Aujourd’hui, nous commencerons par lire les passages suivants du Sutra du Lotus2 :
Depuis que j'ai atteint l'Éveil,
D'innombrables kalpas
Se sont écoulés,
Cent mille asogi kalpas.
J'ai continuellement enseigné le Dharma
Et permis à d'infinis millions d'hommes
D'entrer dans la Voie de Bouddha.
Et ce, depuis d'innombrables kalpas.
Pour sauver les êtres,
Comme moyen opportun,
Je laisse le peuple croire en mon nirvana
Pourtant, je ne meurs pas réellement
Mais suis toujours ici, enseignant le Dharma.
Je suis ici éternellement
Utilisant mes pouvoirs mystiques
Pour guider les hommes dans l'erreur
Incapables de me voir bien que je sois proche.
Quand ils voient mon décès
Et rendent grand hommage à mes reliques,
Tous ressentent du regret
Et la vénération jaillit de leur cœur.
Ces êtres deviennent droits,
Doux et bienveillants.
Leur seul désir est de voir le Bouddha
Et ils ne donnent pas leur vie à contrecœur.
À ce moment, moi et mon Sangha
Apparaissons ensemble sur le Pic Sacré du Vautour.
Alors je dis aux hommes
Que je suis toujours ici, jamais mort,
Et par la puissance de mes stratagèmes
Je me manifeste comme mort ou bien non mort.
Si dans d'autres mondes il y a
Ceux qui me révèrent, me recherchent et croient,
Parmi eux j'enseignerai aussi
Le plus élevé de tous les Dharmas.
Mais vous ne m'écoutez pas,
Et pensez seulement que je meurs.
Je vois les êtres obscurcis
Plongés dans une mer de douleur ;
Pourtant je ne me montre pas encore
Mais les amène à désirer me voir.
Quand leurs cœurs me respectent,
J'apparais aussitôt pour enseigner le Dharma.
Mon pouvoir mystique est celui-ci.
Depuis d'innombrables kalpas,
J'ai toujours été au Pic du Vautour
Et dans d'autres univers.
Les esprits obscurcis voient un monde en flammes
Et pensent que c'est le kalpa du déclin,
Mais en réalité mon monde à moi est paisible.
Toujours rempli de devas et d'hommes.
Les jardins, les bosquets, les palais
Sont décorés de joyaux inestimables.Des arbres précieux sont couverts de fleurs et de fruits,
Les êtres y vivent dans la joie.
Les devas frappent sur les tambours célestes
Des musiques harmonieuses, sans fin.
Les fleurs mandarava pleuvent
Sur le Bouddha et sur les hommes.
Ma Terre Pure est indestructible
Mais la multitude la voit consumée,
Remplie de tristesse, de crainte et de souffrances
Lieu de troubles innombrables.Tous ces hommes qui ont commis des fautes
Renaissent conditionnés par leur mauvais karma ;
Depuis des myriades de kalpas,
Ils n'ont pas entendu les noms des trois trésors.
Tous ceux qui ont accumulé des mérites,
Qui sont doux, conciliants, honnêtes et droits
Peuvent tous me voir tel que je suis,
Résidant en ce monde et enseignant le Dharma,
Parfois j'enseigne à ces hommes
Que la vie du Bouddha est incommensurable
Et à ceux qui ne voient le Bouddha qu'après une longue période,
J'enseigne qu'il est difficile de rencontrer le Bouddha.
Tel est le pouvoir de ma sagesse,
Elle éclaire infiniment loin.
Ma vie dure depuis des kalpas innombrables
J'ai obtenu ceci après une longue pratique.
Vous, hommes sages,
Rejetez vos doutes à ce sujet.
Chassez-les une fois pour toutes,
Les paroles du Bouddha sont vraies, non pas vaines.
Il est comme l'excellent médecin utilisant un stratagème
pour guérir ses enfants déments.
Il vit mais leur dit qu'il est mort.
Personne ne peut qualifier de mensonge ses enseignements.
J'agis comme le père de ce monde
Qui sauve la totalité des hommes souffrants et affligés.
Pour les hommes ordinaires qui sont perturbés,
Je parle de ma mort bien que je continue en réalité à vivre.
Car s'ils pouvaient toujours me voir ici,
Ils commenceraient à devenir arrogants.
Complaisants avec eux-mêmes et tournés vers les cinq désirs,
Ils tomberaient dans les voies du mal.
Je sais qui pratique la Voie
Et qui ne la pratique pas.
D'après cela, j'expose les divers enseignements
Les plus appropriées à leur salut.
Je pense à tout moment :
« Comment amener tous les êtres vivants
A la Voie insurpassable qui conduit à la bouddhéité ? »
Finalement nous y voilà ! Voilà le chapitre le plus important du Sutra du Lotus, à savoir la partie traduite ci-dessus que vous lisez chaque jour en shindoku pendant votre pratique. Comparativement aux autres passages que nous avons lus ces derniers jours, cet extrait qui pourrait sembler moins dramatique est pourtant loin d’être banal.
Après avoir lu ce passage en français, tâchez d’en lire dans la foulée la version en shindoku. Puis une fois vos lectures terminées, passez votre temps restant à réciter Namu Myoho Renge Kyo.
Ce chapitre, que nous ne lisons pas dans son intégralité, nous apprend que le Bouddha est par nature éternel puisqu’il explique qu’il est toujours présent, qu’il l’a toujours été et le sera toujours. Autrement dit, le Bouddha n’est pas un phénomène temporaire que pourrait incarner un personnage historique.
Comme je le disais plus haut, ce passage n’est pas aussi dramatique que certains autres que nous avons pu lire, mais l’idée que le Bouddha est éternel est loin d’être anodine. Il s’agit même d’un changement radical par rapport au concept de Bouddha en tant que personnage historique, puisque cet extrait marque le passage entre un Bouddha que nous identifions aujourd’hui à Shakyamuni, et un Bouddha transcendant le temps et l’espace.
Nichiren a enseigné que cette section du Sutra du Lotus est en fait l’œil ou l’âme du Sutra. Six raisons prouvent sa supériorité :
- L’éternité de la vie des bouddhas
- La voie de la bouddhéité dévoilée à tous
- L’expression des terres éternelles d’un Bouddha
- Le salut dépourvu de tout commencement ou l’Éveil atemporel de tous
- L’Éveil actuel ou le salut de tous, quelle que soit l’époque
- Le vœu originel, toujours enthousiaste et infatigable, de tous les bouddhas.
Les précédents enseignements du Bouddha ne révélèrent jamais ces idées importantes. Alors que cet enseignement vous est exposé pour la toute première fois, l’idée maitresse à saisir aujourd'hui est qu'il n'existe aucun lieu plus parfait de pratique que celui où nous vivons, que celui où nous sommes. Bien que ce lieu soit en fait la Terre Pure du Bouddha, c’est à nous de le réaliser et de l’exprimer. Comme mentionné hier, nous possédons en outre un lien infini, non pas avec la personne historique de Shakyamuni mais, en tant que Bodhisattvas Surgis-de-Terre, avec la nature de la bouddhéité.
Si nous ne pouvons saisir cette nature éternelle de bouddhéité, nous aurons tendance à considérer notre vie comme une entité distincte de l’Éveil et à voir notre monde comme un lieu de conflits et de souffrances. Cependant, si nous parvenons à considérer que nous sommes en relation permanente avec la bouddhéité ou nature éternelle de bouddha, nous pourrons alors voir le Bouddha, la nature de sa vie, se manifester dans notre propre vie et notre environnement.
Le Bouddha n'est pas seulement quelqu'un qui vécut, enseigna et mourut il y a environ 2 500 ans : selon le Sutra du Lotus, il est en fait une présence qui transcende le temps et l'espace dans la vie et l'environnement. Le Bouddha enseigna dans le Sutra du Lotus qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre son éveil et le nôtre, éveil qui réside au cœur de notre vie. La véritable différence réside dans la façon dont nous percevons cet éveil et dans le fait que nous choisissons, ou non, de le manifester.
Tout cela est un enseignement bien profond dont cette seule section touche le cœur de ce que nous tentons de réaliser au quotidien : c'est le cœur de notre pratique et de tous nos efforts, un effort qui selon moi s’étend sur toute une vie.
Ce que je rédige aujourd'hui n'est qu'une courte et humble tentative de mettre par écrit quelque chose de bien plus grand que ce que les mots peuvent exprimer. J’espère que vous vous rapprocherez de votre maitre pour approfondir ce sujet.
Continuez de réciter daimoku au cours de la journée et d’explorer également votre lien profond avec les innombrables êtres qui partagent votre existence : il s’agit là d’une pratique de pleine conscience. Il ne reste d’ailleurs aujourd’hui plus que dix jours pour achever ce périple en ma compagnie. Je peux vous assurer que vous avez parcouru un long chemin depuis que vous avez commencé à lire ce guide, et je vous espère fier/fière de ce que vous avez accompli, car vous êtes en train de réaliser les vœux pris au cours de vos innombrables vies passées avec le Bouddha.
1Source accessible sur https://ryusho.org/blog/?p=3091
2Traduction en français accessible sur http://www.nichiren-etudes.net/lotus/lotus-16.htm