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Extraits de gosho sur |
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quatre
rivières |
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A deux reprises j'ai été exilé, et, finalement,
je me suis retiré dans ces montagnes. Elles sont,
en fait, constituées par quatre massifs montagneux : les pentes
escarpées des monts Tenshi-no-take à l'est, Shichimen
à l'ouest, Minobu au nord
et Takatori au sud. Chacun de ces monts semble vouloir toucher le ciel.
Ils sont si abrupts, en fait, que même les oiseaux ont du mal
à les survoler. Quatre rivières coulent dans la vallée
: la Fuji-kawa, l'Haya-kawa, l'Oshira-kawa et la Minobu-kawa. Entre
les rivières, au creux d'une ravine, sur un terrain de moins
de cent mètres, j'ai construit ma demeure. Le lieu est si encaissé
que, même de jour, il est difficile de voir le soleil ; la nuit,
on ne peut voir la lune. Tout est recouvert par une neige épaisse
en hiver, et par les hautes herbes en été. Parce que je
reçois très peu de visiteurs, le chemin n'est guère
praticable. Cette année surtout, la neige était si haute
que personne n'était venu jusqu'ici me rendre visite. Il y a sept régions au Japon et cette montagne
se trouve dans la région que l'on appelle le Tokaido, qui se
divise en quinze provinces. L'une d'elles est la province de Kai, comportant
trois districts, les villages d'Iino, Mimaki et Hakiri. La chaîne
montagneuse dont je parle se trouve dans le district d'Hakiri et s'étend,
au nord-ouest, sur plus de vingt lieues. Au nord, s'élève
le Mont Minobu, au sud, le Mont Takatori, à l'ouest, le Mont Shichimen et à l'est, le Mont Tenshi, comme des planches se dressant pour enfermer le ciel des
quatre côtés. Autour de ces montagnes coulent quatre cours
d'eau : du nord au sud, la rivière Fuji ; d'ouest en
est, la rivière Haya ; derrière cette région
et devant, la rivière Hakiri et son confluent, comportant une
cascade, que l'on appelle la rivière Minobu. On pourrait croire
que le Pic du Vautour est venu
du centre de l'Inde ou que le Mont Tiantai a quitté la Chine pour s'installer ici. Entre ces
quatre montagnes et quatre rivières se trouve un plateau aussi
peu étendu que la paume d'une main. Là, pour me protéger
de la pluie, j'ai construit une petite cabane, mon ermitage. Les quatre
murs sont faits d'écorce arrachée aux arbres. Pour vêtement,
je porte la peau d'un daim mort de mort naturelle. Au printemps, je
cueille des fougères pour en nourrir mon corps, et à l'automne
je ramasse des baies pour rester en vie. Depuis le 11e mois de l'année
dernière, la neige n'a cessé de s'accumuler, et maintenant,
dans le premier mois de la nouvelle année, elle tombe toujours.
Ma cabane est haute de sept pieds, mais la neige s'est entassée
sur une hauteur de dix pieds. Je suis entouré par quatre murs
de glace, le gel a suspendu des ornements précieux aux coins
du plafond de mon lieu de pratique, tandis que sur le sol, la neige
s'entasse à la place du riz.
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