La parabole des herbes médicinales

Béatrice, le 4 octobre 2015


L'une des dernières illustrations utilisées par Isabelle dans la parabole du Fils pauvre mettait en scène un jeune garçon torse nu sous la pluie et souriant à pleines dents.

En réalité la pluie, source d'eau de l'ensemble du monde végétal, animal et du nôtre est un élément essentiel à la vie. Pour information, un scientifique du CNRS explique qu' "[A]ujourd’hui, si l’on pouvait éroder tous les reliefs de notre planète, l’eau liquide recouvrirait toute sa surface, formant une couche de 3 kilomètres d’épaisseur, une situation très différente de celle de ses consœurs" (réf.) , les planètes autres que la nôtre ne contenant pas encore, en l'état actuel de nos connaissances, d'eau dans leur environnement. Le corps d'un adulte, lui, en contient  65%, poursuit le scientifique, "ce qui correspond à environ 45 litres d’eau pour une personne de 70 kilogrammes". (réf.) Sans eau sur Terre et dans notre organisme, la vie est par conséquent tout à fait impossible. Aspect indissociable de la théorie des cinq éléments, elle concerne également depuis les temps anciens (réf.) autant la philosophie que les contes, les mythes et légendes qui la célèbrent de par le monde.

Le Bouddha l'a donc bien compris pour utiliser cette réalité "aquatique" dans la Parabole des herbes médicinales qui fait immédiatement suite à celle du Fils pauvre. Si cette dernière rappelle entre autres que "le rapport entre le Bouddha et tous les êtres vivants est celui qui existe entre père et fils" (réf.), la parabole des Herbes médicinales introduit l'idée que tous les enseignements du Bouddha conduisent tous ses fils, les hommes, quels que soient leur nature et leurs efforts, à l'Éveil parfait sans supérieur, lequel représente la plus grande sagesse et le discernement le plus absolu ; en un mot, la bodhéité. Félicitant l'un de ses plus grands disciples réputé pour être "le premier pour la pratique des austérités" (*) d'avoir bien compris ses intentions exposées dans la parabole du Fils pauvre, le Bouddha poursuit son raisonnement en comparant l'enseignement qu'il dispense à un grand nuage qui, recouvrant de multiples paysages composés de végétaux divers tant par leur taille que par leur forme et leur nature, se déverserait en une pluie bienfaisante ; bienfaisante parce que cette eau qui tombe uniformément arrose chacun des végétaux, lesquels peuvent ainsi absorber, selon leurs besoins et à leur rythme, l'eau de cette bonne pluie.

La partie en prose est relativement courte : une quinzaine de lignes dans la traduction française racontée, comme dit plus haut, par le Bouddha qui en donne ensuite une longue explication, reprenant chacune des caractéristiques végétales pour mettre en évidence la souplesse de sa démarche capable de s'adapter à chacun, ainsi que le caractère universel de son enseignement dont l'objectif, vous le savez, est de permettre à chacun d'acquérir la même conscience et les mêmes aptitudes que les siennes. Pour réitérer cette idée succède à cette explication une longue partie en vers, qu'abordera plus en détail Isabelle, reprenant les raisons pour lesquelles les bouddhas apparaissent, ceux-ci désirant mener tous les êtres, qu'il compare à des plantes,

"à l'obtention allègre de bienfaits. Ces êtres, ayant entendu la Loi, sont soulagés pour l'existence présente et, pour l'existence suivante, renaîtront en des lieux propices, où ils recevront, selon leur voie, la félicité."(réf.)

Cette mise en scène allégorique de ces végétaux, tous différents les uns des autres, met par conséquent l'accent sur la diversité du monde végétal, diversité semblable à celle que l'on constate chez les hommes : même de vrais jumeaux (réf.) ne peuvent être totalement identiques tant sont infinies les combinaisons entre les tissus, les os, les muscles, etc., qui les constituent. Par cette sorte d'hymne au vivant, le Bouddha-nuage souhaite donc faire prendre conscience à ses auditeurs de l'universalité et de l'équanimité de son enseignement ; la pluie tombe en effet dans la parabole uniformément sur tout ce qui pousse. Comme l'écrit Ryusho Jeffus dans Lire le Sutra du Lotus (réf.), "Shakyamuni n'a jamais prêché qu'un seul Dharma, mais il l'a fait selon les capacités de ceux à qui il s'adressait. Il n'y a pas différentes pluies, il n'y a qu'une seule pluie qui se déverse d'un même nuage." En ceci aussi, explique-t-il un peu plus loin, réside l'importance du lieu et du Sangha.

Le lieu d'abord : les plantes y reçoivent toutes en même temps cette même eau de pluie ; comparativement, explique Ryusho, nous-mêmes n'avons-nous pas besoin de nous déplacer pour rechercher le Dharma bouddhique ; autrement dit, précise-t-il en s'adressant au lecteur,

"[L]'endroit où vous pratiquez est l'endroit parfait pour votre Éveil. Changer de lieu n'est pas une solution tant que vous n'avez pas décidé de changer votre vie et de développer votre potentialité de bodhéité."(réf.)

Nous révélons donc notre bodhéité là où nous sommes dans ce que nous vivons, que ce soit à notre domicile ou sur notre lieu de travail, et ce, quelles que soient les activités que nous menons.

Le Sangha ensuite qui fait partie, comme nous le savons, de l'un des Trois Trésors révérés par les bouddhistes :  commentant cet aspect, Ruysho rappelle que "dans cette parabole, toutes les plantes vivent en harmonie les unes avec les autres. Elles constituent des groupes tout en poussant selon leur nature propre."(réf.) Il encourage ainsi à ne pas négliger l'importance du groupe, un ensemble de personnes toutes différentes les unes des autres mais unies par leur foi et leur désir de mettre en pratique l'enseignement, groupe qui permettra à chaque personne qui le compose de transmettre sa compréhension du Dharma et d'encourager chacun de ses pairs grâce à l'expérience qu'il en fait.
Pour conclure, j'ajouterai que Ryusho et Niwano soulignent que chaque partie des végétaux correspond aux trois fondamentaux de notre entrainement bouddhique : la foi, la pratique et l'étude. Niwano s'exprime ainsi : "Les racines (à savoir la foi, rappelle Ryusho) (réf.) forment la plus importante partie des plantes. Sans racines elles ne peuvent pas développer de tiges (la pratique, pour Ryusho), de branches (la ténacité, selon Ryusho) ou de feuilles (la sagesse, Ryusho)."(réf.) Il ne tient donc qu'à nous d'étudier les enseignements bouddhiques pour nourrir notre pratique qui, ainsi fortifiée, favorisera la croissance savoureuse de notre foi. Quel beau programme, n'est-ce pas ?!

Retour
haut de la page