Tim Jeffus

Merci beaucoup à tous. Merci de se souvenir de lui, de continuer de le respecter et de l’aimer. Mon frère me manque, sa présence, son humour, merci.

Béatrice et Alice *

C’est avec une profonde émotion et un sentiment de grande gratitude au cœur que nous avons rédigé ces quelques mots pour célébrer avec vous aujourd’hui la mémoire du combien estimable Ryusho-Kansho Shonin ainsi que les activités courageuses qu’il a menées en Europe, et plus particulièrement en France où il s’est rendu quatre fois entre 2014 et 2018.

La plupart des pratiquants européens ont fait sa connaissance grâce au site francophone qui édita, sous l’impulsion d’Isabelle Kolitcheff, quelques-uns de ses écrits en français, traductions qui permirent de le rencontrer.

Comme il existait peu d’ouvrages explicatifs sur le Sutra du Lotus, le premier de ses livres parus en français fut Lire le Sutra du Lotus, Lecture on the Lotus Sutra, en 2014. Deux autres suivirent en 2015 : Ornement merveilleux et La Cité magique. Dans le même temps, Ryusho venait en France à la rencontre de ses lecteurs et traducteurs, car tous les fervents admirateurs du site qui connaissaient l’anglais avaient uni leurs efforts pour traduire ses ouvrages. Le dernier en cours de traduction actuellement est son précieux Guide des 35 jours, qui pourra ainsi aider dès cet automne toute personne à effectuer ses premiers pas dans la foi, tout en rafraichissant selon le vœu de son auteur celle des anciens.

Ryusho est venu en France deux fois en 2014, en février-mars à l’occasion de la publication française de Lire le Sutra du Lotus, puis en décembre 2014. Lors de la toute première rencontre, les pratiquants français lui organisèrent notamment une rencontre avec Mr Marcel Laurent, Grand Maître de la Grande Loge des Cultures et Spiritualités, et trois autres de ses "Frères maçonniques" profondément motivés et honorés de recevoir le Révérend aux yeux duquel, selon ses propres paroles, "chaque pierre déposée pour amener une seule et nouvelle personne vers l'éveil au bonheur, contribue à l'édifice du Sangha" et "Chaque début d'intérêt pour l'Éveil est une victoire sur l'ignorance de la vie et l'addition d'une nouvelle énergie vers l'illumination du Monde".1

Quelques mois plus tard, en décembre, il revenait à Paris pour initier à la cérémonie de l’Eveil du Bouddha Jodo-e, et la célébrer en notre compagnie et, simultanément via Skype, en compagnie de pratiquants africains, les uns vivant en Angola, les autres en République démocratique du Congo, ainsi que de membres vivant en Espagne. A cette époque, le bouddhisme de la Nichiren Shu commençait également à se développer dans deux autres pays européens, en République tchèque et au Luxembourg.

Ryusho revint en France en décembre 2015 pour se rendre d’abord dans la ville de Grenoble où un pratiquant français avait organisé avec l’appui du maire une conférence intitulée Spiritualité et compassion , répondant ainsi à ses activités et compétences favorites : être aumônier et moine nichirénien. Voici ses paroles : « En ce qui me concerne, je suis ici parmi vous aujourd'hui, tout d'abord et avant tout, en tant qu'être humain. Par bien des aspects vous et moi sommes en réalité très semblables : nous partageons les mêmes besoins universels, les mêmes que ceux de tous les autres êtres humains ; nous avons besoin de nous sentir en sécurité, d'avoir un toit, de quoi nous nourrir, d'avoir la santé ; nous savons qu'il s'agit de besoins universels. En tant qu'être humain, ils constituent mes besoins fondamentaux. Je suis également un moine bouddhiste issu de la tradition du Grand Véhicule et pratiquant les enseignements du Sutra du Lotus tels qu'ils furent compris par Nichiren, un moine japonais du XIIIe siècle, adepte de l'école Tendai. Je suis aussi un aumônier américain travaillant dans plusieurs hôpitaux de la ville de Charlotte, en Caroline du Nord. Et je suis aussi bien d'autres choses. Aujourd'hui cependant, je parlerai avec deux voix : celle d'un aumônier et celle d'un bouddhiste. En d'autres termes, je parlerai avec mon cœur, et avec mes passions, les passions qui emplissent ma vie. »

Une cinquantaine de personnes purent donc entendre parler du bouddhisme de Nichiren dans la Salle des Congrès municipale. De Grenoble, Ryusho gagna ensuite Paris pour rejoindre les pratiquants parisiens qui l’attendaient pour célébrer avec lui une nouvelle fois Jodo-e. Il put également se rendre dans un grand hôpital de la capitale, La Pitié Salpêtrière, grâce aux relations professionnelles d’un pratiquant et y rencontrer d’autres aumôniers.

Peut-être est-ce d’ailleurs cette année-là qu’il quitta Paris pour le Luxembourg encourager le pratiquant d’origine italienne qui y résidait ; du Luxembourg il s’envola vers l’Espagne pour une retraite spirituelle où l’attendaient les organisateurs, le révérend Myokei, le shami Gabriel et ses disciples, avant de repartir avec sa compatriote vers les États-Unis.

Bien qu’il ne pût venir en France lors d’un séminaire qu’organisa chez elle, en aout 2016, Isabelle Kolitcheff, une grande prouesse technique permit via Skype de rendre possible une cérémonie d’adhésion entre 3 continents : l’Afrique (différents groupes de pratiquants de Kinshasa en République démocratique du Congo), l’Europe (Italie, France, République tchèque) et les USA (Ryusho et quelques disciples) .

Enfin, le mois de décembre 2018 marque son ultime séjour en France où il commémora dans la salle d’un hôtel parisien l’Eveil du Bouddha avec la complicité du révérend Kanjin Cederman et la présence inattendue du révérend McCormick, en vacances à Paris, une cérémonie à laquelle participèrent une vingtaine de personnes pratiquantes et sympathisantes venant de différentes villes de France, de République tchèque et du Portugal, à l’issue de laquelle dix pratiquants reçurent les préceptes, Jukai, que le révérend leur proposait. L’après-midi se termina sur un exercice très pratique mettant à l’honneur Gassho au cours duquel les participants, debout et face-à-face, avaient pour consigne de remercier selon divers scénarii la personne qui leur faisait face avec toute la sincérité en leur pouvoir. Les scénarii avaient pour objectif de mettre en évidence combien il est parfois difficile de rester impartial, sincère et imperturbable…

De retour aux Etats-Unis, il ne cessa de nous écrire par mail ou voie postale en nous envoyant, selon le calendrier bouddhique ou les fêtes françaises, ses dessins qu’il emballait dans de superbes enveloppes qu’il concevait à la façon d’un patchwork en pouvant utiliser différents matériaux, coloriait, décorait et collait lui-même. Il continua également de nous inviter à pratiquer avec lui, organisant trois fois par semaine une cérémonie consacrée au Covid, et nous enseignant encore quelques jours avant son ultime hospitalisation les principes de la communication non violente pour nous aider à mettre en pratique l’Octuple Noble sentier.

La personnalité de Ryusho était pourtant loin d’être toujours calme et imperturbable, en revanche profondément humaine, sincère et directe, simple et généreuse, dont témoignent ces quelques paroles : « Jeans, sweet-shirt et sac à dos, un bonnet en tricot sur son crâne rasé, il arborait un look de touriste ordinaire certes, mais doté d'une indéniable aura de paix et de sérénité qui devait d'ailleurs attirer la sympathie de ceux que nous devions croiser au fil de nos visites parisiennes de la journée. »2 ; « La journée est finie, le chemin continue. Je sais maintenant que les extraterrestres existent. Ils ont un kimono bleu, parlent anglo-japonais, ils adorent la vie et aiment sauver les humains. Merci Ryusho Jeffus. »3

La révérende Myokei, très émue

Tant de choses ont déjà été dites à son propos. Il y a pourtant une chose que je peux dire : ce grand Gohonzon devant lequel nous pratiquons est ici, dans cette pièce, grâce à ses efforts.*

L’état du Texas, où je réside, ne disposait en effet pas d’un Gohonzon et cherchait à en acquérir un depuis longtemps. Ryusho, qui était à cette époque au Japon, a parcouru tout le pays pour qu’on lui en donne un, tant et si bien qu’il a finalement obtenu qu’on lui remette un, roulé dans son étui, un tout petit Gohonzon.

Revenu aux Etats-Unis, il a utilisé ce petit modèle pour inscrire ce grand Gohonzon, et pendant 100 jours il a récité daimoku en le recopiant.

Ryusho est donc quotidiennement parmi nous ici, pour moi et toutes les personnes venant pratiquer dans ce centre. C’est un grand honneur.

Cet homme a touché tant de personnes, tant de vies ! Il fut un grand exemple pour chacun d’entre nous, et un bon ami pour tous ceux qui l’approchèrent. Gardons cela en mémoire et suivons son exemple !


1Voir le compte-rendu de Nathalie

2Ibid

3Voir le compte-rendu de Luca