Pratique alternée anglais-français*
Eclaircissements apportés par le Révérend en réponse à deux questions préalablement posées pour faciliter la compréhension de certains mots-clés qu’utilise son texte sur l’Abhidharma
- Comment traduire le mot anglais « insight » qui recouvre selon le contexte diverses traductions ?
- Quand le Révérend utilise le terme « insight », il se réfère au résultat obtenu grâce aux principes de Samatha-Vipassana*, lesquels renvoient aux caractères japonais « shi » exprimant le calme, la sérénité, et « kan » - la contemplation. Une vision profonde ne peut se réaliser sans une profonde sérénité (ou paix intérieure) ; en d’autres mots : la méditation contemplative permet d’acquérir un discernement correct de la réalité, un « insight ».
- Voir les choses telles qu’elles sont implique que nous nous rendons compte et comprenons qu’elles sont
Interdépendantes ;
Vides d’une nature en soi ;
Impermanentes ; - Contempler les choses telles qu’elles sont, avoir une observation lucide de ce qui est, est un état d’esprit, non un concept ou une théorie, car un esprit calme et serein est capable de voir ce qui est tel que cela est. On peut parvenir à cet état grâce à une attention focalisée, en nous concentrant sur notre respiration ou en scandant Daimoku.
Question : Le Bouddha peut-il seul voir la Réalité ultime ?
- Réponse : Seul le Bouddha a effectivement su totalement parfaire sa vision, le rendant capable de percevoir la réalité telle qu’elle est, capacité ou qualité que chacun possède pourtant. A ce propos, nous pouvons faire l’analogie entre un enfant et un adulte VS les 6 premiers mondes-états et le 10e monde-état :
- Un enfant a beaucoup plus de moments d’« insight » qu’un adulte parce qu’il cherche à comprendre le fonctionnement du monde, qu’il l’observe et pose des questions grâce auxquelles il apprend à mieux comprendre son environnement. Pourtant, en raison de son âge, il est encore limité par les perspectives qui s’offrent à lui ;
- Un adulte qui, lui aussi, se pose des questions, comprend mieux son domaine d’étude (son domaine d’exercice) et son environnement grâce à un degré de logique et de perception, à ses capacités de faire des recoupements et des rapprochements qui découlent de son vécu et de ses expériences. En revanche, il doit savoir identifier ses ‘conditionnements’ (vues erronées) et faire plus d’efforts pour observer et contempler le monde avec des yeux neufs ;
- Le Bouddha est celui qui a parfaitement compris la réalité parce qu’il a exercé à la perfection sa compréhension des choses. Si l’enfant et l’adulte, qui évoluent constamment dans leurs domaines respectifs s’efforcent de mieux comprendre leur environnement, ils ne sont toutefois pas encore parvenus à saisir cette réalité dans sa complexité et sa totalité, englobant l’ensemble des 10 mondes-états.
- Pour résumer : La contemplation (kan) conduit au calme de l’esprit (insight). Bien qu’il n’existe pas d’« insight » parfait, tout le monde possède cette capacité : calmer son esprit afin de contempler les choses telles qu’elles sont. Comme seul le Bouddha maitrise à la perfection ce discernement juste des choses, il est donc le seul capable de percevoir la Vérité dans chacun des 10 mondes-états car sa vision est stable, alors que la perception d’un « être ordinaire* » change constamment selon l’état dans lequel il se trouve.
- Question : Comment définir « Bonno » (sk. Klesha) tel qu’utilisé dans le concept « Bonno soku bodai » ?
- Le terme japonais ‘bonno’ se traduit en anglais et français par les mots « défilements » ou « afflictions ». Cette définition n’a rien à voir avec l’expression « désirs terrestres »* qu’emploient depuis longtemps certaines écoles bouddhiques pour parler des « bonnos » et, de l’avis du Révérend, entièrement à tort parce que
- Le Triple monde comprend aussi le monde céleste (le 6e selon la théorie des 10 mondes-états) ; or, les défilements affectent à des degrés divers tous ces mondes, excepté celui de Bouddha.
- Les désirs ne sont pas les seuls à nous affecter : émotions, pensées, facultés cognitives et conceptuelles. Donc, si nos vues font aussi partie de ces « bonnos », il est important de se rendre compte que c’est en les résolvant que nous parviendrons à la vue juste.
- Pour résumer : Le Bouddha ou un bouddha est celui qui a totalement compris la nature de « bonno », des « bonnos » qui ne le troublent plus. Un désir n’est ni bon ni mauvais en soi, mais dépend de l’intention qu’il porte : aspire-t-il vers le bien (le positif / les mondes-états supérieurs) ou le malsain (le négatif / les mondes-états inférieurs) ? D’où l’importance de ne pas confondre « bonno » et désir.
- Question : Pourquoi ces écoles continuent-elles d’utiliser l’expression empreinte de souffrance « désirs terrestres » ?
- Réponse : Je ne peux répondre pour elles, mais pour ma part il m’importe que les membres de mon Sangha aient une bonne compréhension de ce qu’est « bonno ».
Lecture en français de la 1e partie du texte concernant les facteurs mentaux, et commentaires
- « L’Abhidharma classe la conceptualisation, la perception [… dans des ensembles qui rassemblent les facteurs qui vont de pair selon leur nature, donc si l’une apparait, les autres] ne manqueront pas de se manifester également. »
- Chaque moment de conscientisation possède nécessairement chaque autre facteur mental
- L’intention/L’attention (être conscient de ; faire attention à ; avoir une conscience soutenue*) sont deux des facteurs mentaux que nous voulons particulièrement exercer et renforcer par la méditation ou la récitation de Daimoku. Il importe que ces efforts soient soutenus dans la durée et dans le temps.
- La détermination, l’intention liée au désir, l’attention continue, la concentration aigüe et profonde :
- Connaitre l’existence de ces facteurs et les exercer [même s’ils ne sont pas toujours présents à l’esprit] de manière continue
- Comprendre ici le désir comme un sentiment neutre, qui n’est ni bon ni mauvais, qui s’il n’est pas à éliminer, doit être dirigé et élevé vers quelque chose de supérieur, de bien, vers quelque chose de positif
- La foi, l’attention, la sérénité, etc. : cultiver l’un de ces facteurs implique cultiver tous les autres. Agissant ainsi, on développe simultanément les autres facteurs ’positifs’.
- L’expression anglaise « unwholesome » traduite par « moment malsain, négatif » a aussi pour sens « moment mauvais, moment où s’exerce le mal », ce qui est mauvais ou incarne le Mal
- Le moment où
- Quelqu’un agit d’une façon telle qu’il se fait non seulement mal à lui-même en détruisant le bon qui est en lui, mais également mal à autrui (par ex., décider d’envahir un pays)
- Quelqu’un manque d’une perception juste des choses
- Disparaissent les deux gardiens du monde : le Bouddha a en effet parlé de deux gardiens du monde dont l’un veille à ce que l’on agisse avec respect envers soi-même, et l’autre - à ce que l’on prête attention à ce que les autres pensent de nous. Autrement dit, si l’on veut être digne de respect, il importe que les personnes qui agissent avec sagesse et envers lesquelles nous éprouvons du respect nous considèrent d’un œil favorable.
- En l’absence de ces gardiens, une personne ayant un quelconque pouvoir dont la pensée est empreinte d’intentions malsaines (issues des premiers mondes inférieurs : enfer/animalité/colère) devient particulièrement dangereuse, car capable de tout faire pour atteindre ses objectifs, n’ayant d’égards envers personne comme par ex., décider de bombarder un pays sans avoir été provoqué.
- Les facteurs mentaux négatifs ou malsains sont également liés les uns aux autres, ce qui fait que si l’on est en présence de mauvaises gens, que la colère nous tourmente ou que l’on est enclin au mensonge, en toute logique nos propres aspects mentaux négatifs faussent notre vision : nous manquons donc d’une perception juste des choses et selon l’état de notre « ichinen » (état mental), les difficultés inhérentes à un monde-état inférieur entrainent de nombreux autres aspects négatifs/malsains, propres aux mondes-état inférieurs.
- Considérer ces défilements comme faisant partie des six premiers mondes-états puisqu’ils
- nous permettent de noter leurs caractéristiques
- nous aident à déterminer
- si l’on est sur une mauvaise voie : nous verrons alors quels sont les défauts à rectifier du fait qu’ils nous empêchent de progresser ;
- si l’on suit une bonne voie : nous réaliserons que toutes ces qualités vont de pair et que l’une entraine l’autre
- « Enfin, il existe des facteurs mentaux tels que […] essence simple, éternelle et immuable. »
- C’est Nichiren qui mit en valeur la théorie des dix états-mondes
- Une théorie qui aida le Révérend à mieux se comprendre et s’analyser qu’il a comparée à
- un baromètre interne permettant de savoir où il en est psychologiquement
- un ensemble de paramètres psychologiques permettant de mieux comprendre son état d’esprit
- Presque 2500 ans plus tôt, l’Abhidharma procure une analyse déjà très précise de la psychologie humaine, une analyse que le Révérend est en train de développer de façon plus détaillée pour compléter, voire remanier le chapitre VI de la nouvelle version de son ouvrage Fleur du Dharma
- Ces quelques pages que nous venons d’étudier ne sont qu’un extrait de ce chapitre et ne font que toucher la surface des concepts abhidharmiques qui vont beaucoup plus en profondeur.
- « Bonno » : les facteurs recensés définissent ici les défilements, à savoir ce qui perturbe, ce qui trouble et nous empêche d’avancer vers l’illumination. Ces défilements ne devraient pas être confondus avec ce que l’on nomme « péché » dans la religion chrétienne.
Thème prévu pour le 3 avril
Poursuite de l’étude de ce texte sur l’Abhidharma en vue d’expliquer le concept de « vacuité ».