DICTIONNAIRE des TERMES BOUDDHIQUES

français, japonais, chinois, sanscrit, pali

Udumbara

Remarques sur une scène bouddhique du Roman du Genji

Jean-Noël Robert

extrait de https://cipango.revues.org/610

Cipango, Hors-série | 2008, 385-401

 

Voyons à présent une autre allusion qui renvoie très probablement aussi au Sūtra du Lotus ; il s’agit cette fois de l’échange de poèmes qui a lieu plus tard entre le Prince, le Préfet monacal et l’ermite. Si extraordinaire est la prestance du Genji, ce météore de l’urbanité qui vient illuminer la montagne des anachorètes, que les deux religieux, retirés à des degrés divers du monde ont perçu sa venue comme une épiphanie qui va remuer sous leur pinceau l’imagerie religieuse. Après le poème du Prince, c’est au Préfet monacal de donner sa contribution et, reprenant le thème des fleurs de cerisier évoqué par le premier, il passe à un autre végétal : udonge no / hana machi-etaru / kokochi shite / mi-yama-zakura ni / me koso utsurane « Avec l’impression d’avoir enfin rencontré la fleur d’udumbara, poserais-je encore mes regards sur les fleurs de cerisier ? » On sait que cette fleur, udonge ou udonbara en sino-japonais, a une existence mythique en Extrême-Orient ; le fondateur du Tendai chinois, Zhiyi, explique qu’elle fleurit tous les trois mille ans et signale la venue d’un empereur du monde. En réalité, comme le rappelle Yamagishi Tokuhei dans une note complémentaire (186, p. 432), il s’agit d’un arbre réel, le Ficus glomerata, une sorte de figuier, arbre qui, comme le rappellent les caractères chinois qui forment son nom, 無花果, donne des fruits mais n’a pas de fleurs visibles. Le même érudit donne comme principales sources scripturaires, entre autres, le Sūtra de l’éclat doré 金光明經 et le Sūtra du Lotus. Si la graphie du Lotus est plutôt 優曇花 que 優曇華, la différence ne paraît pas pertinente ici, puisque, sans craindre la redondance, le Préfet monacal utilise les deux caractères réunis dans la locution udonge no hana. Le Sūtra du Lotus mentionne l’udumbara sous la forme udonge à propos des hommes exceptionnels ; ainsi au chapitre II sur « Les expédients salvifiques » : « Quelqu’un capable d’écouter cette Loi, de telles gens sont difficiles à trouver. Comparés à la fleur du figuier sauvage, qui fait les délices de tous, rare chez les dieux et les hommes, n’apparaissant qu’une fois de temps en temps10… », pour reprendre un peu plus loin : « Et de telles gens sont très rares, plus encore que la fleur du figuier sauvage. » Le fait que ce soient des hommes dont la rareté est comparée à la fleur donne à penser que c’est bien du Lotus que s’inspire ce poème, en transférant au Prince les qualités de l’auditeur du Sūtra.

[...] Dans le Sūtra, l’udumbara, si rare, servait de comparaison pour ceux qui accueillaient dignement le Lotus ;

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