Réponse à Tokimitsu

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 7, p. 185 ; SG* p. 935.
Gosho Zenshu p. 1549 - Tokimitsu gohenj
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Minobu, le 8 juillet 1278, à Nanjo Tokimitsu

 

J'ai bien reçu la sacoche de blé et celle de gingembre que vous m'avez fait parvenir à dos de cheval. Le roi Dronodana avait un fils nommé Aniruddha. Avant de quitter la vie séculière, Aniruddha était un descendant d'un roi-faisant-tourner-la-roue, véritable souverain de l'Inde, le petit-fils du roi Simahahanu et le neveu du roi Shuddhodana, héritier du roi Dronodana. Il appartenait à une famille dont la terre entière connaissait la noblesse. Chaque jour, 12 000 personnes entraient et sortaient de sa demeure : 6 000 venaient emprunter des richesses à sa famille, et 6 000 autres venaient rembourser leur dette. Non content d'être un homme très riche, lorsqu'il devint par la suite disciple du Bouddha, il parvint au plus haut degré de clairvoyance divine. Et le Bouddha fit cette prédiction (réf.), dans le Sutra du Lotus, qu'Aniruddha deviendrait un bouddha du nom de Fumyo.

Si nous nous interrogeons sur les grandes causes bénéfiques créées par Aniruddha dans ses vies antérieures, nous découvrons qu'il avait été, longtemps auparavant, un chasseur se nourrissant des animaux sauvages qu'il chassait dans les montagnes. Il assurait aussi sa subsistance en cultivant du millet. Toutefois, en période de famine, il était en train de manger l'ultime bol de millet qui lui restait lorsqu'un sage, un pratyekabuddha nommé Rida, vint le trouver et lui demandai  : "Je n'ai rien mangé depuis sept jours. Pourriez-vous me donner votre repas  ? "Le chasseur lui répondit  : "Je l'ai déposé dans le récipient impur d'un simple profane, et je l'ai déjà souillé en commençant à manger." Mais le sage insista  : "Donnez-le moi quand même. Si je ne mange pas immédiatement quelque chose, je ne survivrai pas." Bien que gêné du peu de valeur de ce qu'il offrait, le chasseur lui fit don de sa nourriture. Lorsque le sage lui rendit le bol, il n'y avait laissé qu'un seul grain de millet. Mais ce grain se changea en sanglier. Le sanglier se changea en or, et l'or se transforma en cadavre. Puis le cadavre se transforma en un homme en or massif. Chaque fois que le chasseur coupait l'un des doigts de l'homme d'or pour le vendre, un nouveau doigt d'or repoussait. Si bien que pendant quatre-vingt-onze kalpa, le chasseur renaquit immensément riche, jusqu'à ce qu'il apparaisse sous sa forme présente, celle d'Aniruddha, et devienne disciple du Bouddha. Ce n'était, certes, qu'une maigre portion de millet, mais parce qu'elle avait sauvé la vie d'un sage dans un pays où régnait la famine, il obtint un merveilleux bienfait.

Le vénérable Mahakashyapa était le plus fortuné des disciples du Bouddha. Les origines faisaient de lui le fils du riche Nyagrodha du royaume de Magadha. Le sol de sa demeure était couvert de mille tatami épais de sept pieds. Chaque natte de moindre qualité y valait encore mille ryo d'or. Les biens de la famille comprenaient 999 charrues, d'une valeur de 1000 ryo d'or chacune, et 60 dépôts contenant chacun 340 koku d'or. C'est dire l'immensité de sa richesse. Du corps de son épouse émanait une lumière dorée perceptible seize lieues à la ronde. Sa beauté surpassait même celle de dame Soto'ori Hime (note) au Japon et de dame Li en Chine. Mari et femme, désireux de rechercher la voie, devinrent des disciples du Bouddha. Il est prédit (réf.) dans le Sutra du Lotus que le mari deviendrait le bouddha Komyo. Si nous voulons savoir qui étaient ces deux personnages dans leurs vies passées, nous découvrons que l'un, pour avoir offert un bol de blé cuit à un pratyekabuddha, était né par la suite sous la forme du vénérable Mahakashyapa ; et que l'autre était une femme pauvre ayant fait don d'une pièce d'or qu'elle possédait à un sculpteur façonnant des images de bouddha pour qu'il la fonde dans une statue du bouddha Vipashyin ; ce qui lui valut de devenir dans une vie suivante l'épouse de Mahakashyapa.

Peut-être, moi Nichiren, ne suis-je pas un sage. Mais je suis maintenant comme le défenseur du Sutra du Lotus. Pour cela, non seulement j'ai été haï et attaqué par les autorités du pays, mais mes disciples, certains simplement pour m'avoir rendu visite, ont été rabaissés ou frappés, se sont fait confisquer leurs fiefs ou ont été expulsés de leur demeure. Parce qu'elles vivent sous le règne d'un tel souverain, même des personnes ayant l'esprit de recherche ne me rendent pas visite. La situation n'est pas nouvelle, mais cette année, en particulier, les épidémies et la famine ont fait les visites encore plus rares.

J'étais persuadé que, même si j'étais épargné par la maladie, je mourrais très certainement de faim, et voilà que le blé que vous avez envoyé m'est parvenu. Dans ces conditions, il est encore plus précieux que de l'or et des bijoux. Le millet de Rida se transforma en un homme d'or. Comment alors le blé que vous, Tokimitsu, m'avez offert pourrait-il ne pas se métamorphoser en caractères du Sutra du Lotus  ? Ces caractères du Sutra du Lotus se changeront en Bouddha Shakyamuni puis en une paire d'ailes qui permettront à votre père défunt [Nanjo Hyoe Shichiro] de s'envoler vers la Terre pure du Pic du Vautour. Ils reviendront vers vous pour vous protéger et vous guider.

Avec mon profond respect,
Nichiren.

Le 8e jour du 7e mois de la 1ère année de Koan (1278)
Réponse au Seigneur Ueno

ARRIERE-PLAN.- Nichiren Daishonin envoya cette lettre à Nanjo Tokimitsu le 8e jour du 7e mois de 1278, alors qu'il vivait à Minobu. Elle fut écrite en réponse à un don de blé et de gingembre que son disciple lui avait envoyé. Il paraît évident, d'après le contenu des nombreuses lettres que Nichiren Daishonin lui envoya, que Tokimitsu lui faisait parvenir des offrandes chaque mois.
L'année même où cette lettre fut écrite, le Japon avait été frappé par les épidémies et la famine. Nichiren Daishonin décrit cette situation dans de nombreux passages du Gosho. Il aborda ce problème dans une lettre à Shijo Kingo, écrite le 10e mois de 1278 : "... je vis dans cette lointaine forêt de montagne. Cette année a été particulièrement difficile : les grandes épidémies et la famine qui s'étaient déclarées au printemps et en été, ont empiré en automne et en hiver." Pour exprimer toute la valeur qu'il accorde au don de Tokimitsu, Nichiren Daishonin évoque les exemples d'Aniruddha et de Mahakashyapa, deux des Dix Principaux Disciples de Shakyamuni, ainsi que l'exemple de l'épouse de Mahakashyapa, pour indiquer à quel point sont précieuses des offrandes sincères, tout particulièrement lorsqu'elles sont faites durant des périodes où sévissent famine et épidémies.
Dans des vies antérieures, Aniruddha, Mahakashyapa et son épouse avaient tous reçu de grands bienfaits résultant d'offrandes apparemment modestes mais faites avec une grande sincérité. Par ces exemples, Nichiren Daishonin enseigne que, dans la pratique bouddhique, ce qui prime est la sincérité d'un don, et non son importance numérique ou financière. Il démontre que l'importance des bienfaits est fonction de la sincérité qui le motive. (Commentaire ACEP)

En anglais : Reply to Tokimitsu

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=925&m=1&q=Tokimitsu
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_ReplyTokimitsu.htm

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