Préface
(sans translitération du Wade-Giles)

Les écoles Tien-Tai tiennent en grande estime quatre traités sur le Dhyana. Le premier a comme titre « Le Dhyâna pour obtenir l'Illumination immédiate », il est écrit pour ceux qui cherchent une illumination subite provoquée par une phrase, ou même par un mot. Ce traité réunit les conférences faites au Monastère de Kingchow dans la province du Hopei par le Grand Maitre Chih Chi. Un de ses disciples Chang An a transcrit ces conférences réunies en dix volumes. Le deuxième traité a comme titre « Le Dhyâna par les Pas réguliers ». Il est basé sur les conférences du même Maître au Monastère de N'rkwei et transcrit par son disciple Fahchen. Cette collection était composée d'abord de trente volumes, qui plus tard furent réduits à dix, sous le titre de Dhyana Paramita, le Dhyâna Idéal (ou perfectionné). Le troisième traité eut comme premier titre « Le Dhyâna par des pas irréguliers ». Le Grand Maitre l'a écrit à la demande de Mao-Shee, Ministre du Grand Conseil (Dynastie Chen 548-581). Il y avait un volume connu maintenant sous le titre « Les Six Voies Merveilleuses du Dhyâna ».

C'est le quatrième traité que nous allons étudier. Il fut écrit par le Grand Maître pour l'instruction et l'avancement de son propre frère le lieutenant-colonel Chen Chi. C'est sans doute le résumé de sa mûre compréhension du Mahâyâna et la véritable clé de l'Illumination. Les différents titres de ce livre tels que « Arrêter et Réaliser », « Samapatti et Prajna » (Les Pouvoirs transcendantaux et la Sagesse), « La Tranquillisation et la Réflexion », « La Sérénité et la Quiétude » proviennent tous de la même source. Si l'on veut remonter jusqu'à cette source, si l'on étudie les pratiques et accomplissements du Bouddha on trouvera à l'origine la pratique du Dhyâna qui peut être résumé dans cette phrase « Arrêter de penser à la Vérité pour Réaliser (en soi) la Vérité même. » Telle était l'expérience personnelle du Grand Maître des montagnes du Tientai quand il eut une vision du pic du Vautour pendant qu'il demeurait dans les montagnes de Su, désormais cette pensée a été pour lui sa principale inspiration. On peut dire que le Dhyâna que le Maitre a pratiqué et le Samâdhi qu'il expérimenta, de même que les conférences si éloquentes qu'il a données n'étaient en somme que la démonstration de cette pratique d' « arrêter (la pensée discriminative) pour Réaliser (la Vérité) ».

En d'autres mots ce que le Maître nous avait enseigné n'était tout simplement que l'opération de nos propres esprits, l'enseignement profond de l'Ecole Tien-Tai et la littérature volumineuse à étudier ne sont que l'élaboration d'un seul sujet. Si on ignore cette conception du Dhyana, il sera impossible de comprendre ou de discuter les enseignements de l'école de Tien-Tai. Par conséquent il n'est pas seulement nécessaire (pour chacun des suivants du Bouddha) de l'étudier mais il est aussi nécessaire de la pratiquer.

Dans « l'Eveil de la Foi » la juste disposition des pensées consiste dans la réalisation par l'esprit lui-même de son Essence indifférenciée. Tel est le thème de beaucoup de Sûtras Mahdyânistes tels que le Lankavatara Sûtra, le Sûtra du Sixième Patiriarche. L'essence de l'esprit ne peut être comprise que par ceux qui ont dépassé toutes les notions d'un égo-entité et toute préoccupation avec leur individualité. Réaliser cette Essence ou sa nature propre, exige l'abandon de toute pensée discriminative (réf.) et laisse luire « la pensée primordiale ». Quand le Bodhisattva avancé entre dans le véritable sanzeidhi, tous les concepts du corps ou de l'esprit individualisé disparaissent, il ne reste conscient que de la Vérité Une, non-différenciée et l'esprit a réalisé sa véritable liberté, sa paix, sans que l'idée d'une entité-égo ou d'une individualité vienne l'obscurcir.
Quand l'esprit est tranquillisé par l'arrêt de toutes les pensées, pour pratiquer la méditation, ou la réflexion on ne se sert plus des pensées discriminatives, mais d'une façon plus intelligente on réalise le sens et la signification de ses pensées et de ses expériences » (L'Eveil de la Foi).

En regardant le monde autour de nous, on voit la corruption partout, des gens avides de plaisir et de distractions, cherchant à satisfaire leur besoin de confort égoïste, cherchant à justifier leurs préjugés, aveuglant volontairement leurs yeux à leur propre illumination. Peu sont ceux qui comprennent la pratique du Dhyâna, au lieu d'étudier ce livre ils le cachent dans la Bibliothèque, leur labeur est vain. Mais une fois de plus « j'envoie l'Enseignement au graveur sur bois » (l'Imprimeur des textes gravés sur bois) pour être réédité espérant que chacun qui le lira tirera profit de ses enseignements. J'espère de plus que chacun qui le lira mettra ses enseignements en pratique pour gagner une réalisation personnelle de son trésor immesurable. Mon travail étant terminé, j'écris ces quelques lignes comme introduction.

Bhikshu Yuen Tso
Yu-Hâng (par Han Chow)

Le premier jour de l'automne moyen de la deuxième de Shao‑Sang (Dynastie Tsung, 956-1273)

Suite