Le Sûtra du Lotus

DICTIONNAIRE
Traduit du chinois par Jean-Noël Robert

copyright Rissho Kosei-kai et Librairie Arthème Fayard, 1997

Chapitre III - La parabole

 

En cette heure, Çâriputra exulta en sa liesse, joignit les paumes, leva humblement les yeux vers le visage vénéré et s'adressa à l'Éveillé : « Au son de la Loi que je viens à présent d'entendre du Vénéré du monde, ma pensée exulte comme jamais auparavant. Comment cela se fait-il ? C'est que, dans le passé, j'ai entendu de l'Éveillé une telle Loi, j'ai vu les êtres d'Éveil recevoir l'annonciation de leur futur état d'Éveillé, alors que nous autres n'étions pas concernés en cette affaire. Je fus moi-même fort affligé de manquer le savoir et la vision infinis de l'Ainsi-Venu. Vénéré du monde, je demeurai constamment, solitaire, dans les montagnes boisées, au pied des arbres; assis ou marchant, j'avais à chaque fois cette pensée : nous avons pareillement pénétré la nature de Loi; pourquoi est-ce à l'aide de la Loi du Petit Véhicule que l'Ainsi-Venu nous montre le salut ? Cela est de notre faute, non de celle du Vénéré du monde. Pourquoi cela ? Si nous avions attendu qu'il prêchât comment réaliser l'Éveil complet et parfait sans supérieur, nous aurions immanquablement gagné la délivrance grâce au Grand Véhicule, mais nous n'avons pas compris que sa prédication était accommodée aux dispositions : sitôt entendue la Loi d'Éveillé, sur-le-champ nous l'avons reçue avec foi, nous y avons réfléchi et l'avons prise pour attestée. Vénéré du monde, depuis ces temps anciens, je me suis jour et nuit, sans trêve, accablé de reproches. Or, j'entends à présent de l'Éveillé une Loi inouïe et sans précédent. Elle a coupé court à mes doutes et regrets. Réconforté en corps et pensée, je me sens heureux et soulagé; je sais aujourd'hui que je suis véritablement fils d'Éveillé : né de la bouche de l'Éveillé, né par transformation de la Loi, ayant part à la Loi d'Éveillé. »

Alors Çâriputra, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

       Ayant entendu le son de cette Loi,
       à obtenir ce qui est sans précédent,
       mon coeur conçoit une grande liesse,
       les filets du doute sont tous supprimés;
       J'ai autrefois reçu en grâce la doctrine de l'Éveillé,
       et n'ai pas manqué le Grand Véhicule;
       rare, fort rare est le son de l'Éveillé,
       capable de supprimer les chagrins des êtres.
       J'avais gagné l'épuisement des infections
       et, à l'entendre, je supprimai aussi peines et chagrins.
       Je demeurai dans les vallées de montagnes
       ou encore sous les arbres;
       assis ou en déambulant,
       constamment je réfléchissais à cette chose;
       hélas, je me faisais de profonds reproches,
       comment m'étais-je leurré moi-même ?
       Nous sommes nous aussi fils d'Éveillé,
       pareillement entrés dans la Loi sans infection,
       mais nous ne pourrons à l'avenir
       exposer la Voie insurpassable.
       La couleur dorée du corps, ses trente-deux marques,
       les dix puissances, les délivrances
       sont regroupées au sein de la Loi unique,
       mais nous ne les avons pas faites nôtres.
       Les quatre-vingts caractères sublimes,
       les dix-huit attributs singuliers
       et les mérites similaires,
       nous les avons tous manqués.
       Seul dans ma déambulation,
       je voyais l'Éveillé dans la grande foule,
       son renom emplissant les dix orients,
       inonder amplement les êtres de ses bienfaits;
       je songeais en moi-même que je manquais ces bénéfices,
       car je me dupais moi-même.
       Jour et nuit, en permanence,
       j'étais tout à réfléchir à ces choses
       et voulais demander au Vénéré du monde,
       si je les avais ou non manquées.
       Je voyais en permanence le Vénéré du monde
       faire l'éloge des êtres d'Éveil
       pour cela, jour et nuit,
       je supputais de telles choses.
       A présent, j'entends la voix sonore de l'Éveillé
       prêcher la Loi en l'accommodant aux dispositions,
       sans infections, si difficile à concevoir qu'elle soit,
       et mener la foule au lieu de la Voie.
       A l'origine, attaché à des vues perverses,
       j'étais l'instructeur de brahmanes;
       le Vénéré du monde, connaissant mon coeur,
       extirpa le pervers et me prêcha l'Extinction;
       je me débarrassai complètement des vues perverses
       et obtins d'attester la Loi de vacuité.
       En ce temps-là, j'estimai en pensée
       être parvenu au passage en Disparition,
       mais à présent je me suis de moi-même aperçu
       qu'il ne s'agissait pas du réel passage en Disparition.
       Si j'obtiens un jour de devenir Éveillé,
       je réunirai les trente-deux marques,
       dieux, hommes, silènes en foule,
       dragons, génies me révéreront;
       alors seulement je pourrai me dire
       avoir à tout jamais l'Extinction sans reste.
       L'Éveillé, au milieu d'une grande foule,
       a annoncé que je devais devenir Éveillé;
       à entendre ce son de Loi,
       doutes et regrets se sont entièrement dissipés.
       Tout d'abord, en entendant l'Éveillé parler,
       j'avais été en mon coeur grandement étonné, plein de doute :
       n'était-ce pas plutôt le Malin, contrefaisant l'Éveillé,
       qui jetait en ma pensée le trouble ?
       L'Éveillé, grâce à une variété de relations
       et de paraboles, s'exprimait habilement,
       sa pensée était calme comme la mer;
       à l'entendre, le filet de mes doutes fut tranché.
       L'Éveillé prêchait que dans les âges passés
       une infinité d'Éveillés passés en Disparition,
       demeurant assurés au sein des expédients,
       ont tous eux aussi prêché cette Loi;
       les Éveillés du présent et du futur,
       en nombre incalculable,
       eux aussi à l'aide des expédients,
       exposeront une telle Loi;
       pour le présent, le Vénéré du monde,
       de sa naissance jusqu'à sa sortie de la famille,
       à l'obtention de la Voie, à la mise en branle de la roue de la Loi,
       a lui aussi prêché à l'aide des expédients.
       Le Vénéré du monde prêche la Voie réelle,
       le diable en est dépourvu;
       c'est ainsi que je sais décidément
       qu'il ne s'agit pas du Malin contrefaisant l'Éveillé;
       c'est parce que j'étais tombé dans les filets du doute,
       que j'ai estimé que c'était l'opération du Malin.
       A entendre les sons mélodieux de l'Éveillé,
       profonds, fort sublimes et subtils,
       développant la Voie en sa pureté,
       mon coeur exulte grandement,
       mes doutes et regrets sont à jamais épuisés :
       je demeure assuré au sein de la sagesse réelle.
       Je deviendrai décidément Éveillé,
       vénéré des dieux et des hommes,
       mettant en branle la roue de la Loi insurpassable,
       enseignant et convertissant les êtres d'Éveil.

Alors l'Éveillé déclara à Çâriputra :

Je prêche à présent au sein d'une grande foule de dieux et d'hommes, d'ascètes et de brahmanes; déjà par le passé, en présence de vingt mille myriades d'Éveillés, en raison de la Voie insurpassable, je t'ai en permanence enseigné pour ta conversion; tu as dans la longue nuit des siècles étudié à ma suite. Parce que je t'ai guidé à l'aide des expédients, tu es rené au sein de ma Loi. Çâriputra, je t'ai dans le passé fait aspirer à la voie d'Éveillé; tu l'as maintenant complètement oubliée, si bien que tu estimes avoir obtenu de passer en Disparition. C'est parce que je veux à présent te remettre en mémoire la voie que tu pratiquais selon ton voeu originel que j'expose aux auditeurs ce livre du Grand Véhicule dont le titre est La Fleur du lotus de La Loi sublime, Loi enseignée aux êtres d'Évei, gardée en mémoire par les Éveillés.

Çâriputra, dans l'avenir, ayant passé un nombre incalculable, illimité, inconcevable d'éons, ayant rendu hommage à plusieurs milliers de myriades d'Éveillés, préservé la Loi correcte, totalement muni de la voie pratiquée par les êtres d'Éveil, tu obtiendras de devenir Éveillé et seras appelé l'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri, Digne d'offrande, au savoir correct et universel, muni de science et de pratique, bien parti, comprenant le monde, héros suprême, dompteur, précepteur des dieux et des hommes, Éveillé, Vénéré du monde; ton royaume aura nom Immaculé, à la terre unie, pure, ornée, pacifique, prospère; dieux et hommes y foisonneront; le sol sera de béryl; il y aura huit voies qui se croiseront, lesquelles seront délimitées par des cordons d'or et bordées d'arbres faits des sept matières précieuses, donnant perpétuellement fleurs et fruits. L'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri, lui aussi, enseignera et convertira les êtres à l'aide des trois véhicules. Çâriputra, lorsque cet Éveillé apparaîtra au monde, il exposera, de par son voeu originel, la Loi des trois véhicules, alors que ce ne sera pas un âge mauvais. Son éon aura pour nom Ornement de Grands Joyaux.
Pourquoi aura-t-il nom Ornement de Grands Joyaux ? C'est que dans ce royaume les êtres d'Éveil constitueront de grands joyaux; ces êtres d'Éveil seront en nombre incalculable, illimité, inconcevable; aucune comparaison ne pourrait le chiffrer, on ne saurait le connaître qu'avec la puissance de la sagesse d'Éveillé. Lorsqu'ils voudront marcher, des fleurs de joyaux recevront leurs pas. Ces êtres d'Éveil n'en seront pas à leur premier déploiement d'intention; ils auront depuis longtemps planté les racines de mérites, pratiqué avec pureté la conduite brahmique auprès de milliers de myriades d'Éveillés sans nombre; ils auront provoqué l'admiration des Éveillés, se seront continuellement entraînés à la sagesse d'Éveillé, munis totalement des grands pouvoirs merveilleux; ils auront la maîtrise de l'ensemble des enseignements et seront droits de caractère, sans tromperie, d'une volonté ferme et solide. De tels êtres d'Éveil rempliront son royaume. Çâriputra, l'âge de l'Éveillé Éclat-Fleuri atteindra douze éons mineurs, si l'on excepte le temps où il était prince avant de devenir Éveillé; dans son royaume, l'âge du peuple atteindra huit éons mineurs.
Passé douze éons mineurs, l'Ainsi-Venu Éclat-Fleuri confèrera à l'être d'Éveil Pleine-Fermeté l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur et déclarera aux moines que cet être d'Éveil Pleine-Fermeté devra par la suite devenir Éveillé sous l'appellation d'Ainsi-Venu, Digne d'offrande, Complètement et Parfaitement Éveillé Sûre Démarche aux Pas Fleuris; son royaume sera tel que celui-ci. Çâriputra, après que cet Éveillé Éclat-Fleuri sera passé en Disparition, la Loi parfaite demeurera dans le monde trente-deux éons mineurs et la Loi de semblance aussi demeurera dans le monde trente-deux éons mineurs.

Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

       Çâriputra, en un âge à venir,
       tu deviendras Éveillé, un vénérable en sagesse universelle,
       qui sera appelé Éclat-Fleuri
       et sauvera des êtres innombrables;
       ayant rendu hommage à des Éveillés sans nombre,
       totalisé les pratiques d'être d'Éveil,
       les mérites comme les dix puissances et autres,
       il aura attesté la Voie insurpassable.
       D'incalculables éons ayant passé,
       un éon sera appelé Ornement de Grands Joyaux,
       un monde aura nom Immaculé,
       pur et sans vice;
       le sol en sera de béryl,
       des cordons d'or borderont les voies
       et des arbres multicolores de sept matières précieuses
       porteront toujours fleurs et fruits.
       Les êtres d'Éveil de ce royaume
       seront d'une volonté perpétuellement ferme et solide;
       des pouvoirs merveilleux et des perfections,
       ils seront tous munis;
       auprès d'innombrables Éveillés
       ils auront maîtrisé les pratiques d'êtres d'Éveil.
       De tels grands héros
       auront été convertis par l'Éveillé Éclat-Fleuri.
       L'Éveillé, alors qu'il sera encore prince,
       abandonnera son royaume, renoncera à la pompe du monde
       et, en son tout dernier corps,
       quittera sa famille et réalisera la voie d'Éveillé.
       L'Éveillé Éclat-Fleuri demeurera au monde
       jusqu'à douze éons mineurs d'âge;
       les êtres qui peupleront son royaume
       auront huit éons mineurs d'âge de vie.
       Après que l'Éveillé sera passé en Disparition,
       la Loi correcte demeurera au monde
       trente-deux éons mineurs
       et sauvera amplement les êtres;
       après la disparition de la Loi correcte,
       trente-deux aussi pour la Loi de semblance.
       Les reliquesseront amplement répandues,
       dieux et hommes partout leur feront offrande.
       Telles seront toutes
       les actions de l'Éveillé Éclat-Fleuri,
       le saint vénéré des humains aux deux jambes,
       le triomphant, l'insurpassable.
       Il ne sera autre que toi-même;
       il convient que tu t'en réjouisses.

Alors les quatre congrégations, les moines et moniales, les pieux laïcs et laïques pieuses, les dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, en grandes multitudes, voyant Çâriputra recevoir, face à l'Éveillé, l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur exultèrent en leur coeur d'une liesse sans borne. Tous jusqu'au dernier se défirent du vêtement de dessus qu'ils portaient pour en faire offrande à l'Éveillé; Indra le fort des dieux et Brahmâ le roi divin, avec d'innombrables fils de dieux, firent offrande à l'Éveillé de leurs sublimes atours divins, de fleurs d'érythrina et de grande érythrina. Les atours divins qu'ils dispersèrent demeurèrent dans l'espace et se mirent d'eux-mêmes à tournoyer. De divines musiques, par dizaines de milliers, se mirent en même temps à jouer dans l'espace tandis que pleuvaient une multitude de fleurs célestes et que se formaient ces paroles : « Jadis l'Éveillé a pour la première fois mis en branle, à Bénarès, la roue de la Loi; maintenant il la remet en branle, la roue de la Loi éminente et sans supérieure. »
Alors les fils de dieux, voulant réitérer cette idée, s'exprimèrent en stances :

       Jadis à Bénarès,
       il mit en branle la roue de la Loi des quatre vérités,
       différencia dans sa prédication les enseignements,
       la production et destruction des cinq groupes.
       Maintenant à nouveau il met en branle la roue
       de la plus sublime et insurpassable Loi.
       Les plus profonds arcanes de cette Loi,
       peu sont capables d'y prêter foi.
       Nous autres, depuis les temps anciens,
       avons entendu prêcher nombre de Vénérés du monde
       et jamais encore nous n'avons entendu une telle
       Loi supérieure, profonde et sublime.
       A la prédication de cette Loi par le Vénéré du monde,
       une joyeuse approbation est en nous tous.
       Çâriputra à la grande sagesse
       a pu aujourd'hui recevoir l'annonciation du Vénéré;
       nous aussi, tout comme lui,
       obtiendrons à coup sûr de devenir Éveillés,
       dans l'ensemble des mondes
       Vénérés éminents, sans nul supérieur.
       La voie d'Éveillé défie le concevable :
       elle doit être prêchée par des expédients accommodés;
       les actes méritoires dont nous disposons,
       en cette vie ou dans les vies passés,
       tout comme les mérites d'avoir vu un Éveillé,
       nous les tranférerons intégralement vers la voie d'Éveillé.

Alors Çâriputra déclara à l'Éveillé : « Vénéré du monde, je n'ai à présent plus de doute ni de regret : j'ai personnellement, en présence de l'Éveillé, reçu l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Quand ces mille deux cents êtres, souverains maîtres de leur pensée, demeuraient jadis au niveau de l'étude, l'Éveillé leur enseignait constamment : « Ma Loi est capable de vous détacher de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ainsi que de vous faire parachever l'Extinction. » Ces êtres, qu'ils fussent apprentis ou au-delà de l'étude, estimant tous et chacun s'être détachés des vues sur le Moi comme des vues sur l'existant et l'inexistant, crurent avoir gagné l'Extinction et maintenant qu'ils entendent, en présence du Vénéré du monde, ce qu'ils n'avaient jamais encore entendu, ils tombent tous dans les égarements du doute. Fort bien, Vénéré du monde, mon souhait est que vous exposiez ces relations aux quatre congrégations afin de les détacher du doute et du regret. »

Alors l'Éveillé proclama à Çâriputra :

N'ai-je pas dit auparavant que si les Éveillés, Vénérés du monde, prêchaient la Loi à l'aide d'une variété d'expédients, relations, paraboles et locutions, c'était toujours en vue de l'Éveil complet et parfait sans supérieur ? C'est parce que tout ce qu'ils prêchaient était pour convertir les êtres d'Éveil. Or à présent, Çâriputra, je vais à nouveau illustrer cette idée à l'aide d'une autre parabole, car les sages comprennent grâce aux paraboles.

Çâriputra, imagine que dans un pays, une région, un village, il y avait un grand maître de maison, d'un âge fort avancé et à la fortune incalculable, possédant abondance de champs, de résidences, de serviteurs. Sa maison était immense et n'avait qu'une seule porte; une foule de gens, cent, deux cents, cinq cents même, y demeuraient. Les salles et les pavillons en étaient vermoulus, les murs croulaient, les piliers étaient pourris à la base, les poutres dangereusement gauchies. Tout autour, au même instant, un incendie éclata et s'attaqua aux bâtiments. Les fils du maître de maison, il y en avait peut-être dix, vingt ou même trente, étaient à l'intérieur. Le maître de maison, voyant ce grand feu qui avait surgi des quatre directions, fut saisi de frayeur et eut cette pensée : alors que, moi, je pourrais aisément sortir par cette porte en feu, mes enfants, eux, sont dans la maison en flammes, plongés avec délice dans leurs jeux; ils ne s'aperçoivent de rien, ne se rendent compte de rien, ne sont ni étonnés ni effrayés. Le feu les menace, la douleur est imminente et ils n'ont nulle angoisse en leur coeur, ils n'ont pas l'intention de chercher à sortir.

Çâriputra, le maître de maison se fit cette réflexion : j'ai les membres vigoureux; je devrais les faire sortir du bâtiment à l'aide de vêtements, de potiches ou encore de tables. Mais il se dit alors : cette maison n'a qu'une seule porte, encore est-elle bien étroite. Mes enfants sont petits, ils ne savent rien; plongés dans leurs jeux, ils risqueraient de tomber et de finir brûlés. Je dois donc leur annoncer l'effrayante chose; cette maison brûle déjà, il faut vite les en faire sortir à temps et ne pas les laisser brûler dans les flammes. S'étant dit cela, il fit comme il l'avait pensé et avertit sans ambages ses enfants : « Sortez vite ! » Mais, malgré les bonnes paroles d'incitation que le père, dans sa tendresse et son affection, leur adressait, les enfants, plongés avec délice dans leurs jeux, se refusaient à le croire. Pas plus étonnés qu'effrayés, ils n'avaient aucunement le coeur à sortir, d'autant qu'ils ne savaient pas ce qu'était le feu, ni une maison, ni davantage une perte; courant d'est en ouest, ils se contentaient de regarder leur père.

Alors le maître de maison eut cette pensée : ce logis est désormais la proie de l'incendie; si, mes fils et moi, nous n'en sortons pas à temps, nous finirons inévitablement dans les flammes. il me faut donc à présent mettre au point un expédient pour permettre aux enfants d'échapper au péril. Le père savait que ses fils, tout d'abord, avaient chacun au coeur du goût pour une variété de jouets rares, de choses étonnantes qui ne manqueraient pas de ravir leur sentiment, et il leur déclara : «Vos jouets favoris, rares et difficiles à trouver, si vous ne les prenez pas, vous le regretterez forcément plus tard; ainsi ces divers chars, char à mouton, char à daim, char à boeuf qui sont à présent devant la porte, vous pourrez vous en servir pour jouer. Il faut donc que vous sortiez vite de cette demeure en flammes et je vous donnerai alors tout ce que vous pourrez désirer. »

Alors, comme les jouets rares que les enfants entendaient leur père évoquer étaient conformes à leurs souhaits, ils se trouvèrent tout un chacun encouragé et, se bousculant les uns les autres, sortirent en courant à qui mieux mieux de la demeure en flammes. A ce moment, le maître de maison, voyant que ses fils avaient pu sortir sains et saufs et étaient tous assis sur la terre nue au milieu du carrefour, qu'il n'y avait plus pour eux d'obstacles, retrouva en son coeur la sérénité, exulta dans sa joie. Les enfants, alors, s'adressèrent chacun à leur père : « Père, les jouets que vous nous avez tout à l'heure promis, le char à mouton, le char à daim, le char à boeuf, nous souhaiterions que vous nous les donniez à l'instant. »

Çâriputra, le maître de maison, offrit alors à chacun de ses enfants un unique grand char. Ce char était haut et vaste, orné de nombreux joyaux, entouré d'une rampe, avec des clochettes suspendues aux quatre côtés; de plus, un large dais avait été installé au-dessus, également décoré de divers joyaux rares. Garni en son pourtour de cordons de joyaux, des guirlandes de fleurs y pendaient, des nattes y étaient étendues, des traversins vermeils y étaient installés; il était tiré par un boeuf blanc, au pelage impeccable, aux formes superbes, de grande vigueur, au pas régulier; il avait la vitesse du vent. En plus de cela, de nombreux serviteurs s'affairaient tout autour. Comment cela se faisait-il ? C'est que ce maître de maison avait des richesses incalculables, ses nombreux magasins étaient tous pleins à déborder et il se fit cette pensée : ma fortune est sans limite, je n'ai pas à offrir à mes fils de petits chars inférieurs; or ces jeunes garçons sont tous mes fils, je les aime sans préférence ni partialité; de tels grands chars faits des sept matières précieuses, j'en possède des quantités incalculables et je dois en donner à chacun d'un coeur égal, il ne convient pas de faire de discrimination. Pourquoi cela ? Même si je distribuais mes biens à tout un royaume dans son ensemble, ils n'en seraient pas diminués pour autant; à plus forte raison alors à mes enfants.

Alors, les enfants montèrent chacun sur un grand char, obtenant quelque chose sans précédent, sans que ce fût ce qu'ils avaient espéré à l'origine.

Çâriputra, quel est ton sentiment ? Ce maître de maison, en donnant de façon égale un grand char de précieux joyaux à ses fils, aurait-il plutôt fait preuve d'extravagance ou non?

Çâriputra dit : « Non, Vénéré du monde, ce maître de maison n'a fait que permettre à ses fils d'éviter le danger de l'incendie et de garder la vie sauve, ce n'est pas de l'extravagance. Pourquoi cela ? Garder la vie sauve revient déjà à avoir gagné un jouet à son goût; à plus forte raison alors de les avoir arrachés et sauvés de cette demeure en flammes par un expédient. Vénéré du monde, si ce maître de maison ne leur avait pas même donné le moindre petit char, il n'aurait encore pas fait preuve d'extravagance. Pourquoi cela ? Ce maître de maison avait tout d'abord eu cette pensée : je dois permettre à mes fils de sortir grâce à un expédient, et de par cette condition il est exempt d'extravagance. A plus forte raison si, sachant que ses propres richesses étaient innombrables, il voulait les combler de bienfaits en leur donnant à tous un grand char. »

L'Éveillé déclara à Çâriputra :

C'est bien, c'est fort bien, il en est comme tu le dis, Çâriputra, l'Ainsi-Venu est lui aussi comme cela, car il est père de l'ensemble des mondes, ayant de longue date mis fin, sans qu'il en restât rien, à la peur, à la désolation, au chagrin, à l'ignorance, à la ténèbre ayant réalisé en leur incalculable totalité le savoir et la vision, les puissances, l'absence de crainte; muni des grands pouvoirs surnaturels comme du grand pouvoir de la sagesse, il réunit totalement les expédients et la perfection de sapience, de grande compassion et de grande commisération, il ne connaît jamais la fatigue; constamment en quête du bien, il dispense à tous ses bienfaits. Or, il a pris naissance dans cette vieille demeure vermoulue et en proie au feu que sont les trois mondes afin de sauver les êtres des flammes de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort, du chagrin, de l'affliction, de la sottise, de la ténèbre et des trois poisons, afin de les enseigner et les convertir à l'obtention de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Il a vu les êtres calcinés par la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, le chagrin et l'affliction, et subir toutes sortes de douleurs à cause des cinq désirs et du lucre; à cause de leurs recherches avides, ils subissent aussi présentement une multitude de douleurs; par la suite, ils subiront la douleur des voies des enfers, des animaux et des démons affamés. S'ils naissent parmi les dieux et parmi les hommes, ce sera douleur de la gêne et de la pauvreté, douleur de se trouver séparé de l'aimé, douleur de se trouver réuni au détesté, et toutes sortes de douleurs de ce genre. Plongés en leur sein, les êtres se divertissent dans les réjouissances, ils n'en prennent pas conscience, ne s'en rendent pas compte, ne s'en étonnent pas, ne s'en effraient pas; ils n'en conçoivent nul dégoût et ne recherchent pas la délivrance. Dans cette maison en flammes que sont les trois mondes, ils courent d'est en ouest; bien qu'ils se heurtent à de grandes douleurs, ils n'en ont nulle peine.

Çâriputra, l'Éveillé, à cette vue, eut cette pensée : je suis le père des êtres et je me dois d'extirper leurs souffrances, leur donner la félicité de la sagesse infinie et incommensurable de l'Éveillé afin de les distraire.
Çâriputra, l'Ainsi-Venu eut encore cette pensée : si je me contente d'avoir recours aux pouvoirs extraordinaires et au pouvoir de la sagesse en renonçant aux expédients et en faisant, devant les êtres, l'éloge du savoir et de la vision de l'Ainsi-Venu, de sa puissance et de son assurance, les êtres seront incapables d'obtenir le salut de cette façon. Pourquoi cela ? Ces êtres n'ont pas encore échappé à naissance, vieillesse, maladie, mort, au chagrin et à l'affliction, ils brûlent dans la maison en flammes des trois mondes; comment pourraient-ils comprendre la sagesse de l'Éveillé ?

Çâriputra, de même que ce maître de maison, malgré la vigueur de ses membres, ne l'utilisa pas, mais eut recours avec tact à des expédients pour sauver ses fils du péril de la maison en flammes, alors qu'il donna après un grand char précieux à chacun, ainsi en est-il de l'Ainsi-Venu. Bien qu'il ait puissance et assurance, il ne les utilise pas et n'a recours qu'aux expédients de sa sagesse pour arracher les êtres à la demeure en flammes des trois mondes. Il leur prêche les véhicules d'auditeurs, d'éveillés pour soi, d'Éveillés et leur tient ces propos : « N'en arrivez pas à vous délecter de demeurer dans la maison en flammes des trois mondes ! Ne soyez pas avides des objets grossiers des formes, sons, odeurs, saveurs, contacts. En vous y attachant avidement, vous ferez naître l'appétence et vous vous y brûlerez alors. Sortez vite des trois mondes, vous obtiendrez les trois véhicules des auditeurs, des éveillés pour soi, des Éveillés; je m'en porte dès maintenant garant devant vous : cela ne sera jamais vain. Il vous faut seulement vous exercer avec zèle. »

L'Ainsi-Venu attire et incite les êtres grâce à ces expédients et il leur tient encore ces propos : « Il vous faut le savoir, les enseignements de ces trois véhicules sont tous prônés et loués par le Saint; ils sont souverainement libres, sans entraves, sans dépendance ni rien à chercher en sus. Qui monte sur ces trois véhicules, grâce aux racines dépourvues d'infection, aux forces, à l'Éveil, à la Voie, à la méditation, à la délivrance, aux recueillements, se délectera de lui-même et obtiendra alors soulagement et félicité incommensurables. »

Çâriputra, s'il est des êtres qui ont en eux-mêmes une nature de sagesse et qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi, désirent avec diligence et énergie sortir rapidement des trois mondes et se mettent spontanément en quête de l'Extinction, ceux-ci constituent le véhicule des auditeurs. Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à mouton.
S'il est des êtres qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi et se mettent d'eux-mêmes, avec diligence et énergie, en quête de la sagesse naturelle, se délectent tout seuls du bon apaisement, et prennent connaissance en profondeur des causes et conditions des entités, ceux-ci constituent le véhicule des éveillés pour soi. Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à daim.

S'il est des êtres qui, entendant la Loi de l'Éveillé Vénéré du monde, la reçoivent avec foi et se mettent en quête, avec diligence et énergie, de l'omniscience, de la sagesse d'Éveillé, de la sagesse naturelle, de la sagesse sans maître, du savoir et de la vision, des forces et de l'assurance d'Ainsi-Venu et qu'apitoyés par les innombrables êtres et voulant leur bien-être, ils dispensent leurs bienfaits aux dieux et aux hommes et les délivrent tous tant qu'ils sont, ceux-ci constituent le Grand Véhicule. C'est parce que les êtres d'Éveil recherchent ce véhicule qu'ils sont appelés « grands êtres ». Ils sont comme ceux des enfants qui sortent de la maison en flammes pour chercher le char à boeuf.

Çâriputra, de la même façon que ce maître de maison, voyant que ses fils avaient pu sortir sains et saufs de la maison en flammes pour arriver en lieu sûr, se dit que, sa richesse étant incalculable, il allait leur faire cadeau également d'un grand char. Ainsi en est-il pour l'Ainsi-Venu, qui est le père de l'ensemble des êtres : s'il voit les millions de myriades d'innombrables êtres sortir de la douleur, des voies périlleuses et effrayantes des trois mondes par la porte de la doctrine de l'Éveillé, gagnant ainsi l'Extinction, l'Ainsi-Venu a alors cette pensée : je possède le trésor incalculable, infini des attributs d'Éveillé, la sagesse, les puissances, l'assurance et autres; ces êtres sont tous mes enfants et je leur donnerai pareillement un grand char, je ne permettrai pas que certains soient seuls à obtenir de passer en Disparition et je les ferai tous passer dans la Disparition d'Ainsi-Venu.

À ceux des êtres qui se seront délivrés des trois mondes, il donne intégralement les instruments de divertissement que sont les méditations et les délivrances des Éveillés; ils sont tous d'un aspect unique, d'une unique sorte, loués et exaltés des saints, capables d'engendrer une félicité primordiale, pure et sublime. Çâriputra, de même que ce maître de maison a tout d'abord attiré et incité ses fils en évoquant trois chars, pour ne leur donner après qu'un grand char, orné de matières précieuses, de premier confort, et qu'il échappe ensuite au reproche d'extravagance, ainsi en va-t-il de l'Ainsi-Venu : il est exempt d'extravagance; il prêche tout d'abord les trois véhicules pour attirer et inciter les êtres et ne leur donne ensuite que le Grand Véhicule pour les mener à la délivrance. Pourquoi cela ? L'Ainsi-Venu possède le trésor incalculable et infini des méthodes, des sagesses, des puissances, de l'assurance et est capable de donner à l'ensemble des êtres la Loi du Grand Véhicule, mais ceux-ci ne peuvent la recevoir intégralement. Çâriputra, il faut donc se rendre compte de ces circonstances : c'est à cause de la puissance des expédients des Éveillés que ceux-ci divisent en trois dans leur prédication l'unique véhicule d'Éveillé.

L'Éveillé, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

       Imaginez un maître de maison
       qui possédait une vaste demeure,
       celle-ci fort ancienne
       et de plus délabrée,
       aux hautes salles branlantes,
       aux colonnes vermoulues à la base,
       aux madriers gauchis;
       les soubassements s'en effondraient,
       les murs se fissuraient,
       plâtre et enduit se détachaient,
       le chaume du toit tombait pêle-mêle,
       les poutres et les auvents se déboîtaient,
       la palissade d'enceinte était tordue,
       la saleté remplissait tout.
       il y avait cinq cents âmes
       à demeurer à l'intérieur;
       milans, hiboux, autours, aigles,
       corbeaux, pies, tourterelles, pigeons,
       lézards, serpents, vipères, scorpions,
       scolopendres, mille-pattes,
       geckos, myriapodes,
       belettes, blaireaux, souris, rats
       - tous animaux et insectes nuisibles -
       y couraient en tous sens.
       Des lieux puant l'urine et les excréments
       débordaient d'impuretés;
       les bousiers et toutes sortes d'insectes
       grouillaient au-dessus.
       Renards, loups, chacals
       mordaient, rongeaient, se piétinaient
       pour déchiqueter et dévorer les cadavres,
       éparpillant os et chair.
       Survenaient alors des bandes de chiens
       pour s'en emparer à qui mieux mieux;
       affamés, émaciés, effrayés,
       partout en quête de nourriture,
       ils se la disputaient, se l'arrachaient,
       se montrant les dents, grondant, aboyant.
       Cette demeure, en cet état si étrange,
       était effrayante.
       Partout il s'y trouvait
       gobelins, farfadets, lutins et faunes,
       ogres et démons malins
       dévoreurs de chair humaine;
       toutes espèces d'insectes venimeux,
       des bêtes féroces,
       couvaient, allaitaient, mettaient bas,
       chacun protégeant les siens;
       les ogres survenaient à qui mieux mieux,
       se les disputaient pour les dévorer;
       cela fait, une fois repus,
       leurs mauvaises pensées ne faisaient que s'embraser davantage
       et leurs vociférations querelleuses
       étaient effrayantes au possible.
       Les démons bourses-en-jarres,
       accroupis sur le sol ferme
       ou bien lévitant
       à un ou deux pieds au-dessus,
       allaient et venaient, s'ébattaient
       et s'amusaient sans contrainte ni gêne;
       ils empoignaient les chiens par deux pattes
       et les battaient jusqu'à les réduire au silence,
       du pied ils leur pressaient le col,
       se délectaient de leur frayeur.
       Il y avait encore des démons
       au corps allongé,
       aux formes nues, noirs, amaigris,
       qui y résidaient à demeure;
       lançant des hurlements mauvais,
       ils appelaient, en quête de nourriture.
       Il y avait encore des démons
       à la gorge comme une aiguille.
       Il y avait encore des démons
       à la tête comme celle des boeufs,
       qui se repaissaient de chair humaine
       ou bien canine;
       la tignasse hirsute,
       meurtriers et cruels,
       pressés par la faim et la soif,
       ils couraient en braillant.
       Ogres et démons affamés,
       bêtes et oiseaux féroces
       se pressaient, faméliques, dans les quatre directions,
       épiaient par les fenêtres.
       Tels étaient les fléaux,
       effrayants et innombrables.
       Cette bâtisse vermoulue
       appartenait à un homme.
       Celui-ci était sorti à proximité
       et peu de temps
       après cela, en la résidence,
       brusquement éclata un incendie;
       les quatre côtés en même temps
       furent tous embrasés par les flammes.
       Poutres, madriers, solives et colonnes
       vacillaient, se fendaient avec fracas,
       se brisaient et s'effondraient,
       les murs s'affaissaient.
       Démons et génies
       criaient à tue-tête;
       aigles, autours et autres rapaces,
       démons bourses-en-jarres
       étaient pris de panique
       et incapables de sortir par eux-mêmes;
       bêtes méchantes et insectes venimeux
       se sauvaient dans les trous.
       Les démons cannibales,
       qui demeuraient aussi là
       de par la minceur de leurs mérites,
       acculés par l'incendie
       s'entretuaient,
       buvant leur sang, dévorant leur chair.
       Les chacals et leurs congénères
       étant déjà tous morts auparavant,
       les grandes bêtes féroces
       s'en repaissaient à l'envi.
       Une fumée nauséabonde s'élevait en tourbillons
       et envahissait tous les côtés;
       scolopendres et mille-pattes,
       serpents venimeux et le reste,
       grillés par les flammes,
       sortaient de leurs trous à qui mieux mieux.
       Les démons bourses-en-jarres
       les poursuivaient pour les dévorer,
       tandis que les démons affamés,
       la tête en proie aux flammes,
       tenaillés par l'ardeur de la faim et de la soif,
       couraient en une panique désespérée.
       Telle était cette demeure,
       effrayante au possible :
       sévices, incendie,
       tous les fléaux y abondaient.
       A ce moment, le maître de céans,
       qui se tenait au-dehors,
       entendit quelqu'un dire :
       « Tes fils
       sont tout à l'heure, pour se divertir,
       entrés dans cette demeure;
       dans leur ignorance puérile,
       ils sont plongés dans leurs distractions. »
       A ces mots, le maître de maison,
       alarmé, pénétra dans la maison en feu,
       prêt à les sauver, à empêcher qu'ils ne brûlassent.
       Il admonesta ses enfants,
       leur décrivit les nombreuses calamités :
       mauvais démons, insectes venimeux,
       flammes qui se propagent,
       une multitude de souffrances, les unes après les autres,
       se poursuivent sans interruption;
       serpents venimeux, lézards, vipères,
       de même que les ogres,
       les démons bourses-en-jarres,
       les chacals, les renards, les chiens,
       les autours, aigles, milans, hiboux,
       les myriapodes et leurs pareils,
       tenaillés et pressés par faim et soif,
       tout cela est effrayant au possible;
       les périls de ce lieu,
       que seront-ils alors en plein incendie !
       Les enfants ne s'en rendaient pas compte,
       même s'ils entendaient les avertissements du père,
       ils restaient comme par auparavant plongés dans leurs délices,
       continuaient à se divertir.
       Alors le maître de maison
       eut cette pensée :
       mes fils, de la sorte,
       augmentent mon angoisse;
       à présent, en cette demeure,
       il n'y a rien dont on puisse se délecter
       et pourtant mes enfants
       sont absorbés dans leurs jeux,
       ils n'admettent pas mes admonestations
       et seront tués par le feu.
       Il songea alors
       à mettre au point des expédients
       et prévint ses fils :
       « Je possède toutes sortes
       de jouets rares,
       de beaux chars précieux et sublimes,
       char à mouton, char à daim,
       char à grand boeuf;
       ils sont maintenant à la porte,
       sortez donc,
       c'est à votre intention
       que j'ai fabriqué ces chars.
       ils répondent à ce que vous aimez,
       vous pourrez avec eux vous amuser. »
       Ses fils, l'entendant décrire
       de cette façon les chars,
       se précipitèrent aussitôt à qui mieux mieux,
       sortirent en courant;
       ils arrivèrent en terrain dégagé,
       echappèrent aux périls
       Le maître de maison, voyant que ses fils
       avaient pu sortir de la maison en feu
       et demeuraient au carrefour,
       s'assit au trône de lion
       et se dit joyeusement :
       « Je suis à présent heureux :
       tous mes fils,
       si difficilement engendrés et élevés,
       puérils et ignorants,
       étaient entrés dans cette dangereuse bâtisse
       où abondaient les insectes venimeux,
       gobelins et farfadets effrayants;
       un incendie y faisait rage,
       qui avait surgi des quatre côtés ensemble,
       et mes enfants
       se délectaient avidement de leurs jeux.
       Je les ai désormais sauvés,
       leur ai permis d'échapper au péril;
       c'est pourquoi, vous tous,
       je suis à présent heureux. »
       Alors les enfants,
       constatant que leur père était assis au calme,
       s'en vinrent tous à lui
       et lui déclarèrent :
       « Veuillez nous donner, c'est notre souhait,
       les trois sortes de précieux chars
       ainsi que vous l'avez auparavant promis :
       "Sortez, mes enfants !
       En vous donnant trois chars,
       je répondrai à vos désirs."
       C'est à présent le bon moment,
       veuillez seulement nous accorder ces cadeaux. »
       Le maître de maison était grandement riche,
       il avait de nombreux magasins et entrepôts;
       à l'aide d'or et d'argent, de béryl,
       de nacre, d'agate,
       de multiples matières précieuses,
       il fabriqua de grands chars,
       ornés et décorés,
       entourés d'une rampe,
       des clochettes suspendues aux quatre côtés,
       entrecroisés de cordons dorés,
       des filets de perles
       tendus au-dessus,
       des guirlandes de fleurs dorées
       en pendaient de partout;
       des ornements rutilants et variés
       encerclaient leur pourtour;
       soieries et brocarts moelleux
       servaient de coussins,
       des tapis éminemment délicats,
       valant des millions,
       d'un blanc immaculé et pur
       en couvraient le dessus.
       Il y avait de grands boeufs blancs,
       gras et vigoureux,
       aux formes superbes,
       pour s'atteler aux précieux chars;
       de nombreux serviteurs
       se tenaient à leur disposition.
       De ces sublimes chars
       il fit également cadeau à ses fils;
       ceux-ci alors
       exultèrent dans leur liesse;
       ils montèrent ces précieux chars
       pour s'ébattre aux quatre orients;
       ravis et heureux,
       souverainement libres, sans obstacles.
       Je te le déclare, Çâriputra,
       ainsi en va-t-il de moi,
       qui suis vénérable entre tous les saints,
       le père du monde;
       les êtres en leur ensemble
       sont tous mes enfants,
       profondément attachés aux plaisirs du monde,
       ils sont dépourvus de pensée de sagesse;
       les trois mondes, exempts de tranquillité,
       sont tout comme une maison en flammes,
       pleins d'une foule de douleurs,
       effrayants au possible,
       constamment pourvus des afflictions
       de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort.
       Des incendies tels que ceux-là,
       leurs embrasements ne prennent pas fin.
       L'Ainsi-Venu a désormais quitté
       la maison en flammes des trois mondes,
       demeurant dans la paix de la solitude,
       se délassant dans les forêts et les landes.
       Maintenant, ces trois mondes
       sont tous ma possession,
       les êtres qui y sont
       sont tous mes enfants.
       Or cet endroit
       abonde en périls;
       il n'y a que moi seul
       qui puisse les en sauver,
       malgré les admonestations que je leur adresse encore,
       ils ne les reçoivent pas avec foi;
       c'est parce que profonds sont leurs attachements et leur avidité
       dans les souillures du désir.
       Aussi, par manière d'expédient,
       je leur prêche les trois véhicules,
       pour permettre aux êtres
       de se rendre compte de la douleur des trois mondes;
       je révèle et expose
       la Voie qui sort du monde;
       ceux-là qui sont mes enfants,
       s'ils l'ont décidé en leur coeur,
       disposeront totalement des trois sciences
       ainsi que des six pouvoirs divins;
       certains gagneront l'état d'éveillé par les liens causaux
       ou d'être d'Éveil sans régression.
       Oui, Çâriputra,
       à l'intention des êtres
       et à l'aide de cette parabole,
       je prêche le Véhicule unique d'Éveillé;
       si vous tous êtes capables
       de recevoir avec foi ces paroles,
       vous pourrez, tant que vous êtes,
       réaliser la voie d'Éveillé.
       Ce véhicule est subtil et sublime,
       pur et primordial,
       il est, dans tous les mondes,
       exempt de supérieur
       et fait la joie de l'Éveillé;
       l'ensemble des êtres
       se doit de l'exalter,
       de lui faire offrande de leur hommage.
       Il est d'innombrables millions
       de puissances, de délivrances,
       de méditations et concentrations, de sagesses,
       ainsi que d'autres attributs d'Éveillé;
       en leur faisant gagner un tel véhicule,
       je permets à mes enfants,
       nuit et jour, pendant nombre d'éons,
       de se divertir constamment
       et, montant, avec lesêtres d'Éveil
       et la foule des auditeurs,
       ce véhicule si précieux,
       d'arriver directement au lieu de la Voie.
       Pour ces raisons,
       on aura beau scruter les dix orients,
       il n'y aura pas d'autres véhicules
       hormis les expédients salvifiques de l'Éveillé.
       Je le déclare, Çâriputra :
       toi et les autres hommes
       vous êtes tous mes enfants
       et je suis donc votre père.
       Vous êtes, au fil des éons,
       brûlés par une multitude de douleurs,
       je vous en sauverai, vous en arracherai
       et vous ferai sortir des trois mondes.
       Bien qu'auparavant je vous aie prêché
       que vous étiez passés en Disparition,
       vous n'aviez fait qu'épuiser vos naissances et vos morts,
       sans être réellement disparus.
       Ce qu'il vous faut à présent cultiver,
       c'est exclusivement la sagesse d'Éveillé.
       S'il se trouve des êtres d'Éveil
       en cette multitude,
       ils pourront écouter d'un seul coeur
       la Loi réelle.
       Même si les Éveillés Vénérés du monde
       ont recours aux expédients salvifiques,
       les êtres ainsi convertis
       sont tous des êtres d'Éveil.
       Si ce sont des gens de sagesse mineure,
       profondément attachés aux appétences et désirs,
       à leur intention
       je prêche la vérité sur la douleur.
       Les êtres en leur coeur se réjouissent
       comme jamais auparavant.
       La vérité sur la douleur qu'expose l'Éveillé
       est authentique et réelle, sans divergence;
       s'il se trouve des êtres
       ignorant l'origine de la douleur,
       profondément attachés aux causes douloureuses,
       incapables d'y renoncer, même pour quelque temps,
       à leur intention
       je prêche la Voie en expédients.
       Le désir avide est à la base
       de ce qui cause les douleurs;
       si l'on supprime le désir avide,
       il n'y a plus rien sur quoi faire fond
       et l'on détruit jusqu'au bout les douleurs.
       Cela constitue la troisième vérité
       et c'est en raison de la vérité sur la destruction
       que l'on s'exerce dans la Voie.
       Se dégager des entraves de la douleur
       constitue l'obtention de la délivrance.
       En quoi ces gens obtiennent-ils la délivrance ?
       Ils s'affranchissent simplement de l'aberration
       et appellent cela délivrance;
       en réalité, ils n'ont pas encore gagné
       l'ensemble des délivrances,
       et l'Éveillé dit que ces gens
       ne sont pas réellement passés en Disparition,
       car ils n'ont pas encore gagné
       la Voie sans supérieure.
       Je n'ai ni intention ni désir
       de les faire passer en Disparition;
       je suis le roi de Loi,
       souverainement libre dans la Loi;
       pour soulager les êtres
       je suis apparu au monde.
       Oui, Çâriputra,
       tel est le sceau qui marque ma Loi,
       dans le désir de dispenser des bienfaits
       au monde, voilà pourquoi je la prêche.
       Où que te mènent tes pas,
       ne la propage pas à tort et à travers;
       s'il est quelqu'un
       pour la recevoir avec respect et joie appropriée,
       il faudra savoir que celui-là
       est au-delà de la régression.
       S'il en est pour recevoir avec foi
       la Loi de ce livre,
       c'est que ceux-là auront déjà
       vu des Éveillés dans le passé,
       leur auront rendu hommage, fait offrande,
       et auront aussi entendu cette Loi.
       S'il en est qui sont capables
       de croire ce que tu prêches,
       cela alors revient à me voir
       et à te voir, toi,
       ainsi que la communauté des moines,
       de même que les êtres d'Éveil.
       Ce Livre de la fleur de la Loi
       est la prédication d'une sagesse profonde;
       ceux de conscience superficielle qui l'entendront
       seront égarés, ne le comprendront point.
       L'ensemble des auditeurs
       et des éveillés pour soi
       n'auront pas la force
       d'accéder au sein de ce livre.
       Toi-même, Çâriputra,
       pour ce qui concerne ce livre,
       c'est par la foi que tu as pu y pénétrer.
       A plus forte raison, le reste des auditeurs;
       le reste des auditeurs, dis-je,
       c'est parce qu'ils croient en la parole de l'Éveillé
       qu'ils acceptent docilement ce livre;
       ce n'est pas le lot de leur propre sagesse.
       De plus, Çâriputra,
       les orgueilleux et les paresseux,
       ceux qui supputent les vues du Moi,
       ne leur expose pas ce livre.
       Les profanes, de conscience superficielle,
       mais profondément attachés aux cinq désirs,
       à l'entendre ne le comprendront pas :
       ne va pas non plus le leur prêcher.
       Si certains, sans y prêter foi,
       calomnient ce livre,
       ils retrancheront alors l'ensemble
       des germes d'Éveillé en ce monde.
       Si, encore, il en est qui froncent le sourcil,
       et conçoivent les égarements du doute,
       il te faudra écouter
       la rétribution des péchés de ces gens :
       Que ce soit lorsque l'Éveillé est au monde,
       ou bien après sa Disparition,
       s'il s'en trouve pour calomnier
       des Écritures telles que celle-ci;
       ou si, en voyant des gens lire, réciter,
       copier, préserver ce livre,
       ils les méprisent, les jalousent,
       ou conçoivent contre eux de la rancune,
       la rétribution des péchés de ces hommes,
       tu vas dès maintenant l'écouter :
       à la fin de leur vie,
       ils entreront dans l'enfer Sans-Intervalle
       pour la totalité d'un âge cosmique;
       l'âge épuisé, ils y naîtront encore,
       le cycle se poursuivra ainsi
       jusqu'à un nombre incalculable d'éons.
       Lorsqu'ils émergeront des enfers,
       ce sera pour tomber parmi les bêtes,
       comme les chiens et les chacals,
       d'apparence pelée et efflanquée,
       noircis, galeux, lépreux,
       que les gens répugnent à toucher,
       qui sont en plus de tout le monde
       détestés et méprisés.
       lls souffriront constamment de la faim,
       les os et la chair desséchés;
       pendant leur vie, ils subissent souffrances et tourments;
       à leur mort, ils sont recouverts de tuiles et de pierres.
       C'est pour avoir tranché les germes d'Éveillé
       qu'ils reçoivent cette rétribution de leurs péchés.
       S'ils deviennent chameaux,
       ou renaissent parmi les ânes,
       leur corps sera constamment chargé de lourds fardeaux,
       et s'y ajouteront tous les coups de bâton;
       ils n'auront à l'esprit que l'eau et le fourrage,
       ne connaissant rien d'autre;
       pour avoir calomnié ce livre,
       ils paieront ainsi leur péché.
       Certains deviendront chacals,
       entreront dans les villages,
       le corps galeux et lépreux,
       n'ayant même plus d'yeux;
       tous les enfants
       les roueront de coups;
       ils subiront souffrances et peines
       jusqu'à en mourir un jour.
       Étant morts de cette façon,
       ils recevront cette fois un corps de boa,
       d'une taille immense
       de cinq cents parasanges,
       sourd, stupide, sans pattes,
       rampant sur le ventre en contorsions,
       piqué et mordu
       par les petits insectes;
       les douleurs qu'il subit jour et nuit
       n'ont jamais de trêve.
       C'est pour avoir calomnié ce livre
       qu'ils paieront ainsi leur péché.
       S'ils obtiennent d'être hommes,
       ils seront de facultés obscurcies et hébétées,
       nabots, rustauds, contrefaits, boiteux,
       aveugles, sourds, bossus;
       rien de ce qu'ils diront
       ne sera cru des gens;
       l'haleine constamment fétide,
       ils seront possédés des démons;
       pauvres et misérables,
       ils devront servir autrui,
       accablés de maladies, émaciés,
       ils n'auront nul à qui se fier;
       quand bien même ils se lieraient à d'autres,
       ceux-ci ne leur accorderont nulle attention.
       S'il leur arrive de faire un gain,
       invariablement, ils le perdront.
       S'ils pratiquent la voie de la médecine,
       leurs prescriptions et leurs remèdes
       ne feront qu'accroître la maladie chez les autres,
       parfois jusqu'à les faire mourir.
       S'ils sont eux-mêmes malades,
       nul ne les sauvera par des soins;
       même s'ils ingurgitent de bons médicaments,
       ils ne feront qu'empirer le mal.
       Si d'autres fomentent des séditions,
       se livrent au pillage et au vol,
       pour de tels crimes,
       ils se verront injustement plongés dans le malheur.
       De tels pécheurs
       ne rencontreront de longtemps un Éveillé,
       un souverain de tous les saints
       qui leur prêche la Loi et les convertisse par sa doctrine;
       de tels pécheurs
       renaîtront constamment dans les lieux pénibles,
       affolés, sourds, la pensée perturbée,
       ils n'entendront de longtemps la Loi.
       Pendant des éons aussi incalculables
       que les sables du Gange,
       ils renaîtront comme sourds et muets,
       infirmes en leurs facultés physiques;
       ils séjourneront constamment aux enfers
       comme s'ils flânaient en un jardin d'agrément,
       et dans les autres mauvaises voies
       comme s'il s'agissait de leur propre demeure.
       Chameaux et ânes, porcs et chiens,
       tel sera leur champ d'action.
       C'est pour avoir calomnié ce livre
       qu'ils paieront ainsi leur péché.
       S'ils obtiennent d'être hommes,
       ils seront sourds, aveugles, muets;
       pauvreté, misère, déchéance
       leur serviront d'ornement;
       hydropisie, gonorrhée,
       gale, lèpre, ulcères
       et d'autres maladies semblables
       leur serviront de vêtements.
       Ils auront le corps constamment dans la puanteur,
       sale, souillé, impur;
       profondément attachés à l'idée du Moi,
       ils ne feront qu'accroître leur colère,
       leurs désirs lascifs iront s'embrasant,
       n'épargnant pas même les animaux.
       C'est pour avoir calomnié ce livre
       qu'ils paieront ainsi leur péché.
       Je te le déclare, Çâriputra,
       ceux qui auront calomnié ce livre,
       s'il fallait exposer leurs châtiments,
       on arriverait au bout des éons sans les épuiser.
       C'est pour ces raisons
       que je te le dis tout exprès :
       parmi les hommes sans sagesse,
       ne prêche pas ce livre.
       S'il s'en trouve de facultés aiguës,
       de sagesse lucide,
       érudits, de fortes connaissances,
       en quête de la voie de l'Éveillé,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       S'il s'en trouve qui ont déjà rencontré
       des centaines de millions d'Éveillés,
       qui ont planté les racines de bien,
       profonds et fermes en pensée,
       à de tels hommes
       tu pourras le, prêcher.
       S'il s'en trouve qui, pleins de zèle,
       cultivent constamment la pensée de compassion,
       sans chercher à ménager leur propre vie,
       tu pourras le leur prêcher.
       S'il s'en trouve qui, pleins de respect
       et sans pensée de divergence,
       se sont affranchis de la sottise du vulgaire
       pour résider en solitaires dans montagnes et marais,
       pour de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       Et encore, Çâriputra,
       si tu vois que certains
       ont abandonné leurs mauvaises connaissances
       pour devenir les intimes d'amis de bien,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       Si tu vois des fils d'Éveillé
       maintenir en sa pureté la moralité,
       comme ils le feraient d'une perle limpide,
       et rechercher les Écritures du Grand Véhicule,
       à de tels hommes,
       tu pourras le prêcher.
       Si ce sont gens sans colère,
       droits de caractère, doux et affables,
       prenant toujours chacun en pitié,
       respectueux des Éveillés,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       S'il se trouve par ailleurs des fils d'Éveillé
       qui, parmi de grandes foules,
       en pureté de pensée,
       à l'aide d'une variété de relations,
       de paraboles et de locutions,
       prêchent la Loi sans rencontrer d'obstacles,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       S'il se trouve des moines
       qui, en vue de l'omiscience,
       recherchent aux quatre orients la Loi,
       et la reçoivent humblement, les paumes jointes,
       qui se plaisent seulement à préserver
       les Écritures du Grand Véhicule,
       tandis qu'ils n'acceptent pas même
       une stance des autres Écritures,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       Si, de même que certains, de tout coeur,
       recherchent les reliquesd'Éveillé,
       eux recherchent de même façon les Écritures
       et, les ayant trouvées, les acceptent humblement,
       qu'après cela ils ne vont plus
       se mettre en quête d'autres livres,
       pas plus qu'ils n'ont jamais prêté attention
       aux textes des voies hétérodoxes,
       à de tels hommes
       tu pourras le prêcher.
       Je te le déclare, Çâriputra,
       pour t'exposer tous les aspects
       que prend la quête de la voie de l'Éveillé,
       j'arriverai au terme des éons sans les épuiser.
       De tels hommes
       certes pourront croire et comprendre;
       tu devras leur prêcher
       le Livre de la fleur de la Loi sublime.
 

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