Aujourd’hui, nous commencerons par lire les passages suivants du Sutra du Lotus2 :

À ce moment, le Vénéré du monde sortit, serein et lucide, de son samadhi et s'adressa à Shariputra : la prajna de tous les bouddhas est fort profonde, incommensurable ; difficile à comprendre, difficile à franchir est la porte de cette prajna. Ni les auditeurs-shravakas ni les pratyekabuddhas n'ont la capacité d'y parvenir.

Pourquoi cela ? [Parce que] tout bouddha a, dans le passé, été intimement associé avec d'innombrables bouddhas par milliers et myriades ; et a suivi leurs innombrables pratiques de la Voie. Pleins d'audace, d'énergie et de diligence, leur nom fut universellement connu. Ils ont mené à accomplissement le Dharma extrêmement profond qui n'a jamais été révélé et le prêchent de façon appropriée, mais la teneur de ce qu'ils prêchent est difficile à comprendre.

Shariputra, après avoir atteint la bodhéité, j’ai, à l'aide de nombreuses relations causales et de paraboles, largement exposé mes enseignements et par d'innombrables moyens appropriés amené les êtres à renoncer à leurs attachements. Comment cela ? L'Ainsi-Venu est doté à la fois de moyens appropriés et de la paramita du savoir et de la vue juste.

Shariputra, les savoirs de l'Ainsi-Venu sont vastes, profonds et ne connaissent pas d’obstacle. De par ses forces, son intrépidité, son dhyana, ses détachements son samadhi, il a pénétré profondément le sans-limites et réalisé dans sa totalité le Dharma qui n'a jamais été révélé.

Shariputra, l'Ainsi-Venu opère habilement de multiples distinctions, enseigne adroitement les multiples dharmas, et par ses paroles pleines de douceur il comble de joie les cœurs de la multitude.

Shariputra, pour s'en tenir à l'essentiel, ce Dharma qui n'a jamais été révélé et qui est incommensurable et illimité, le Bouddha l'a entièrement réalisé.

Cesse, Shariputra, je n'en dirai pas plus. Pourquoi cela? [Parce que] ce que le Bouddha a réalisé est le Dharma le plus difficile à comprendre et le plus rare. Seul un bouddha avec un autre bouddha peut élucider parfaitement l'aspect réel des phénomènes.

Après avoir lu calmement ce passage du Sutra, passez le reste du temps que vous vous êtes imparti à réciter daimoku. Si vous estimez votre temps épuisé, récitez simplement trois fois Namu Myoho Renge Kyo, et prosternez-vous pour clore votre pratique quotidienne.

Au cours de votre psalmodie, n’oubliez pas de maintenir votre esprit concentré sur le son de Namu Myoho Renge Kyo. De plus, soyez aussi conscient que possible des sentiments qu’a provoqués en vous la lecture de ce passage.

Celui-ci fait en effet partie de notre pratique quotidienne qui consiste à lire certains extraits des chapitres II et XVI du Sutra, des extraits qui nous apprennent quelque chose d’important dans la pratique du bouddhisme nichirénien.

Peut-être qu’en les lisant leur message n’est-il pas bien clair à vos yeux. J’aimerais pourtant que vous ne cherchiez pas trop à vous concentrer sur leur signification exacte, mais plutôt sur les sentiments que ces passages provoquent en vous. Bien qu’une telle démarche puisse ne pas vous paraitre très naturelle, essayez cependant de vous familiariser avec cette façon de faire.

Ce guide ne peut malheureusement pas nous permettre d’explorer en détail tous les aspects du Sutra du Lotus, un tel format ne pouvant aborder certains enseignements importants. Quoi qu’il en soit, mon but n’est pas d’analyser ce texte bouddhique d’une importance majeure, un objectif qu’il serait impossible de mener à bien en 35 jours. En revanche, mon but est de vous en faire ressentir l’esprit, voire expérimenter le sentiment de plénitude qu’il procure.

Quant à la lecture d’aujourd’hui, elle souligne un point important : le Sutra du Lotus, que le Bouddha est en train d’exposer, est effectivement très difficile à comprendre, un point que le Bouddha est justement en train de préciser à l’un de ses disciples. Tout au long du Sutra, le Bouddha s’efforce en effet d’expliquer que notre adhésion ne se passe pas uniquement au niveau de l’esprit ou de l’intellect, mais surtout au niveau du cœur et de la foi.

Le Sutra du Lotus arriva en Occident d’une manière quelque peu incomplète. Je veux dire par là qu’il fut découvert hors du contexte qui l’accompagnait dans les pays d’Asie de l’Est. En outre, ce n’est qu’à travers la longue histoire du bouddhisme qu’il prit une importance considérable pour la quasi-totalité des écoles bouddhistes, aspect que nous ne réalisons toujours pas vraiment depuis l’Occident. Nous avons en effet tendance à considérer ce Sutra comme s’il était à l’écart, isolé des autres écrits bouddhiques importants, un peu comme s’il était orphelin de sa propre histoire.

Bien que je ne sois probablement pas en mesure de vous en délivrer toute la richesse et la profondeur en 35 jours, je ferai en revanche tout mon possible pour vous transmettre un peu de ses idées, de sa splendeur, de sa richesse et de la grande joie que procure ce magnifique, et parfois si troublant, enseignement. À cette fin, je vous encouragerais à vous laisser porter par ses aspects déroutants, étonnants, et à vous laisser porter par la joie de l’Éveil qu’il promet. Lisez-le avec moi, lisez-le avec votre cœur.

Aujourd’hui, le Bouddha explique que depuis qu’il s’est mis à prêcher le Dharma, il a enseigné de différentes manières la sagesse que possèdent tous les Bouddhas, une sagesse très difficile à comprendre et à appréhender, ce qui peut rendre en partie son enseignement complexe et déroutant du fait que les Bouddhas enseignent à de nombreuses personnes, ayant toutes différentes aptitudes. En résumé, le Bouddha déclare que malgré tous les enseignements qu’il a jusqu’à présent donnés, aucun ne représente encore le cœur véritable du Bouddhisme, un cœur qui n’a pas été encore révélé et demeure toujours caché.

Il importe ici de savoir qu’avant et pendant la vie de Nichiren, les grands maitres bouddhistes reconnaissaient déjà l’importance du Sutra du Lotus, mais l’estimaient si compliqué qu’ils préféraient ne pas l’enseigner. Nichiren désapprouva cette attitude parce que ce Sutra représentait à ses yeux le cœur des enseignements du Bouddha. Si le Bouddha de son vivant en reconnaissait déjà la teneur complexe et difficile, il disait pourtant que cet enseignement devrait non seulement être délivré dans le futur, mais qu’il était aussi le plus approprié pour notre époque. En bref, pour résumer ses paroles, le fait qu’un tel enseignement soit difficile à comprendre n’est pas une raison pour ne pas le mettre aujourd’hui en pratique.


1Source accessible sur https://ryusho.org/blog/?p=2936

2La version intégrale du chapitre traduit en français est disponible ici