Selon les enseignements de l'Abhidharma tels qu'ils sont résumés dans des ouvrages comme les Versets sur le Trésor d'Abhidharma*, la vérité conventionnelle s’applique aux êtres, objets ou idées qui, après analyse, se révèlent n'être rien d'autre que des combinaisons d'autres entités ou des ensembles de relations ou de concepts. La Vérité Ultime, en revanche, résiste à toute analyse. La Vérité Ultime s’applique aux ensembles et interactions entre phénomènes simples, insécables, ayant une existence effective formant les éléments constitutifs de l'expérience vécue au quotidien. Il existe un nombre fixe de ces phénomènes distincts, ou dharmas [avec minuscule], chacun possédant sa propre marque ou caractéristique unique*.

Les écoles abhidharmiques ont différentes façons d'énumérer et de classer ces dharmas effectifs. En termes de vérité conventionnelle, nous pouvons parler d'une cruche d'eau, mais la Vérité Ultime est qu'une cruche et l'eau qu'elle contient peuvent toutes deux être réduites en différents atomes ou en phénomènes tels que la forme, la couleur et la texture*. Le but de ce type d'analyse est de découvrir ce qui est ultimement vrai et ce qui ne l'est que par convention, afin de montrer que le moi et les objets d'attachement potentiels ne sont que des associations impermanentes de phénomènes physiques et mentaux apparaissant et disparaissant conformément à la loi de cause à effet.

Dans l'analyse qu’en fait l'Abhidharma, les cinq agrégats* placés en tête de liste servent uniquement à énumérer ce que quiconque croit être des dharmas effectifs, les présentant selon cette analyse en termes de Vérité Ultime. Le premier agrégat, celui de la forme*, comprend non seulement les formes (à savoir la forme et la couleur), mais aussi les sons, les odeurs, les goûts, les objets tangibles ainsi que les cinq facultés sensorielles : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Certains systèmes abhidharmiques incluent également les quatre éléments que sont la terre, l'air, le feu et l'eau, lesquels représentent les qualités de solidité, mobilité, chaleur et fluidité. Tous ces éléments sont considérés comme des phénomènes physiques qui existent effectivement et peuvent être indument admis comme un soi ou comme ce qui pourrait appartenir à un soi.

Les agrégats de la conscience, de la sensation, de la perception, voire de la sensation-perception, ainsi qu’une cinquantaine de diverses formations mentales, sont tous considérés comme des phénomènes mentaux qui existent effectivement et peuvent être indument identifiés à un soi ou à ce qui pourrait appartenir à un soi.

La sensation, le sentiment, la perception ainsi que les formations mentales sont tous classés dans la catégorie des concomitants mentaux, des dharmas qui accompagnent ou vont de pair avec la conscience. Les pratiquants bouddhistes doivent donc être particulièrement attentifs aux qualités morales et à la nature éphémère de ces concomitants mentaux qui sont tous des phénomènes cognitifs et affectifs discrets* apparaissant en même temps que la conscience lorsqu'une faculté sensorielle rencontre l'objet approprié, comme la faculté oculaire rencontrant une forme, ou la faculté mentale - un objet mental. S'il y a conscience d'un objet physique ou mental, il s’ensuivra les facteurs mentaux tels que le contact, l’expression d’un sentiment en réaction à cet objet (que ce soit avec plaisir, mécontentement ou indifférence), la perception de cet objet, l'attention portée à celui-ci ainsi que l’expression d’une intention liée à cet objet (que celle-ci soit positive ou saine, négative ou malsaine, ou neutre).

D'autres facteurs mentaux tels que savoir discerner avec exactitude l’identité dudit objet, savoir le déterminer selon son sens des valeurs ou ses opinions personnelles ou savoir adopter une attitude à son égard, désirer l'objet de la conscience mise en jeu, savoir maintenir une attention continue envers lui et une concentration aigue se manifesteront nécessairement. Si le moment de conscience est sain et positif, alors les facteurs mentaux de la foi, de l'attention, de la sérénité, de l'équanimité, de la conscience morale*, de la crainte morale*, de la non-avidité, de la non-haine, de la non-violence et de l'énergie ou du zèle pour ce qui est salutaire, ne manqueront pas de se manifester également.

Les moments négatifs, malsains seront cependant certainement accompagnés d'un manque de scrupule et de préoccupation concernant le souci de réputation qu’éprouve un sage. Les pensées adventices ou souillures suivantes accompagnent également tous les états négatifs ou malsains : l'illusion* ou l'ignorance*, l'insouciance, l'indolence envers ce qui est sain, le manque de foi, l'ennui envers ce qui est sain, l'agitation. Peuvent également survenir une ou plusieurs pensées adventices, voire souillures fondamentales que sont l'attachement (avidité), l'aversion (haine), l'orgueil (égoïsme), le doute débilitant qui sape la pratique spirituelle, et la vue fausse. Il faut également se méfier de plusieurs souillures mineures ou dérivées comme la colère, la dissimulation, l'avarice, l'envie, l’agacement, la violence, l'inimitié, l’hypocrisie, la prétention et l'arrogance.

Enfin, il existe des facteurs mentaux tels que la somnolence, le remords, la pensée (le fait de penser à quelque chose) et la réflexion analytique (le fait de penser quelque chose de quelque chose) qui, selon les circonstances, peuvent être sains ou malsains. En prenant conscience de ces divers phénomènes mentaux, le pratiquant peut discerner ceux qui sont sains et doivent être cultivés de ceux qui sont malsains et doivent être éliminés. En fin de compte, le pratiquant réalisera que ces phénomènes mentaux sont encore plus impermanents que les états corporels, car ils apparaissent et disparaissent en fonction de causes et de conditions changeantes et peuvent donc tous être qualifiés de non-soi. Cela met ainsi à mal l'idée communément admise disant que même si le corps est impermanent, l'aspect mental de la vie, souvent appelé esprit ou âme, est d’une essence simple, éternelle et immuable.

Les systèmes abhidharmiques énumèrent également un ensemble de dharmas qui affectent les dharmas physiques et mentaux, agissant les uns sur les autres, mais qui ne sont pas eux-mêmes des formes, des consciences ou des concomitants mentaux. Ils incluent des faits ou des événements comme la naissance (ou l’apparition), la fermeté constante*, le vieillissement (ou la décrépitude), l'impermanence, la force vitale, les noms, les phrases, les syllabes, l'acquisition, la non-acquisition, la similitude, la non-perception, la réalisation méditative de la non-perception, la réalisation méditative de la cessation, et quelque chose qu'ils nomment « forme non manifestée* », ce qui signifie quelque chose comme la mémoire du corps. Tous ces aspects ne sont bien sûr rien d'autre que des abstractions se fondant sur des processus plus concrets : quelqu'un a-t-il par exemple déjà fait l'expérience directe du vieillissement en tant que chose en-soi plutôt qu’ensemble de signes particularisant le vieillissement comme perdre ses cheveux ou souffrir de rhumatismes ? Ce groupe de dharmas rend cependant compte des forces ou des processus qui agissent sur les agrégats mais qui ne sont eux-mêmes pas classables en forme, sensation-perception, conceptualisation, volition ou conscience.

Tous les dharmas sus mentionnés, les différents types de forme, la conscience, les différents phénomènes mentaux associés à la conscience ainsi que les dharmas non associés aux agrégats sont tous des dharmas conditionnés. L'école pré-Mahayana Tout Existe (Sarvāstivāda) croyait que ces dharmas existaient de tout temps mais ne se manifestaient à un moment donné que si les causes et conditions appropriées étaient présentes. Ces causes et conditions sont en réalité l'activité d'autres dharmas. Ainsi, s'il y a par exemple un dharma de la forme (forme et couleur) et un dharma de la faculté oculaire à proximité, ceux-ci fournissent les conditions pour que se manifeste la conscience des yeux : l'apparition de cette conscience des yeux est elle-même une condition pour que se manifestent le sentiment-perception et d'autres formations mentales.

Selon cette école, la causalité décrit la manière dont les dharmas conditionnés se manifestent et cessent de se manifester en fonction de la manifestation ou de la non manifestation d'autres dharmas conditionnés. Par exemple, si le sens du toucher et l'élément chaleur se manifestent simultanément, la conscience de ce contact corporel apparaîtra ou s’exprimera au contact d’un poêle chaud, de même que se manifesteront la sensation de douleur, la perception d'une source de chaleur ainsi que, peut-être, les formations mentales d'aversion et de colère. Ce moment de contact peut lui-même avoir été provoqué par un moment de conscience empreint d'insouciance. Un tel moment pourra alors provoquer d'autres moments de conscience tenant compte du fait que le feu est dangereux et qu’il convient dorénavant d’être plus prudent en l’approchant.

Une école dissidente, Les Adeptes des sutras (Sautrāntika), croyait que l’on ne devait pas accorder à l’Abhidharma autant d’importance qu’aux sutras. Cette école s’opposait à l’école Tout Existe en proclamant que les dharmas n'existent qu’un bref instant, lorsque causes et conditions appropriées sont réunies. Or, les phénomènes semblent exister plus d'un instant lorsque causes et conditions restent relativement les mêmes pendant un certain temps : des dharmas similaires apparaissent dans un flux continu (et cessent sur le champ) alors qu'aucun dharma ne peut jamais véritablement exister plus d'une fraction de seconde.

Enfin, il y a ce qui n’est pas soumis à condition : un phénomène inconditionné ne dépend pas de causes et de conditions pour exister ; aucune cause ou condition n’est nécessaire à son existence, et aucune cause ou condition ne peut le détruire ou le modifier. Dans le bouddhisme Theravada, le seul dharma inconditionné est le nirvana, alors que les autres écoles bouddhiques considéraient qu’il existait souvent trois dharmas inconditionnés. L’un d’entre eux était l’espace. L’espace d’une pièce peut évidemment être obstrué ou rempli d’objets, mais bien que tenant pour acquis qu’une pièce puisse être obstruée et remplie d’objets, l’espace de cette pièce reste le même. Un autre dharma inconditionné, « la cessation non analytique », décrit une situation dans laquelle un dharma ne peut se manifester parce que les causes qui lui permettraient de réapparaître sont insuffisantes : les flots d’un cours d’eau par exemple n’emprunteront jamais la même trajectoire. Il existe aussi « la cessation analytique », à savoir la destruction des idées adventices, des défilements, résultat atteint par la méditation contemplative telle qu’elle est pratiquée par les bouddhistes. La cessation analytique est une autre façon de parler de l’atteinte du nirvana. Il pourrait sembler là que la méditation contemplative étant la cause, la cessation analytique soit l’effet de cette cause, ce qui en ferait un phénomène déterminé par des causes et des conditions.

Qu’elle soit non analytique ou analytique, l’Abhidharma ne considère néanmoins pas la cessation comme un effet, mais la pense comme ce qui reste une fois causes et conditions transformées : ainsi, certains dharmas conditionnés ne se reproduiront jamais plus. De la même façon que l’espace d’une pièce n’entrave pas les objets qu’il contient et conserve la même taille en l’absence d’objets, le nirvana demeure lui aussi inchangé quels que soient les défilements, et demeure tel quel, inchangé, quand il n’y a plus de défilements, aucun d’eux ne réapparaissant jamais plus.

Quatre-vingts dharmas distincts viennent d’être sus mentionnés : quatorze dharmas comprenant l’agrégat de la forme ; quarante-cinq comprenant l’agrégat des formations mentales, les agrégats de perception, sensation et conscience étant tous considérés comme un dharma ; quinze dharmas conditionnés agissant sur les agrégats, et trois dharmas inconditionnés. La particularité de cette énumération ne provient pas d’un unique système abhidharmique, mais est dérivée des soixante-quinze dharmas recensés dans le Trésor de l’école Abhidharma (Jap. Kusha-shū; 倶舎宗).*

Quels que soient cependant ces nombreux dharmas, à quelques exceptions près, les systèmes abhidharmiques non mahayana s’accordent à penser que, d’une certaine façon, ces dharmas possèdent un certain type d’existence ou une nature propre. De fait, chacun de ces dharmas porte une caractéristique particulière ou une marque unique, irréductible et distincte, la différenciant de tous les autres dharmas. Alors que les hommes, les animaux, les esprits, les arbres, fleurs, maisons, charrues et tout autre objet du quotidien peuvent exister en termes de vérité conventionnelle lorsque soumis à l’analyse et perçus par la méditation contemplative, la Vérité Ultime révèle quant à elle qu’au sein d’une pluralité de dharmas finis, seuls les groupements, les interactions et causes relationnelles sont ce qui vraiment est.

Toutes les écoles abhidharmiques n’enseignaient pas comme vérité ultime l’existence d’un nombre fini de dharmas inhérents. L’école de la Réalité achevée (J. Jōjitsu-shū; 成実宗) soutenait par exemple que les dharmas sont non seulement vides d’un soi propre, mais aussi de toute espèce de nature propre ou d’existence inhérente. Bien que ces systèmes aient recensé quatre-vingt-quatre dharmas composant les vies des hommes, ils enseignaient que selon la vérité conventionnelle ces dharmas possèdent juste une existence provisoire.

Dès ses origines, le bouddhisme mahayana rejeta les affirmations soutenant qu’il existait une pluralité de dharmas ou de phénomènes indivisibles et inhérents. De fait, le mahayana estime qu’établir un nombre déterminé de dharmas empreints d’une existence véritable est une façon de s’agripper à une existence réelle, ce qui va à l’encontre de l’esprit de détachement que le Bouddha voulut exprimer en enseignant que les cinq agrégats ne possèdent aucune nature propre.

Dans ses discours pré-mahayana, le Bouddha avait déjà affirmé que tous les dharmas, qu’ils soient conditionnés ou inconditionnés, n’avaient pas de nature propre. En tant qu’agrégats ou composants d’agrégats, ces dharmas sont mésinterprétés et considérés comme faisant partie d’un soi, celui d’un individu ou d’un être vivant, alors qu’ils ne devraient pas être identifiés comme tels et qu’on devrait encore moins s’y agripper. Pour les érudits du mahayana, admettre qu’un nombre de dharmas est doté d’une nature propre, d’une existence inhérente possédant une marque ou un caractère distinct, signifiait donner libre cours à l’idée que l’on peut s’accrocher à une sorte de « soi » et sombrer une fois encore dans des théories sur l’âme éternelle et l’annihilation de la conscience (Voir keshin metchi et muyo nehan).

Selon les sutras mahayana, un bodhisattva devrait donc être « libéré de la perception du multiple »* et cultiver « le non-attachement envers tous les dharmas »*. De facto, même les auditeurs-shravakhas ne peuvent atteindre le nirvana s’ils ne se détachent de l’idée qu’il existe des dharmas véritablement substantiels*. Cependant, on sait aussi que certains bodhisattvas novices ont pu être déconcertés, voire effrayés* par un enseignement disant qu’il n’existe aucun dharma réel.

Concernant la vacuité des dharmas, les sutras mahayana n’avancent aucun argument d’une logique systématique. Étant donné que les dharmas n'ont qu'une existence provisoire liée au processus de l’origine interdépendante, ils sont vides de toute essence fixe, immuable et indépendante, ou d’une nature propre. Puisque l’origine interdépendante est la voie du milieu qui échappe aux extrêmes de l'existence et de la non-existence, on ne peut donc soutenir qu'il existe des dharmas inhérents en dehors du système des causes et des conditions qui leur permettent d'apparaître momentanément. Étant donné que les dharmas n’apparaissent que temporairement en raison de causes et de conditions en constante évolution, ils ne peuvent à aucun moment avoir une existence substantielle. Par conséquent, ils ne peuvent ni apparaitre ni cesser [d’exister].

Dans les enseignements pré-mahayana, les arhats possèdent la connaissance de la non-apparition parce qu'ils savent personnellement que le nirvana, qui est un dharma inconditionné, ne surgit ni ne cesse. Ils savent aussi ne plus avoir rien à apprendre ou à accomplir parce que défilements et souillures ne surgiront plus en eux, leur méditation contemplative ayant libéré et purifié leur esprit. Dans le mahayana, les bodhisattvas ayant atteint le stade de la non-peur et de la non-régression de leur pratique maitrisent la connaissance de la non-apparition, car ils savent par eux-mêmes que tous les dharmas, comme le nirvana, ne se reproduisant plus, sont donc non-survenus.

À la lumière de l’origine interdépendante, les dharmas conditionnés impliquent qu’ils ne possèdent aucune existence réelle. Il existe juste une relation, un lien qui change constamment de causes et de conditions, chaque cause et chaque condition étant elles-mêmes liées à d’autres causes et conditions. Il s'avère donc que les dharmas conditionnés sont aussi inconditionnés que l'espace ou le nirvana, puisque les dharmas conditionnés n'ont pas d'existence réelle qui puisse apparaître ou cesser [d’être], ou être prise pour autre chose qu'une simple apparence.

Les sutras mahayana affirment également que puisque tous les dharmas sont comme le nirvana qui est vide d’une nature propre, tous les dharmas sont également dépourvus d’un signe, d’une marque distincte ou d’indices qui pourraient en faire un objet d'attachement. Il n'y a donc pas de dharmas qui existent intrinsèquement et portent des marques distinctives, pas même la marque d'un soi, d'une personne, d'un être sensible ou de tout type d'entité vivante ou de nature propre pouvant être trouvée lorsqu'elle est soumise à la contemplation analytique. Comme le nirvana, les dharmas ne sont constitués d'aucune partie substantielle, ils n'apparaissent ni ne cessent en tant qu’éléments, entités existant réellement ; ils ne sont pas touchés par les défilements ni prétendument purifiés. Ils sont la vraie nature mystérieuse et insaisissable de la réalité qui est le royaume du Dharma. En les considérant sous un angle négatif*, les dharmas sont vides d’une nature propre ; sur un plan positif, ils représentent l’« ainsité » de la réalité, la réalité telle qu’elle est. Étant donné que les dharmas sont exempts de toute marque distinctive et ne présentent pas de différences substantielles, on peut dire qu'ils partagent tous la marque, le signe de la paix qui est le nirvana. C'est pourquoi il est écrit dans le Sutra du Lotus : « Depuis le commencement, tous les dharmas portent toujours le signe de la cessation tranquille ».

En résumé, le Bouddha historique Shakyamuni enseigna que bien que l’on puisse parler par convention d'un soi, d'une personne responsable de ses actes, qui souffre mais qui, au lieu de souffrir, pourrait choisir de cultiver sa vie pour se libérer de cette souffrance, il enseigna que sur un plan ultime il n’existe que les cinq agrégats de la forme, du sentiment, de la sensation, de la perception, des formations mentales et de la conscience, lesquels sont non seulement impermanents, mais aussi incapables de fournir un bonheur complet ou durable : ils sont donc vides de tout ce qui pourrait être identifié à un soi ou à une nature propre.

Après le décès du Bouddha, les enseignements de l'Abhidharma soumirent les cinq agrégats et d'autres phénomènes à une analyse qui aboutit à l'affirmation qu'il existait une collection d'environ quatre-vingts dharmas différents possédant chacun des marques distinctives, lesquels constituent les véritables pierres de construction composant le monde conventionnel des personnes, des lieux et des objets. Bien que ces dharmas n'aient pas une individualité propre, ils sont censés avoir une existence réelle, ne serait-ce que momentanée ou brièvement manifestée, chacun ayant une nature propre et une marque distincte.

Les sutras mahayana insistaient cependant sur le fait que les cinq agrégats et tous les dharmas possibles sont, en fin de compte, non seulement vides d'un soi mais de toute sorte de nature propre. De plus, même les phénomènes auxquels le Bouddha fait référence dans ses enseignements sont vides, y compris les Quatre nobles vérités et la chaîne des douze éléments de l'origine interdépendante. La vacuité elle-même est vide et non une entité réelle. Selon les sutras mahayana, y compris le Sutra du Lotus, l'éveil à cette vérité profonde de la vacuité est nécessaire pour parvenir à se libérer de la souffrance. Afin d’atteindre cet état d’éveil, nous devons être capables de surmonter tout attachement et toute aversion en réalisant qu’il n’existe rien envers quoi nous pourrions éprouver de l'attachement ou envers quoi nous aurions de l'aversion. Dans le bouddhisme de Nichiren, la vérité de la vacuité est une composante importante de l'enseignement de Zhiyi sur la Triple vérité, mais il convient au préalable d’examiner comment Nagarjuna la développa.


Références utilisées pour ce texte en langue anglaise :