Une tortue aveugle, dont
la durée de vie est d'un nombre incalculable de kalpa,
vit au fond de la mer. Une fois tous les sept ans, elle vient à
la surface. Il n'y a qu'un tronc flottant sur la mer avec une cavité
lui permettant de s'y loger. Comme la tortue est aveugle et le tronc
ballotté par les vents et les vagues, les chances pour que cette
tortue trouve le tronc sont minimes. Il est encore plus rare, dit Shakyamuni,
de naître sous la forme d'un être humain. Ayant réussi
à le devenir, on doit utiliser cette grande chance pour maîtriser
les Quatre Nobles Vérités
et atteindre la délivrance. Une version
beaucoup plus détaillée de cette histoire apparaît
dans le Matsuno Dono Goke-ama
Gozen Gohenji (Réponse à la veuve du seigneur
Matsuno) de Nichiren, où elle sert à décrire la
difficulté de rencontrer le Daimoku du Sutra du Lotus.
Cette fois, la tortue est décrite comme borgne et sans membres.
Son ventre est aussi chaud qu'un fer rougi et son dos aussi froid que
les Montagnes neigeuses. Il existe un arbre sacré de santal rouge
qui peut lui rafraîchir le ventre. Jour et nuit, la tortue rêve
de ce tronc qui lui permettrait de rafraîchir son ventre dans
le creux qu'il présente, tout en se réchauffant le dos
au soleil. Mais elle ne peut remonter à la surface de la mer
qu'une fois tous les mille ans et, même si elle tombait sur un
tronc flottant à ce moment-là, il n'est pas sur qu'il
soit en santal rouge. Et, même si le tronc était de santal
rouge, il est rare qu'un tel tronc présente un creux ; et même
s'il en avait un, encore faudrait-il qu'il soit d'une taille convenable
pour la tortue. Et quand bien même la tortue aurait la chance
de trouver le tronc idéal, parce qu'elle n'a qu'un oeil, elle
n'est pas capable de se diriger dans la bonne direction. Ici, Nichiren
fait de la mer une image des souffrances du cycle de la naissance et
de la mort et de la tortue une image de toute l'humanité. Son
absence de membres symbolise son manque de chance dû à
des vies antérieures, la chaleur de son ventre, les huit enfers
brûlants et le froid de son dos, les huit enfers glacials. N'avoir
qu'un oeil représente une perception faussée qui considère
ce qui est inférieur comme supérieur et vice-versa. La
possibilité de ne faire surface qu'une fois tous les mille ans
indique comme il est difficile d'émerger des mondes inférieurs
et de naître en tant qu'être humain, particulièrement
à l'époque où un bouddha fait son apparition. Les
morceaux de bois flottants autres que du santal sont les doctrines provisoires,
relativement faciles à rencontrer, et le bois de santal rouge,
le Sutra du Lotus.