Il y eut deux tentatives d’invasion mongole au Japon, en 1274
et 1281. Toutes les deux furent repoussées dans des conditions
jugées, à l’époque, miraculeuses.
Depuis 1200, date du début de leur expansion, les Mongols, peuple
nomade d’Asie orientale, s’étaient acquis une réputation
de cruauté et d’invincibilité. Rassemblés
par Gengis Khan (1165-1227), qui réussit à unifier leurs
différentes tribus et qui dota son armée d’un certain
nombre d’innovations dans la technique militaire, les Mongols
se projetèrent dans toutes les directions, visant les pays riches,
notamment la Chine du nord.
Ils créèrent ainsi un très vaste empire. A leur
apogée, ils contrôlaient la majorité de la Chine
(Yanjing, future Pékin, complètement
détruite et sa population massacrée, en 1215), la Corée,
une partie de la Sibérie, l’Indochine, la Birmanie, l’Iran,
l’Irak (Bagdad, capitale du califat abbasside, en 1258), l’Asie
Mineure, la Russie, la Pologne, la Hongrie (1241) et une partie des
Balkans.
Ces conquêtes de proche en proche ne répondaient pas à
un plan d’ensemble, mais à un désir de contrôler
sans cesse davantage de marchés et de marchandises, et de récupérer
du butin. Lorsque leurs propositions de reddition à des conditions
favorables étaient rejetées par leurs adversaires, les
Mongols s’avançaient en force et massacraient massivement
les vaincus. Cette utilisation de la terreur est l’une des raisons
de la vitesse avec laquelle ils progressèrent à travers
l’Asie et l’Europe de l’Est.
C’est à Kubilaï Khan (1215-1294),
petit-fils de Gengis Khan, grand khan des Mongols en 1260, qu’il
revint d’achever la conquête de la Chine en renversant les
derniers empereurs de la dynastie Song
en 1279. En 1280, Kubilaï se proclama empereur de Chine, fondant
la dynastie Yuan
(qui gouverna la Chine jusqu’en 1368). C'était un souverain
éclairé et bâtisseur. Il introduisit la monnaie
de papier, protégea les arts et se montra tolérant à
l'égard des différentes religions. C’est sous son
règne que Marco Polo effectua un long séjour à
Pékin.
Dans le domaine des opérations militaires, Kubilaï
Khan conquit le nord de la Chine et la Corée, mais il
échoua au Japon et au Viêt-Nam.
La première invasion mongole au Japon eut lieu en 1274. Cette
première tentative d’invasion du pays par un peuple étranger
est un épisode traumatisant dans l’histoire du Japon.
En 1268, après avoir ravagé la Chine des Song
et la Corée, et en l'absence de réponse à une première
lettre demandant la fin des actes de piraterie japonais, puis à
une seconde exigeant que le Japon se reconnaisse tributaire de l'Empire
mongol, Kubilaï Khan décida
l'invasion. Les Mongols n'ayant aucune compétence maritime, c'est
aux Coréens qu’il firent appel pour la construction d’une
flotte.
Le 19 novembre 1974, la flotte mongole de 900 bateaux
et 44 000 soldats et marins aborda la baie de Hakata
(nord-ouest de l’île Kyushu).
Le combat fut très inégal. Aux forces d’infanterie
mongole bien entraînées, épaulées par des
catapultes et des armes à longue portée, étaient
opposés des samouraïs à cheval se battant seuls en
combat singulier. La journée fut donc très lourde en pertes
pour les Japonais
.
Mais, durant la nuit, un typhon se leva et obligea la flotte mongole
à battre en retraite et à quitter le Japon. Le "Vent
des dieux" (c’est le sens du mot kamikaze)
avait protégé miraculeusement, proclama-t-on, le Japon.
Cependant l’affrontement représentait une défaite
militaire pour les samouraïs japonais.
La deuxième tentative eut lieu sept ans plus tard, en 1281.
Entretemps, le gouvernement militaire (shogunat)
s’était préparé : construction d’un
rempart le long des côtes ouest de Kyushu,
mise en chantier d’embarcations légères pour attaquer
les bateaux ennemis, dépôts d’armes.
L’armada mongole, forte de 50 000 Mongols et 100 000 soldats chinois,
était bien plus imposante que la première fois. De leur
côté, les grands seigneurs japonais avaient envoyé
des armées entières de samouraïs. Les Japonais attaquèrent
tout de suite les navires, en les incendiant et en coulant certains.
Une partie de l’armée mongole ne réussit donc pas
à débarquer. Le 9 juin, les Mongols débarquèrent
cependant à Tsushima et, le 14,
sur l'île Iki
Le 21 juin eut lieu la bataille autour d'Hakata
(Kyushu) mais les troupes mongoles n'arrivèrent
pas à prendre l'avantage.
Pendant trois semaines les samouraïs se battirent sur les plages
tandis que tous les monastères priaient ardemment Bouddha et
les kamis. Les Mongols échouèrent à vaincre la
résistance des forces japonaises, qui étaient constamment
ravitaillées en guerriers et en nourriture. Le 12 août,
arriva de Chine un important renfort. Et, pour la deuxième fois,
un typhon se leva et se déchaîna durant deux jours (15
et 16 août 1281).
Les vaisseaux mongols survécurent, cette fois, au typhon mais
toutes les provisions furent détruites et les soldats, affamés,
furent anéantis par l'infanterie japonaise et les samouraïs.
Une fois de plus, les dirigeants japonais en conclurent que les kamis
(dieux) du Japon avaient protégé le pays en envoyant ce
vent divin (Kamikaze).
Kubilaï Khan perdit à ce moment-là
presque toute son armée d’invasion. Il songea à
attaquer une troisième fois, mais les seigneurs mongols s’y
opposèrent. Ces opérations avaient, en effet, ruiné
les finances et les forces combattantes du régime mongol. En
outre, la réputation d’invincibilité de celui-ci
avait été atteinte. Pour le peuple japonais, cette invasion
renforça la méfiance à l’égard des
étrangers mais accrut aussi son sentiment de supériorité
et d’invulnérabilité, qui refera surface pendant
la Seconde Guerre mondiale.
Cependant la défense du pays avait été très
coûteuse. Les valeurs militaires traditionnelles furent bouleversées.
La
cavalerie japonaise habituée aux combats individuels, se heurtait
aux fantassins mongols groupés en carrés hérissés
de pics, armés d'arcs puissants, de bombes qui effrayaient les
montures et de lances qui les éventraient. Tout chevalier nippon
approchant les lignes ennemies pour lancer son traditionnel défi
était précipité au sol, sans avoir eu le temps
de se nommer. La noblesse japonaise perdit ainsi beaucoup de ses membres.
Il fallut changer de techniques de combat. La cavalerie cessa d’être
l'atout majeur de la guerre... Désormais les fantassins, recrutés
parmi les classes sociales inférieures (paysans, samouraïs sans noblesse), furent équipés de faux, de lances, de
sabres. Au contact des Mongols, une nouvelle stratégie guerrière
naquit : on faucha, on sabra, on éventra hommes et chevaux. Les
samouraïs perdirent ainsi une partie de leur statut. Leur déception
fut renforcée par les résultats décevants de cette
guerre. Contrairement à l’usage, ils n’avaient pu
tirer de ces combats aucun des bénéfices habituels : ni
butin, puisque l'ennemi avait sombré, ni territoire, puisqu'il
s'agissait d'une tentative d'invasion étrangère. Cette
déception de la noblesse japonaise eut des effets politiques
à long terme.
Si l'on regarde de plus près les cartes, on peut voir que le
Japon ne fut pas réellement envahi. En fait, les batailles décisives
eurent lieu sur deux îles stratégiques qui commandaient
le détroit entre la Corée et le Japon, à la périphérie
et à la limite du monde japonais, et qui furent d'ailleurs revendiquées
par la Corée après la seconde Guerre mondiale : les petites
îles de Tsushima et de Iki, situées au large de Kyu Shu,
la grande île la plus méridionale du Japon. Ces îles
constituaient un verrou que Mongols ne purent emporter. Le territoire
japonais resta donc indemne, mais la menace avait été
sérieuse. C'est aussi à Tsushima qu'eut lieu une grande
bataille navale russo-japonaise en 1905.