Pratique alternée anglais-français*
En guise d’introduction
Après avoir salué et remercié chacun d’être ce matin présent, le Révérend
- rappelle la date-anniversaire du 28 avril 1253 qui commémore la première récitation publique de Namu Myoho Renge Kyo et fonde ainsi le bouddhisme nichirénien, événement qui sera célébré ce soir-même dans le cadre de la réunion hebdomadaire de la NBA
- explique les raisons pour lesquelles il s’est finalement ravisé et a choisi d’évoquer le concept de « non-soi » plutôt que le thème initialement prévu sur Nagarjuna : en relisant le chapitre VI de Fleur du Dharma, il lui a paru en effet nécessaire de remonter aux origines historiques du bouddhisme et de rappeler la teneur de ce que disent les textes palis pour mieux comprendre l’enseignement de Nagarjuna, de Zhiyi et Nichiren.
Lecture en français du début du texte sur le « non-soi »*, nouvelle version du chapitre VI de Fleur de Dharma qu’est en train de remanier le Révérend, suivie d’une session de Questions-Réponses.
Remarque faite sur la difficulté de ce texte
Réponse : c’est en effet un enseignement difficile et profond. Je suis quant à moi très heureux de découvrir qu’il vient du canon pali et fut promu par des femmes, des nonnes et des laïques.
Question : S’il n’existe pas de soi, pourquoi pratiquer pour quelqu’un ou soi-même puisqu’en définitive rien n’a de soi ?
Réponse : c’est exactement la raison pour laquelle Zhiyi a développé le concept de la Triple Vérité. La vacuité, le non-soi, n’est en effet pas synonyme de vide ni de néant, mais de ce qui n’est pas fixe, de ce qui est toujours en mouvement, constamment changeant. Qui que nous soyons, nous possédons tous cette même nature : ainsi, il n’existe pas de barrière entre les uns les autres, nous sommes interdépendants et non séparés les uns des autres.
Remarque : ces enseignements étaient déjà d’une grande profondeur à cette époque, mais peu y avaient accès.
Réponse : divisée en castes, la société indienne ne permettait effectivement pas à tous d’avoir accès à la connaissance ; seuls les brahmanes, les prêtres, avaient accès aux textes. Au XXIe siècle aussi, on peut dire que ce sont surtout les occidentaux qui ont accès au savoir.
Question : en référence à ce passage extrait du chapitre XIV du Sutra du Lotus « En outre, un bodhisattva-mahasattva devrait réfléchir à la vacuité de tous les phénomènes selon leur ainsité, leur aspect réel. Il voit qu’ils ne s’inversent pas et ne se déplacent ni vers l’avant ni vers l’arrière, qu’ils ne tournent pas mais sont semblables à l’espace qui n’a pas d’existence propre, qu’ils dépassent les limites des mots et des langages », comment comprendre la notion d’espace ? Car si les phénomènes sont vides de toute substance et interdépendants, il me semble qu’il doit nécessairement exister un espace. N’y a-t-il pas là une contradiction entre non-existence, espace et phénomènes ?
Réponse : tout est question de point de vue. En observant ce tissu à nettoyer ses lunettes, par exemple, peut-on préciser quelle partie de ce tissu est seulement tissu ? Chacune de ses parties est aussi fibres, molécules, etc. Autrement dit, dire que quelque chose est vide d’une nature propre, d’un soi, revient à dire que ce quelque chose possède une réalité autre que celle que l’on voit et croit être.
Question : est-ce une illustration de « Ku » , le concept de la non-existence ?
Réponse : Oui, « Ku » correspond au terme sanscrit « śūnyatā », la vacuité, ou encore à l’absence de tout caractère fixe et permanent, à l’absence d’essence (sanscrit, anātman). Rien ni personne ni aucun phénomène ne possède une nature en soi ; même l’espace* dépend de la matière (cf. le phénomène du Big Bang), même l’espace est en interrelation. Pour parvenir à la compréhension que le soi n’existe pas, le Bouddha Shakyamuni cherchait à être très proche de ses auditeurs, les invitant à s’observer, à observer ce qu’ils vivaient et ressentaient. Nagarjuna a repris cet enseignement, puis plus tard Zhiyi et Nichiren.
Pour revenir aux deux principales raisons qui m’ont poussé à remanier le chapitre VI
Comme je le disais initialement, la première rédaction de Fleur du Dharma ne tenait pas compte du canon pali ni des enseignements de l’Abhidharma. Présenter l’enseignement de Nagarjuna sans parler de ces enseignements initiaux fondamentaux m’est soudain apparu comme une erreur et un non-sens non seulement historique, mais aussi philosophique parce que si l’on comprend les enseignements du canon pali, on comprend l’Abhidharma, puis ceux que promurent Nagarjuna, Zhiyi et Nichiren. Il était donc évident qu’il fallait les remettre en perspective pour que ceux qui suivent l’enseignement de Nichiren les comprennent et les maitrisent mieux.
Les enseignements du canon pali mettent en valeur l’un des enseignements-clé de Shakyamuni : l’anātman, l’absence d’une nature substantielle, un enseignement nécessaire pour dépasser notre nature égoïste et narcissique.
Nagarjuna se basait lui aussi sur les paroles de Shakyamuni, le sutra de la Voie du milieu n’est d’ailleurs pas un texte mahayana. Bien qu’il ait vraisemblablement été mahayaniste, ses auditeurs ne l’étaient pas [encore]. Aussi s’est-il efforcé d’approfondir les enseignements précédents pour aider ses contemporains à dépasser les notions d’existence et de non-existence à l’aide de la production conditionnée interdépendante.