Introduction Cette missive rédigée par Nichiren Shōnin au mont Minobu est adressée à la grand-mère du Sieur Jibu dans la province de Suruga (préfecture de Shizuoka). Le manuscrit original est composé de 17 pages et se trouve au Temple Myōkakuji à Kyoto. Le gentilhomme Jibu se nomme Jibu-bō Nichii (1257-1318), un disciple de Nichiren et a été déclaré comme l'un des chūrōsō (disciples semi-aînés). Certains affirment que la grand-mère de Nichii s’appelait Nun Myōi, mais rien n’a été confirmé dans ce sens. Il est dit que Nichii, un fils de Nanjō Heishichirō, était à l'origine un prêtre de l’école Tendai et résidait au temple Shijūju-in à Kambara (préfecture de Shizuoka). Jibu-bō a été converti au bouddhisme de Nichiren par Nikkō et Nichiji. La grand-mère de Nichii avait envoyé des provisions telles que du riz poli, du riz grillé, des courges et des aubergines à Nichiren en offrande pour la cérémonie d’Ullambana. Joint à son offrande, dans une lettre, elle demandait des renseignements sur l’Ullambana. En réponse, Nichiren lui raconte l'origine de la cérémonie d’Ullambana. Pour expliquer l'origine de cette cérémonie, Nichiren introduit l'histoire de Maudgalyâyana et de sa mère, en lui expliquant que même les pouvoirs divins surnaturels, ne pouvaient pas sauver ceux qui sont passés dans le royaume des esprits affamés. Ce ne fut seulement que lorsque Maudgalyâyana atteint la bouddhéité grâce au Sūtra du Lotus, que sa mère fut sauvée du royaume des esprits affamés et devint Buddha. Sur la cérémonie d’Ullambana (jp. Urabon) 1. Le Vénérable Maudgalyayana et sa mère J'ai placé la balle de riz poli, le riz grillé, les courges et les autres mets que j’ai reçus de votre part devant l’autel du Buddha et j’ai effectué une prière en votre nom. En ce qui concerne la cérémonie d’Ullamba ; parmi les disciples du Buddha, il y avait un homme qui s’appelait le Vénérable Maudgalyayana. En comparaison de Śariputra, un autre grand disciple qui lui était connu comme le premier en sagesse, Maudgalyayana était connu comme le premier en pouvoirs surnaturels. Ils étaient comme le soleil et la lune planant ensemble au-dessus du mont Sumeru, ou les ministres placés à la gauche et à la droite attendant près du grand roi. Le père de Maudgalyayana se nommait Kissenshishi {sic} et sa mère était Moggaliya. En raison de ses actes de cruauté et d’avidité, Moggaliya lors de son décès avait été envoyée dans le monde des esprits faméliques jusqu'à ce qu'elle puisse être sauvée par son fils. C'est l'origine de la cérémonie d’Ullambana. Si l’on cherche à approfondir le sens de cette cérémonie, on s’aperçoit que Maudgalyâyana ignorait les souffrances de sa mère dans le monde des esprits affamés. Etant enfant, il avait reçu une éducation non-bouddhiste dans le Brahmanisme, et maîtrisait toutes les écritures non-bouddhistes telles que les quatre Védas et les dix-huit grands Sūtra, mais il était toujours incapable de voir où sa mère était allée après sa mort. Plus tard, à l'âge de 13 ans, Maudgalyâyana, avec Śariputra, rendit visite au Buddha Śakyamuni et devint son disciple. Il fut un sage de premier rang en éliminant les désillusions de la vue, fut promu au rang de arhat en surmontant les illusions de la pensée, et obtint les trois ou six sortes de pouvoirs supranaturels. Avec ses yeux célestes grands ouverts, Maudgalyâyana, pouvait tout voir dans les triples mille mondes (3 000 mondes) comme si tout reflétait dans un miroir sans tache. Il était capable de voir partout sur la grande terre et dans les trois domaines des démons. C'était comme si l’on cherche à voir le poisson sous l'eau à travers la glace qui brille dans le soleil du matin. C'est alors qu'il vit sa mère dans le monde des esprits affamés. Sans rien à manger ni à boire, sa mère était émaciée et sa peau ressemblait à un faisan dont les plumes avaient été arrachées, et ses os étaient usés à un point tel qu'ils ressemblaient à des lignes de pierres rondes. Sa tête sans cheveux ressemblait à une balle, son cou était mince comme un fil, et son estomac était aussi gonflé que l'océan. Son apparence, comme elle pria en ouvrant grand la bouche et en pressant ses paumes, ressemblait à une sangsue flairant l'odeur des êtres humains. Comment il était déchirant pour Maudgalyâyana de voir sa propre mère souffrir de la faim et de soif et les larmes lui venaient aux yeux! Devant sa mère, sa tristesse était indescriptible. Dans le passé Prêtre Shunkan, le gestionnaire du Temple Hōshōji à Kyoto fut banni à l'île d’Yuōjiùa. Lorsqu’un ancien domestique du prêtre lui rendit visite, Shunkan était nu, décharné et ses cheveux était suffisamment longs pour couvrir l'arrière de son cou. Il s’était rendu à la plage pour se reposer et des morceaux d'algues étaient noués autour de sa taille. Avisant un poisson, il le saisit avec la main droite et planta ses dents dedans. Qui se sentait le plus désolé, l'ancien domestique de Shunkan qui vit la misère de son ancien maitre en exil ou le Vénérable Maudgalyâyana qui vit sa mère dans le monde des esprits affamés? Je crois que la douleur du Vénérable Maudgalyâyana était plus affligeante que celle de l'ancien serviteur de Shukan. Maudgalyâyana se sentit tellement désolé pour sa mère qu'il fit usage de ses pouvoirs surnaturels pour lui faire parvenir un repas. Sa mère saisit le repas avec plaisir de sa main droite et le porta à sa bouche tout en le couvrant avec la main gauche. A ce moment, le repas fut transformé en feu brulant avec de longues flammes, comme si des mèches avaient été mises ensemble pour construire un incendie, occasionnant à sa mère des brûlures partout. Choqué de voir cela, Maudgalyâyana utilisa rapidement ses pouvoirs supranaturels pour lui verser de d'eau. Cependant l'eau fut changée en bois de chauffage, ce qui provoqua encore plus de brûlures à sa mère. C'était une scène horrible! Réalisant que ses propres pouvoirs supranaturels ne suffisaient pas pour sauver sa propre mère, Maudgalyâyana se hâta pour rencontrer le Buddha et s'écria :
Le Buddha lui répondit que les offenses de sa mère étaient trop graves pour qu’il puisse seul la sauver. Peu importe le nombre de personnes qu’il y ait, les pouvoirs de ceux-ci comme les êtres célestes, les dieux, les démons terrestres, les non-bouddhistes, les prêtres taoïstes, les Quatre Rois Célestes, Indra et le roi Brahma ne pourraient pas la sauver. Tu peux seulement sauver ta mère de la souffrance en rassemblant des prêtres sages dans tous les mondes à travers l'univers au 15ème jour du 7ème mois et tu les invites à un festin. Ainsi Maudgalyâyana organisa une fête selon les instructions du Buddha et sa mère put échapper aux souffrances dans le monde des esprits affamés durant un kalpa (éon). C’est ce qui est enseigné dans le Sūtra d’Ullambana. Se conformant à ceci, les gens des derniers jours du Dharma, la période dégénérée après la disparition du Buddha, observent la cérémonie d’Ullambana chaque année le 15ème jour du 7ème mois. Aujourd'hui, il s'agit d'une pratique courante reconnue comme un événement annuel. 2. Vénérable Maudgalyảyana et le Sūtra du Lotus Quand, moi, Nichiren, considère Maudgalyâyana qui était un homme du domaine de şrảvaka parmi les dix domaines des êtres vivants, qui observait les 250 préceptes aussi fermement qu’une pierre dure, se maintenant de 3000 manières solennelles aussi parfaitement que la pleine lune la nuit du quinzième jour (du mois lunaire). Sa sagesse était aussi vaste et profonde que le soleil, et ses pouvoirs surnaturels étaient tels qu'il pouvait faire le tour du Mont Sumeru quatorze fois et secouer cette grande montagne. C'était un homme tellement saint mais cependant il était incapable de rembourser une dette de gratitude pour sa mère à qui il devait beaucoup. Quand il essaya de rembourser sa dette de reconnaissance par tous les moyens, au lieu d'alléger ses souffrances sévères, il ne fit que les amplifier. Comparés à Maudgalyayana, ces prêtres d’aujourd'hui qui prétendent observer les 250 préceptes ne le font seulement qu’en paroles. Sous prétexte de les observer, ils trompent les gens, mais ils ne le font pas du tout pour avoir des pouvoirs surnaturels. Ils sont comme un énorme rocher qui essaye de voler dans ciel. Leur sagesse est équivalente à une vache ou un mouton. Même si un millier ou dix mille de ces personnes se réunissent, comment peuvent-ils apporter un soulagement même à un seul des parents qui souffre? En dernière analyse, il s’avère que la raison pour laquelle Maudgalyayana ne pouvait pas sauver sa mère de la souffrance, c'est qu'il était un croyant du bouddhisme Hinayana et qu’il en observait les préceptes. En conséquence, il est enseigné dans le Sūtra de Vimalakîrti qu'un homme nommé Vimalakîrti critiqua Maudgalyâyana en disant :
Cette déclaration scripturale signifie que ceux qui vénèrent et font des offrandes à Maudgalyâyana, défenseur des 250 préceptes, tomberont dans les trois mondes maléfiques. Cela s’applique non seulement à Maudgalyâyana mais aussi à tous les disciples şravảka et croyants des préceptes du Hinayana à l'époque dégénérée des Derniers jours du Dharma. Comparé au Sūtra du Lotus, le Sūtra Vimalakîrti se tient une bonne vingtaine de degrés en dessous. Après tout, c’est parce que Maudgalyayana n’était pas encore devenu un Buddha. Ainsi sans être un Buddha lui-même, comment pouvait-il sauver ses propres parents, encore moins d'autres personnes? Néanmoins, en adhérant au Sūtra du Lotus, qui enjoint aux croyants d'abandonner les enseignements provisoires, Maudgalyâyana immédiatement rejeta les 250 préceptes du Hinayana et scanda Namu Myō Rengué kyō et devint le Buddha appelé Fragrance de bois de santal (Tamāla-patra-candana-gandha). C'est à ce moment que ses parents, aussi, sont devenus Buddha. Par conséquent, il est indiqué dans le Sūtra du Lotus :
Maudgalyâyana a hérité son corps et son esprit de ses parents. Lorsque l’entité que constitue son corps et son esprit deviennent Buddha, celle de ses parents atteint aussi la bouddhéité. 3. La chute du clan Taira En utilisant un autre exemple, sous le règne de l'empereur Antoku, le premier des quatre-vingt-souverains du Japon, vivait un homme appelé Kiyomori, le gouverneur de la province d’Aki qui était à la tête du clan Taira. Il gagna plusieurs guerres contre les ennemis du gouvernement impérial; ainsi Kiyomori monta en grade, devenant ainsi le Premier ministre, le rang le plus élevé parmi les fonctionnaires impériaux. L'empereur régnant avait un petit-fils et tous les membres de son clan occupaient les plus hauts échelons de la noblesse et de la bureaucratie. Ils monopolisaient le pouvoir sur 66 provinces et sur les deux îles et dominaient tous les habitants du Japon comme un vent trop violent couche les plantes. En conséquence, ils devinrent arrogants et adoptèrent un comportement hautain et jusqu'à la fin, ils offensèrent les dieux et les Buddha en essayèrent de contrôler les prêtres shintoïstes et bouddhistes. Finalement, ils devinrent les ennemis du Mont Hiei et des sept grands temples de Nara, et brûlèrent les temples Tōdaiji et Kofukuji parmi les sept temples le 22ème jour du 12ème mois dans la 4ème année de l’ère de Jishō (1180). Cette grave offense toucha ainsi le prêtre séculier Kiyomori qui, le 4ème du 2ème mois de l'année suivante, la première année de l’ère de Yowa, décéda d'une fièvre élevée avec le corps bouillant comme la combustion du charbon et du sang dans les flammes. Héritant de cette grave offense, Munémori, le deuxième fils de Kiyomori, faillit se noyer dans la mer de l'Ouest, puis fut capturé et envoyé à Kamakura à l'Est et considéré comme un prisonnier de guerre par le général de droit Minamoto Yoritomo. Le troisième fils Tomomori se noya dans la mer et devint un excrément de poisson, tandis que le quatrième fils Shigehira, fut lié avec une corde, envoyé de Kyoto à Kamakura, puis à Nara, où il avait détruit les sept grands temples. Il fut haché en pièces par des dévots bouddhistes, au nombre de cent mille, comme l'ennemi de leur Buddha. Le plus grand mal survient non seulement à celui qui a commis l'offense, mais aussi à ses enfants, ses petits-enfants et toute la lignée sur sept générations. Il en est de même pour le plus vertueux des vertueux. La grande vertu du Vénérable Maudgalyâyana, en ayant foi dans le Sūtra du Lotus lui permit non seulement de devenir Buddha, mais aussi ses parents. De plus les ascendants et descendants pendant sept générations, ainsi que tous les ascendants et descendants dans des générations illimitées sont devenus Buddha de façon inattendue. De surcroit, les fils, les maris et les épouses, leurs serviteurs, les dévots et un nombre incalculable de personnes se sont non seulement libérés du monde des trois royaumes maléfiques mais aussi sont tous entrés dans le rang de shojū, et finalement ont atteint l’état de Buddha. Par conséquent, il est enseigné dans le Sūtra du Lotus, chapitre V (la Parabole de la ville magique) :
4. L’assurance donnée à la grand-mère de devenir Buddha En considérant la réalisation de la bouddhéité par le Vénérable Maudgalyâyana et par sa mère, tu as un petit-fils, le gentilhomme Jibu, qui est un prêtre bouddhiste. Ce prêtre n'est ni un défenseur des préceptes ni particulièrement riche en sagesse. Il n’observe même pas un des 250 préceptes ni ne maintient l'une des 3000 règles solennelles de conduite. Sa sagesse est équivalente à celle d’un cheval ou d’une vache alors que sa dignité est celle d’un singe. Néanmoins, ce qu'il vénère est le Buddha Śakyamuni et il a porté sa foi dans le Sūtra du Lotus. C'est comme un serpent tenant un joyau ou un dragon tenant avec gratitude les reliques du Buddha dans le corps du Dharma. Un pied de glycines peut monter au dessus d’une vallée profonde en s'accrochant à un pin, une grue peut voler sur la distance de 10 000 li en s'appuyant sur ses ailes. Ceci, ils ne l’accomplissent pas de par leur propre force. C'est la même chose avec le gentilhomme Jibu. Il est semblable à un pied de glycines, mais il sera en mesure de s’élever au plus haut rang de l’illumination en s’accrochant sur le pin qu’est le Sūtra du Lotus. Il pourra voler dans le ciel de la lumière tranquille en s’appuyant sur les ailes du véhicule unique de l'enseignement du Sūtra du Lotus. C'est un prêtre bouddhiste qui peut faire usage de sa paire d'ailes afin de prier pour le repos de ses parents, de ses grands-pères, de ses grands-mères et de tous les descendants pour sept générations. Tu es la dame qui possède un tel précieux trésor, n'est-ce pas? Une jeune fille dragon offrit un bijou précieux au Buddha et ainsi devint Buddha. Tu as élevé ton petit-fils comme un pratiquant du Sūtra du Lotus, ce qui te mènera à l’état de Buddha. Il y a diverses questions qui me tiennent occupé mais je ne peux pas parler en détail pour le moment. Je t’écrirai de nouveau. Respectueusement. |