Verset 10.1
Ainsi ai-je entendu. En
ce temps-là, le Bhagavat résidait
à l'endroit appelé Kalandakanivapa, dans le Bois
des Bambous, près de la ville de Rajagriha.
L'Ayasmanta*
Rahula séjournait alors
à Ambalatthika*
. Un après-midi, le Bhagavat, s'étant levé de son repos solitaire,
se rendit à Ambalatthika pour voir l'Ayasmanta Rahula.
Verset 10.2
L'Ayasmanta Rahula, apercevant de loin le Bhagavat qui s'approchait,
lui prépara une place pour s'asseoir et de l'eau pour se laver les pieds.
A son arrivée, le Bhagavat s'assit sur le siège préparé à son intention
et se lava les pieds. L'Ayasmanta Rahula rendit hommage au Bhagavat
et s'assit à l'écart sur côté*.
Verset 10.3
En laissant une petite quantité d'eau dans l'écuelle, le Bhagavat s'adressa
à l'Ayasmanta Rahula : "O Rahula, voyez-vous cette petite quantité d'eau
qui reste dans l'écuelle ?" "Oui, Bhagavat", répondit l'Ayasmanta Rahula. "De même, ô Rahula, il n'y a que très peu de qualité religieuse
chez les religieux qui n'ont pas de honte à dire des mensonges délibérés."
Verset 10.4
Puis, le Bhagavat jeta la petite quantité d'eau et s'adressa à nouveau
à l'Ayasmanta Rahula : "Voyez-vous maintenant, ô Rahula, la petite quantité
d'eau qui a été jetée ?" "Oui, Bhagavat." "De même, ô Rahula, la qualité
religieuse des religieux qui n'ont pas de honte à dire des mensonges
délibérés est abandonnée."
Verset 10.5
Ensuite, ayant renversé l'écuelle d'eau, le Bhagavat, s'adressa à nouveau
à l'Ayasmanta Rahula : "Voyez-vous maintenant ô Rahula, cette écuelle
d'eau qui est renversée ?" "Oui Bhagavat."
"De même, ô Rahula, la qualité religieuse des religieux qui n'ont pas
de honte à dire des mensonges délibérés est renversée"
Verset 10.6
Finalement, le Bhagavat retourna l'écuelle et s'adressa à nouveau à
l'Ayasmanta Rahula : "Voyez-vous maintenant, ô Rahula, cette écuelle
vide ?" "Oui, Bhagavat." De même, ô Rahula, la vie religieuse des
religieux qui n'ont pas de honte à dire des mensonges délibérés est
vide et néant.
Verset 10.7
Supposons que l'éléphant du roi, aux défenses longues comme un bras
de charrue dans la plénitude de sa maturité, bien nourri, soit digne
d'être amené sur le champ de bataille et supposons qu'à la lutte il
exécute des hauts faits, avec ses quatre pieds avec ses membres postérieurs,
avec son avant-train, avec son arrière-train et aussi avec sa tête,
ses oreilles, sa queue, ses défenses, tandis qu'il protège seulement
sa trompe. Le cornac pense alors que malgré sa vaillance et les hauts
faits variés qu'il exécute, la vie de l'élephant royal n'est pas en
danger, car il protège toujours sa trompe.
Verset 10.8
Cependant, ô Rahula, supposons que l'éléphant royal allant à la bataille,
exécutant de hauts faits avec les différentes parties de son corps,
ait aussi accompli de hauts faits avec sa trompe. Alors le cornac pense
que la vie de l'éléphant royal est vraiment en danger. Car, désormais,
il n'y a plus rien chez l'éléphant royal qui ne soit en péril.
Verset 10.9
De même, ô Rahula, je dis que chez quelqu'un qui n'a pas de honte à
dire des mensonges délibérés, il n'y a plus aucun mal qu'il ne soit
capable de faire (pour soi-même et pour les autres). C'est pour cela,
ô Rahula que vous devez vous discipliner ainsi : "Même pour m'amuser
je ne dirai pas de mensonge."
Verset 10.10
Puis le Bhagavat interrogea l'Ayasmanta Rahula : "Qu'en pensez-vous,
ô Rahula? Quelle est l'utilité d'un miroir ?" L'Ayasmanta Rahula répondit : "Le miroir sert à réfléchir, ô Bhagavat." De
même, ô Rahula, c'est après réflexion que les actions corporelles doivent
être accomplies ; c'est après réflexion que les actions verbales
doivent être accomplies ; c'est après réflexion que les actions
mentales doivent être accomplies.
Verset 10.11
Quelle que soit l'action que vous voulez faire avec votre corps, ô Rahula,
vous devez réfléchir : Cette action corporelle que je veux accomplir
avec mon corps contribuera-t-elle à mon propre mal, ou au mal des autres,
ou bien au mal des deux parties (pour moi-même et pour les autres)?
Cette action corporelle dès lors maladroite amène-t-elle la souffrance
et produit-elle le mal ?
Verset 10.12
Si, lorsque vous réfléchissez ainsi, vous concluez : Oui, l'action
corporelle que j'ai envie de faire contribuerait à mon propre mal, ou
au mal des autres, ou bien au mal des deux parties ; ou cette action
corporelle maladroite amènerait la souffrance et elle produirait le
mal", alors une telle action, ô Rahula, ne doit pas être accomplie.
Verset 10.13
Par contre, ô Rahula, si, lorsque vous réfléchissez, vous concluez :
"Cette action corporelle que j'ai envie de faire ne contribuerait ni
à mon propre mal, ni à celui des autres, ni à celui des deux parties ;
en fait, c'est une action juste, elle amène le bonheur et elle produit
le bonheur ", alors, ô Rahula, vous devez accomplir une telle action
corporelle.
Verset 10.14
Lorsque vous êtes en train de faire une action corporelle, ô Rahula,
à propos de cette action, vous devez réfléchir : "Maintenant, cette
action que je suis en train de faire avec mon corps contribuerait-elle
à mon propre mal, ou au mal des autres, ou bien au mal des deux parties?
Cette action est-elle maladroite, amène-t-elle la souffrance et produit-elle
le mal?"
Verset 10.15
Si, lorsque vous réfléchissez ainsi, vous concluez: "Oui, cette action
que je suis en train de faire avec mon corps contribuerait à mon propre
mal, ou au mal des autres, ou bien au mal des deux parties; en conséquence,
cette action corporelle qui est maladroite amène la souffrance et elle
produit le mal ", alors une telle action corporelle, ô Rahula, ne doit
pas être accomplie.
Verset 10.16
Par contre, ô Rahula, si, lorsque vous réfléchissez, vous concluez :
"Cette action corporelle que je suis en train de faire ne contribuerait
ni à mon propre mal, ni à celui des autres, ni à celui des deux parties,
en fait, c'est une action juste, elle amène le bonheur et elle produit
le bonheur", alors, ô Rahula, vous devez accomplir une telle action
encore et encore.
Verset 10.17
Lorsque vous avez fait une action corporelle, ô Rahula, à propos de
cette action vous devez réfléchir : "Cette action que j'ai faite
avec mon corps, a-t-elle contribué à mon propre mal, ou au mal des autres,
ou bien au mal des deux parties? Cette action corporelle, a-t-elle été
maladroite, a-t-elle amené la souffrance et a-t-elle produit le mal
?"
Verset 10.18
Lorsque vous réfléchissez si vous concluez : "Oui, cette action
corporelle que j'ai faite a contribué à mon propre mal, ou au mal des
autres, ou bien au mal des deux parties et, en fait, cette action maladroite
a amené la souffrance et a produit le mal ", alors, ô Rahula, une telle
action corporelle accomplie par vous doit être confessée, doit être
révélée. Vous devez la faire savoir au Maître, ou au sage, ou aux confrères.
Verset 10.19
Ayant confessé, révélé et fait savoir cette action, vous devez vous
contraindre à ne plus l'accomplir dans le futur.
Verset 10.20
Par contre, ô Rahula, si, lorsque vous réfléchissez, vous concluez :
"Cette action corporelle que j'ai faite n'a pas contribué à mon propre
mal, ni au mal des autres, ni au mal des deux parties et, en fait, cette
action corporelle était juste, elle a amené le bonheur et elle a produit
le bonheur", à cause de cette véritable raison, ô Rahula, vous demeurez
dans la joie, dans la sérénité et dans le bonheur, jour et nuit, vous
entraînant vous-même dans les états méritoires.
Verset 10.21
Lorsqu'il y a une action que vous voulez faire avec votre parole, à
propos de cette action verbale, vous devez réfléchir : "Cette action
que je veux faire avec ma parole contribuera t-elle à mon propre mal,
ou au mal des autres, ou bien au mal des deux parties? Cette action
de parole est-elle maladroite, amène-t-elle la souffrance et produit-elle
le mal ?"
Verset 10.22
Si, lorsque vous réfléchissez ainsi, vous concluez : "Oui, l'action
verbale que j'ai envie de faire contribuerait à mon propre mal, ou au
mal des autres, ou bien au mal des deux parties et, en fait, cette action
verbale maladroite amènerait la souffrance et elle produirait le mal",
alors, une telle action verbale, ô Rahula, ne doit pas être accomplie.
Verset 10.23
Ensuite, le Bhagavat explique à l'Ayasmanta Rahula, de la même façon,
comment il doit réfléchir avant, pendant et après telle ou telle action
de la parole.
Verset 10.24
Lorsqu'il y a une action que vous voulez faire avec votre pensée, à
propos de cette action mentale, vous devez réfléchir : "Cette action
que je veux faire avec ma pensée contribuerat-elle à mon propre mal,
ou au mal des autres, ou bien au mal des deux parties? Cette action
mentale est-elle maladroite, amène-t-elle la souffrance et produit-elle
le mal?"
Verset 10.25
Si, lorsque vous réfléchissez ainsi, vous concluez : "Oui, l'action
mentale que j'ai envie de faire contribuerait à mon propre mal, ou au
mal des autres, ou bien au mal des deux parties et, en fait, cette action
mentale maladroite amènerait la souffrance et elle produirait le mal",
alors, une telle action mentale, ô Rahula, ne doit pas être accomplie.
Verset 10.26
Ensuite, le Bhagavat explique à l'Ayasmanta Rahula, de la même façon,
comment il doit réfléchir avant, pendant et après telle ou telle action
de la pensée.
Verset 10.27
(...) Lorsque vous réfléchissez, ô Rahula, si vous concluez : "Oui,
cette action que j'ai faite avec ma pensée a contribué a mon propre
mal, ou au mal des autres, ou bien au mal des deux parties et, en fait,
cette action maladroite a amené la souffrance et a produit le mal",
alors, ô Rahula, de telles actions mentales doivent être détestées,
abandonnées et, ainsi, en détestant, abandonnant, méprisant de telles
actions mentales, vous devez vous restreindre à ne plus les accomplir
dans le futur.
Verset 10.28
Par contre, ô Rahula, si, lorsque vous réfléchissez, vous concluez :
"Cette action mentale que j'ai faite n'a pas contribué à mon propre
mal, ni au mal des autres, ni au mal des deux parties et, en fait, cette
action mentale est juste, elle amène le bonheur et elle produit le bonheur"
à cause de cette véritable raison, ô Rahula, vous demeurez dans la joie,
dans la sérénité et dans le bonheur, jour et nuit, vous entraînant vous-même
dans les états méritoires.
Verset 10.29
Dans le passé le plus lointain, ô Rahula, tous les religieux ou prêtres
qui ont purifié leurs actions du corps, de la parole et de la pensée,
tous l'ont fait de la même manière, c'est-à-dire par une réflexion constante.
Verset 10.30
Dans le futur le plus éloigné, ô Rahula, tous les religieux ou prêtres
qui purifieront leurs actions du corps, de la parole et de la pensée,
eux tous aussi le feront de la même manière, c'est-à-dire par une réflexion
constante.
Verset 10.31
Dans le présent également, ô Rahula, tous les religieux ou prêtres qui
purifient leurs actions du corps, de la parole et de la pensée, eux
tous aussi le font exactement de la même manière, c'est-à-dire par une
réflexion constante.
Verset 10.32
C'est parce que vous, ô Rahula, vous devez vous entraîner ainsi :
"Par la réflexion constante, nous purifierons nos actions corporelles.
Par la réflexion constante, nous purifierons nos actions de la parole.
Par la réflexion constante, nous purifierons nos actions de la pensée."
Ainsi parla le Bhagavat. L'Ayasmanta Rahula ravi se réjouit des paroles
du Bhagavat.
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