Pratique alternée anglais-français*
Lecture en français de la fin du texte sur l’Abhidharma débutant ainsi « Enfin, il y a ce qui n’est pas soumis à condition : un phénomène inconditionné ne dépend pas de causes et de conditions pour exister […]», suivie d’une session de Questions-Réponses.
- Question de sens : peu sûres du sens accordé aux adverbes de l’original « negatively VS positively » ainsi traduits « En les considérant sous un angle négatif, les dharmas sont vides d’une nature propre ; sur un plan positif, ils représentent l’« ainsité » de la réalité, la réalité telle qu’elle est », les traductrices demandèrent au Révérend de préciser ce qu’il avait voulu dire.
- Réponse :
- « Negatively » est à comprendre comme « il ne reste rien que du vide » – faisant ainsi référence au concept de vacuité, d’absence d’une nature propre, d’une existence en soi.
- « Positively » : à comprendre comme « c’est ce qui est » ou « voir les choses telles qu’elles sont », tel que le définit le terme sanscrit « Tathata » *; en anglais « suchness » = c’est ainsi.
- Question portant sur les dharmas VS le Dharma : On pourrait comprendre que chaque objet d’étude (les mathématiques, la physique, l’astrophysique, la vie humaine et animale, etc.) représente un dharma et que tous ces dharmas réunis forment le Dharma.
- Réponse :
- Le Dharma = une expérience directe, très physique, très concrète. Par exemple, ma table rouge sur laquelle est posé mon ordinateur.
- Qu’est-ce que cette table rouge ? La réunion d’une forme et d’une couleur
- une table = un concept, car chacun possède une représentation mentale de ce qu’est une table
- le rouge = le Dharma, ou ce que j’expérimente, à savoir la conjonction entre mes systèmes nerveux et organique, oculaire.
- L’enseignement Mahayana est de dire : si je pense qu’il existe une réalité, je me trompe parce que je ne peux pas l’analyser indéfiniment, la « décortiquer » à l’infini. La réalité représente un ensemble de relations complexes que l’on peut comparer aux lois de la physique : une relation entre l’observateur (le physicien qui observe un phénomène), et la réalité phénoménale qu’il est en train d’observer*.
- Question de traduction : faire attention à l’idée que l’on peut avoir d’un objet ou d’une chose VS à la réalité de l’objet, de la chose en elle-même, et choisir les mots justes pour l’exprimer dans la langue d’arrivée. Concernant le mot « table » par exemple : l’utilisation des articles français, défini ou indéfini, permet de préciser ce dont il est question, cependant qu’il est des langues dans lesquelles ces articles n’existent pas.
- Quand je traduis « la » table : je sais de quelle table il est question, j’en ai une représentation précise.
- Mais si je traduis « une » table, il s’agit de n’importe quelle table : je sais que chacun en aura une représentation personnelle.
- ⇒ Voilà donc le problème auquel se heurte le traducteur d’une langue sans articles comme le japonais ou le turc. Qu’en est-il des langues palie et sanskrite dans lesquelles furent rédigés les sutras ?
- Réponse :
- En effet, le chinois est polysémique et sa syntaxe moins flexible comparée à la grammaire et la syntaxe sanskrites, qui sont très précises et expriment des concepts abstraits avec une bien plus grande concision. On pourrait donc présumer que les textes traduits du sanskrit en chinois furent simplifiés et que de ce fait, ils purent perdre quelque peu de leur sens au cours des traductions.
- D’un autre côté, l’anglais (ainsi que d’autres langues indo-européennes) possède lui aussi une structure permettant d’exprimer avec précision des concepts abstraits : on peut donc dire que ce qu’une traduction chinoise put avoir perdu, se retrouve dans les traductions anglaises des textes palis ou sanskrits.
- De plus, au cours des deux derniers siècles, beaucoup d’érudits et de chercheurs traduisirent les sutras sanskrits dans leur langue, mais ce n’est que depuis les années 1960 que les traducteurs-érudits s’adressèrent aux religieux pour s’assurer que leur interprétation était fidèle à l’original et correspondait à l’intention des textes sanskrits ou palis.
- Question : Comment expérimenter Daimoku « sans commentaires », sans se laisser perturber par nos défilements et ce que nous pensons ?
- Réponse :
- Le Bouddha a enseigné de tenir seulement compte de ce que nous pensons, voyons et entendons.
- Il y a donc deux manières complémentaires de parvenir à couper court à notre « chahut intérieur »
- En silence, concentrer sa pensée sur une seule chose, telle sa respiration
- En récitant Daimoku à haute voix du plus profond de notre être, se concentrer sur le son même du mantra et fixer son regard sur le mandala Gohonzon.
- Lors de notre pratique, bien garder à l’esprit ce que les deux caractères MYO et HO signifient :
- En sanskrit, ils signifient LE Dharma merveilleux : la Réalité Ultime du Bouddha
- En chinois*, une langue sans articles, ils signifient TOUS LES dharmas merveilleux, mystérieux, extraordinaires… Ce qui est donc merveilleux pour la langue chinoise, c’est la Voie du milieu qui est à la fois
- Temporaire, passagère
- Vide d’une nature propre
- ⇒ Voilà donc ce qui est vraiment merveilleux, mystérieux, extraordinaire !…
- Question : notre thème de discussion d’aujourd’hui fut sans doute autrefois débattu par les moines ?
- Réponse : Oui, bien sûr !
- Les écrits de Nagarjuna qui parlent de la Voie du milieu ne sont en fait que des transcriptions de ses exposés à ce sujet
- Zhiyi transmet ses réflexions et les discussions concernant ses enseignements dans ses trois grands ouvrages : Makka Shikan, Hokke Genji et Hokke Mongu
- Avant eux, furent retransmises les conversations entre le roi grec Milinda et un moine bouddhiste
- Les nonnes étaient elles aussi capables de mémoriser les sutras et d’en discuter (voir par exemple la reine Shrimala).
- Toutefois, n’oublions pas qu’autrefois savoir lire et écrire était le privilège des personnes lettrées et officielles. L’accès à ces textes, la réflexion qui pouvait en résulter et les discussions entre lettrés restaient donc limités aux cercles des religieux et des érudits.
- Moi, Révérend, je me sens en tout cas très chanceux de bénéficier aujourd’hui de tous ces moyens de communication que les gens de l’époque de Nichiren pouvaient considérer comme un pouvoir dont seuls les dieux sont dotés. Mais je me rends compte en même temps que malgré ce pouvoir, nous devons rester circonspects, car nous avons la malchance de voir et de savoir que la souffrance persiste.
- Nous n’avons toujours ni les moyens ni la sagesse qui nous permettraient d’éradiquer la souffrance de ce monde et continuons de nous demander comment nous en libérer.
Thème prévu pour le 1er mai
Poursuivre l’étude de la 3e partie, « Nagarjuna », du chapitre 6 de la nouvelle version de Fleur du Dharma que nous enverra le Révérend.