtenant ce qui était sans précédent.
L'Éveillé prêche que les auditeurs-shravakas
sont appelés à gagner l'état de bouddha ;
ainsi l'amas de joyaux sans supérieur
est spontanément gagné, sans qu'on le recherche.»
(Sutra du Lotus, chapitre IV)

J’aime particulièrement ce passage. Les disciples exultent de liesse car ils obtiennent plus que tout ce qu’ils avaient espéré obtenir. Il y a là une chaleur et un esprit de fête qui montre bien que la bodhéité n’est pas un détachement froid et distant. La véritable nature de la réalité relève de l’Éveil (Bouddha signifie l’Éveillé) qui fait naître la joie et qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer au sujet de la bodhéité

Ainsi donc la joie est une composante importante du Sutra du Lotus. L’expression de cette joie dans la vie quotidienne est également quelque chose d’important. La véritable pratique bouddhique est en fait une réponse joyeuse à la réalité de la vie, joie que l’on partage avec les autres. Vue ainsi, la joie transforme non seulement notre vie mais également tout notre entourage. 

Un jour, j’allais prendre le bus pour aller à mon travail. Le conducteur saluait tous ceux qui montaient dans le bus d’un grand sourire. Il n’arrêtait pas de faire des blagues et des commentaires amusants tout au long du trajet, il disait au revoir et bonne journée à tous ceux qui quittaient le bus. C’était étonnant de voir comment un sombre lundi matin était rempli de joie simplement par l’agissement d’un homme. 

Daniel Goleman* commence son célèbre ouvrage Intelligence Emotionnelle  par le récit d’une expérience similaire. C’est également l’enjeu de la pratique bouddhique, celui de la vigilance et du contact profond avec la joie ensevelie sous l’ignorance et l’égoïsme. C’est cette réalité joyeuse qu’il convient de partager avec les autres. Le Sutra dit :

« Si quelqu'un après mon passage en parinirvana, prêche le Sutra du Lotus du Dharma Merveilleux, n'en serait-ce qu'un verset ou une phrase […] il atteindra dans l’avenir l’Éveil complet, parfait, sans supérieur. »

Aujourd’hui nous avons vénéré le Sutra du Lotus lors de la cérémonie de en récitant Namu Myoho Renge Kyo qui signifie « je trouve ma joie dans le  Sutra  du Dharma Merveilleux de la Fleur du Lotus » en lisant les Versets de l’Eternité et en frappant le tambour. Nous allons ensuite nous exercer à copier les représentations du Bouddha ; puis ce sera le moment pour partager nos expériences sur la façon de trouver la joie lors de la pratique et la possibilité de l’intégrer dans notre vie. Ainsi, j’espère que tous pourront prendre part à la joie qu’enseigne le Sutra du Lotus, joie qui nous pousse à la partager en pensée, en paroles et en actes.

SUITE : Réflexions sur le service du dimanche et Uposatha

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