La position du pali dans Conférence de Nalini Balbir (extrait) |
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in Cahiers de l'EPHE Inde et Extrême-Orient 146 (2013-2014) | 2015 |
Le champ des études bouddhiques en Europe est vieux de plus d’un siècle et demi. Pendant toute cette période, on a souvent eu tendance à considérer la tradition palie comme la seule représentante du « bouddhisme ancien ». Le développement linguistique et l’héritage du bouddhisme ont donc été enfermés dans un système binaire : pali = bouddhisme ancien, Theravāda, versus sanskrit = bouddhisme tardif, Mahāyāna. Ce modèle prévaut toujours bien qu’il n’ait jamais été exact. Les nouvelles découvertes de manuscrits, en particulier ceux du Gandhāra, montrent à quel point ce modèle est inapproprié. Pensant que l’heure est venue de réexaminer le statut du pali et des autres langues indiennes utilisées par les bouddhistes, nous avons discuté le statut du pali à la lumière du corpus émergeant des manuscrits gāndhārī, des progrès récents dans l’étude et la traduction des Āgama chinois, et, plus généralement, des nouvelles perspectives relatives aux traditions du Vinaya et de l’Abhidharma. Les récentes découvertes archéologiques faites en Asie du Sud (corpus épigraphique du stūpa de Kanaganahalli, inscriptions sur pilier de Deorkothar et Phanigiri) demandent aussi à être prises en compte. Le Vénérable Analayo (université de Hambourg) a présenté la problématique générale dans une conférence intitulée « Developements in Āgama studies and the “Pāli paradigm” », et le débat s’est poursuivi lors de la table ronde « In quest of new paradigms : The position of Pali in the corpus of early Buddhist texts » animée par P. Skilling, à laquelle ont participé O. von Hinüber, G.-J. Pinault (EPHE), I. Strauch (université de Lausanne) et R. Gethin (université de Bristol). On s’est efforcé de contextualiser la tradition palie, certainement la mieux conservée dans une langue indienne, au sein du complexe littéraire et religieux du bouddhisme indien ancien. Par ailleurs, une table ronde a été consacrée aux rapports de la littérature narrative palie en relation avec les autres traditions, bouddhique, mais aussi hindoue et jaïne. Elle était animée par Naomi Appleton (université d’Édimbourg), qui a également présenté avec A. Sheravanichkul, leur projet de constitution d’une base de données dédiée aux Jātaka. Aux communications de type classique et aux tables rondes, s’est ajouté, tout au long de la semaine, un atelier de lecture de manuscrits en écriture khom (animé par Santi Pakdeekham). Le choix s’est porté sur le Jambūpatisūtra. Il s’agit d’un récit de conversion riche en péripéties : imbu de sa richesse et de sa puissance, Jambūpati est un roi présomptueux et irascible. Mais le Bouddha omniscient sait qu’il est destiné à devenir arhat. Il emploie donc divers stratagèmes pour conduire ce personnage à l’humilité et à l’hommage – et la tâche s’avère ardue. Ce texte narratif vivant a circulé largement en pali, dans les sermons en langue vernaculaire, dans les textes d’ānisaṃsa, dans les poèmes du type klon suat, et aussi dans l’art et l’iconographie (Griswold 1961). Dans le Siam de l’époque d’Ayutthaya et de Ratanakosin, c’était un texte important du canon « fonctionnel », connu à travers l’Asie du Sud-Est. Jusqu’à la publication récente de l’édition synoptique en translittération (Pakdeekham 2009), seule la description précise qu’a donnée L. Finot (1917) permettait d’avoir accès au contenu du Jambūpatisūtra. Durant l’atelier, les participants ont lu collectivement des passages de ce sutra dans un manuscrit sur palme de la province de Surat Thani datant de l’époque d’Ayutthaya dont des photographies leur avaient été communiquées. |