La
parabole de la Cité magique

Béatrice Brusson, 17 janvier 2016

 

Avant d'aborder la parabole en question, j'aimerais tout d'abord évoquer l'expérience très concrète que j'en ai faite, à ma grande surprise et à mon grand bonheur.

Nous étions à ce moment-là depuis quatre ans en République Tchèque et si sur un plan familial tout se passait merveilleusement bien, nos trois enfants s'épanouissant dans leur nouvel environnement, nous étions cependant, malgré tous nos efforts, bien loin de connaître la même situation sur un plan professionnel. Pour se procurer le travail qu'il n'avait pas trouvé, mon mari avait en effet fondé une petite société commerciale qui, pour diverses raisons, battait de plus en plus de l'aile, raisons qui nous contraignaient à nous rendre à l'évidence : mettre fin à ses activités commerciales pour stopper l'hémorragie financière qui, si nous les poursuivions, nous empêcherait même de rentrer en France.

L'idée de rentrer était pourtant la dernière à laquelle nous souhaitions avoir recours, mais force était de plus en plus de constater que si un "miracle" ne se produisait pas, nous devrions nous y résoudre.

Il va sans dire que je pratiquais beaucoup pour résoudre cette situation et c'est dans cet état d'esprit particulier qu'un jour, devant le Gohonzon, m'est venu à l'esprit la parabole dont il est question aujourd'hui. Depuis ce jour-là, je garde toujours bien en mémoire cette image, celle de cette cité magique qui apparut subitement dans mon esprit et me remplit de joie. Qu'elle soit ainsi apparue à ce moment-là tenait déjà, dans un certain sens, du miracle dans la mesure où, à cette époque, il n'était pas habituel d'étudier le Sutra du Lotus. Ce "miracle" avait aussi ceci de prodigieux qu'il procura à ma pratique une plus grande sérénité, cette image chassant l'espèce d'avidité frénétique qu'avait empruntée ma pratique dans le désir de remporter la victoire, coûte que coûte, au lieu d'avoir apriori confiance en elle. De façon quasi simultanée, mon mari reçut alors une proposition de travail qui lui permit de mettre fin à ses activités d'entrepreneur et d'avoir enfin un revenu fixe, revenu dont il s'était privé depuis quatre ans pour favoriser le développement de l'entreprise. Cette première activité salariée tchèque fut d'ailleurs le prélude à plusieurs autres qui le menèrent à différentes fonctions toutes plus enrichissantes les unes que les autres tant sur le plan professionnel que financier. Lorsqu'il postula pour la dernière d'entre elles, son recruteur lui offrit notamment un salaire supérieur à celui auquel il prétendait...

Que raconte donc cette parabole ? Précisons ici que si les traductions ne proposent pas toutes le même titre, elles conservent toutes l'idée qu'à un moment donné apparait devant le groupe de pèlerins en marche vers un "Palais des Joyaux" (réf) une "cité dans une vision" ou une "cité magique" (réf) chez certains traducteurs ; une ville (réf) chez d'autres, qui est aussi décrite comme fantasmagorique (réf) ou encore illusoire, voire fantôme (réf) . Cité ou ville, il s'agit donc d'un lieu urbanisé regroupant tout ce dont une personne peut avoir besoin, mais lieu d'emblée qualifié d'irréel puisqu'apparaissant par magie.

Au chapitre VI qui succède à la parabole des Herbes médicinales et précède celle-ci, le Bouddha a prédit à ses grands disciples qu'ils deviendront tous bouddha. Le début du chapitre VII poursuit ces prédictions pour introduire vers son milieu cette quatrième parabole du Sutra du Lotus. "L'histoire elle-même n'est pas très longue, ni dans la partie en prose ni dans la partie versifiée. Si l'on s'en tient uniquement à sa taille, on pourrait croire qu'elle n'est pas très importante." (réf)  La traduction qu'en donne J.-N. Robert précise que l'histoire met en scène

"une mauvaise route, dangereuse, désolée, sans jamais personne, un endroit effrayant." (réf)

Sur ce chemin périlleux et escarpé marche un groupe de pèlerins conduit par un guide expérimenté en route vers "l'emplacement d'un trésor précieux" (réf). Arrivés à mi-chemin, les pèlerins se sentant harassés et découragés disent au guide qu'ils veulent rebrousser chemin. Celui-ci alors

"fait, par fantasmagorie, apparaitre une ville et déclare [...] :  voici maintenant une grande ville où vous pourrez faire halte et agir comme bon vous semble ; si vous y pénétrez, vous vous trouverez rapidement soulagés. Dès que vous serez en mesure de progresser jusqu'au lieu du trésor, vous pourrez repartir." (réf)

Une fois reposés, le guide

"fait disparaitre la ville fantasmagorique"(réf)

et leur dit :

"L'emplacement du trésor est proche ; la grande ville de tout à l'heure, c'est moi qui l'ai créée par fantasmagorie pour votre repos d'étape, c'est tout." (réf)

Le texte du Sutra illustre donc bien mon expérience : le Bouddha m'avait "envoyé" une vision, celle de la parabole, m'offrant ainsi une halte pour reprendre confiance et recouvrer les forces nécessaires à la poursuite du chemin, et ainsi le courage de continuer à affronter les difficultés de cette route escarpée. Nichiren lui aussi écrit :

"Ainsi, il faut douze jours pour aller de Kamakura à Kyoto. Si, ayant marché pendant onze jours, vous vous arrêtez au matin du dernier jour, comment pourrez-vous admirer le clair de lune sur la capitale ? Quoi qu'il advienne, restez proche du moine qui connaît le cœur de ce Sutra, continuez à recevoir de lui l'enseignement correct et poursuivez pas à pas votre voyage de la foi." (réf)

L'objectif que poursuit en effet le Bouddha en relatant cette parabole - bouddha qui s'avère le guide de ces pèlerins et par là même le guide de notre chemin dans la foi - est donc de nous aider à cultiver confiance et vaillance tout au long des difficultés que nous rencontrons sur la voie qu'il prêche, celle du Véhicule unique dont il parle depuis le début de l'enseignement du Lotus, l'une des significations que met en évidence cette parabole et dont nous développerons au cours des semaines à venir d'autres aspects significatifs.

Retour

haut de la page