Un ascète demanda un jour au Bouddha : « Suis-je la cause de la souffrance ou est-ce quelqu’un d’autre ? Est-ce la combinaison de nos propres actions avec celles de quelqu’un d’autre, ou bien la souffrance survient-elle indépendamment de nos propres actions ou de celles des autres ? »

Comprenons ainsi cette question : la personne à l’origine d’une cause est-elle la même personne qui en éprouvera un jour l’effet, et peut-être même dans une autre vie, ou bien la personne qui expérimente et vit l’effet de cette cause deviendra-t-elle entre temps une tout autre personne ? Ou la personne qui agit et celle qui expérimente sont-elles une seule et même personne ou bien deux personnes différentes ? Ou n’existe-t-il aucune causalité ? Il s’avère que le Bouddha rejeta l’ensemble de ces quatre options.

La première d’entre elles est d’embrasser l’approche éternaliste* car celui qui crée la cause, qui agit, est le même en tout point de celui qui, plus tard, souffrira de la conséquence, de l’effet de cette cause : une telle vision suppose un soi éternel fixe, immuable. La seconde s’appuie sur une théorie annihilationniste*, car celui qui crée la cause sera différent en tout point de celui qui souffrira plus tard de la conséquence, de l’effet de cette cause : une telle vision suppose que celui qui est à l’origine d’une cause est détruit, annihilé et remplacé par quelqu’un d’autre. La troisième option s’appuie sur la vision que l’auteur de la cause sera exactement le même et parfaitement différent de celui qui souffrira ensuite : un point de vue manquant donc de cohérence. La quatrième option suppose qu’il n’existe aucune relation entre celui qui crée une cause et celui qui souffre de ses conséquences.

Le Bouddha rejeta toutes ces options et enseigna la Voie du milieu de la production conditionnée : plutôt que de spéculer sur l’idée de l’existence ou de la non-existence d’un soi substantiel qui peut être exactement le même ou radicalement différent d’un instant à l’autre, ou d’une vie à l’autre, il est bien plus important de saisir, de comprendre l’origine interdépendante du cycle de la souffrance, de sorte que quiconque puisse y mettre un terme et parvenir à la libération.

Notons maintenant certains points relatifs à ce discours. Le premier : en termes d’origine interdépendante, l’activité karmique n’existe pas comme une forme d’énergie ou de force extérieure aux actions d’un être, de même qu’on ne peut considérer un être comme une entité distincte de ses actes et des conséquences de ses actes. Le Bouddha affirma que la véritable nature de la constante interdépendance du devenir de notre existence, la véritable nature de notre corps et de notre esprit, est d’instant en instant et de vie en vie conditionnée par notre activité karmique. Comme le Bouddha le dit à un étudiant brahmane : « Étudiant, les êtres sont les propriétaires et les héritiers de leurs actes. Ils sont issus de leurs actes, reliés à leurs actes, ont leurs actes pour refuge. C’est l’acte qui distingue les êtres comme étant inférieurs ou supérieurs. »

En une autre occasion, le Bouddha enseigna que notre corps et notre esprit sont eux-mêmes le fruit, le résultat actuel d’un karma ancien, mais que par chacune de nos actions, par chaque parole et chaque pensée que nous générons, nous créons un nouveau karma. Nous ne sommes donc pas un « soi » substantiel ou un être détaché des causes que nous créons, ni ne sommes détachés des effets de ces causes. Nous ne sommes rien en dehors de ce courant causal. En termes de discours conventionnel, nous pouvons dire que nous sommes des êtres contingents dont les choix personnels contribuent le plus directement qui soit à caractériser notre tendance karmique, le courant causal des causes et effets que nous créons. Chaque cause que nous créons perpétue nos vieux modèles, ou en établit de nouveaux qui, en se réalisant, changeront le caractère de notre corps, de notre pensée et de notre environnement.

Le second aspect que ce discours soulève concerne la question de savoir si c’est nous qui provoquons la souffrance ou si c’est quelqu’un d’autre, autrement dit de savoir si le Bouddha cautionne des concepts métaphysiques. De telles questions furent posées plusieurs fois au Bouddha : le monde est-il éternel ou non ? Le monde est-il fini ou non ? L’âme est-elle de même nature que le corps, ou âme et corps sont-ils distincts ? Et comme déjà mentionné : un bouddha existe-t-il ou non après sa mort ? Ou est-il vivant et mort à la fois ? Ou ni l’une ni l’autre de ces variantes ? Le Bouddha rejetait ce genre de spéculations les qualifiant d’enchevêtrement de ronces dans une futaie d’opinions. Il déclara qu’elles ne faisaient que distraire et écarter ses auditeurs de ce qu’il avait à leur enseigner : les Quatre nobles vérités et leur application pratique, à savoir comprendre l’omniprésence de la souffrance, déraciner les causes de la souffrance, réaliser que toute souffrance cesse et cultiver la voie jusqu’à ce qu’elle cesse.

S’adonner à des spéculations métaphysiques plutôt que de mettre en pratique les Quatre nobles vérités relève de la comparaison suivante : blessé par une flèche empoisonnée, un homme sur un champ de bataille ne laisse pas le médecin la lui enlever et traiter sa blessure tant qu’il ne sait pas qui l’a décochée, ne connait pas l’arc utilisé, le bois et les plumes qui décorent la flèche, et ainsi de suite. Les spéculations métaphysiques mènent également à rester attaché à de telles conceptions ou vues, puis à en débattre. Le Bouddha compara ceux qui débattent de questions métaphysiques à des aveugles se demandant ce qu’est finalement un éléphant, chacun n’ayant senti ou touché qu’une seule des parties de l’animal. L’aveugle ayant touché une défense dira que l’éléphant est comparable à une charrue ; celui qui touche les poils de sa queue dira que c’est un balai, etc.

Le Bouddha déclara que le Dharma lui-même devait être correctement manié de sorte qu’il ne nuise à personne, de la même façon que la langue d’un serpent sait frapper un autre serpent sans en souffrir lui-même. Il déclara également que le Dharma est comparable à une embarcation qui devrait être remisée après avoir rempli sa fonction et permis à quelqu’un de traverser une rivière. Ne pas être attaché, même au Dharma : voilà l’important. Cependant, quiconque devrait surmonter l’attachement au « soi » et toute vue spéculative le concernant, y compris celle qu’il n’existe pas de « soi ».

Pour résumer, le bouddha Shakyamuni utilisa l’enseignement du « non-soi » pour libérer les hommes de leurs vues égocentrées et de leurs désirs perpétuant la souffrance. Ce que nous concevons comme étant un « soi » est [en réalité] le résultat d’une interaction entre les Cinq agrégats se manifestant dans le cadre de la Production conditionnée. Tout ce que celle-ci manifeste est pourtant de nature impermanente, incapable de procurer un bonheur durable ou un socle à un « soi » atemporel, éternel, indépendant et stable. Tel que l’explique un chapitre précédent, le Bouddha enseigna la production conditionnée en tant que Voie du milieu entre visions extrêmes : d’une part, celles-ci affirmaient qu’il existe un « soi » substantiel inapte au changement alors que d’autre part, elles niaient l’existence même d’un « soi » temporaire, d’un « soi » dont l’apparence est sujette au changement.

La vue juste dont parlent les enseignements bouddhiques ne correspond pas au fait d’avoir une quelconque opinion métaphysique ou une conception sur l’existence ou la non-existence d’un « soi ». La vue juste correspond au fait de suivre la Voie du milieu en s’éveillant à la façon dont fonctionne la production conditionnée ; et c’est précisément cet éveil qui permettra de se libérer de la souffrance. Selon le bouddhisme de Nichiren, nous ne récitons pas Odaimoku, ou Daimoku, pour corroborer ou nier quelque concept métaphysique ou doctrine concernant ce qui peut, ou non, exister ; nous récitons ce titre pour dépasser, voire transcender nos préoccupations narcissiques engendrées par les Trois poisons, pour nous éveiller aux causes et conditions qui font que notre vie actuelle est ce qu’elle est, et faire jaillir en notre for intérieur la grande sagesse lumineuse de la bodhéité qui comprend toute chose, et opte pour l’action juste en accord avec la Voie du milieu.

Les Deux Vérités qu’expose l’Abhidharma

Selon les enseignements de l'Abhidharma, tels qu'ils sont résumés dans des ouvrages comme Le Trésor d'Abhidharma, le texte initial de l’école du Trésor de l’Abhidharma, la vérité conventionnelle s’applique aux êtres, aux objets ou idées qui, après analyse, se révèlent n'être rien d'autre que des combinaisons d'autres entités ou des ensembles de relations ou de concepts. La Vérité ultime, en revanche, résiste à toute analyse : elle s’applique aux ensembles et interactions entre phénomènes simples, insécables, ayant une existence effective formant les éléments constitutifs de l'expérience vécue au quotidien. Il existe un nombre fixe de ces phénomènes distincts, ou dharmas [avec minuscule], chacun possédant sa propre marque ou caractéristique unique.

Les écoles abhidharmiques ont différentes façons d'énumérer et de classer ces dharmas effectifs. En termes de vérité conventionnelle, nous pouvons parler d'une cruche d'eau, mais la Vérité ultime est qu'une cruche et l'eau qu'elle contient peuvent toutes deux être réduites en différents atomes ou en phénomènes tels que la forme, la couleur et la texture. Le but de ce type d'analyse est de découvrir ce qui est ultimement vrai et ce qui ne l'est que par convention, ce qui est conditionné et ce qui ne l’est pas, afin de surmonter les défilements ou pensées adventices, et d’obtenir la libération en réalisant que le « soi » et les objets d'attachement potentiels ne sont que des associations impermanentes de phénomènes physiques et mentaux apparaissant et disparaissant conformément à la loi de cause à effet.

Dans l'analyse qu’en fait l'Abhidharma, les phénomènes que l’on croit exister en termes de vérité ultime sont en réalité des dharmas conditionnés ou inconditionnés. Un dharma inconditionné ne dépend pas de causes et de conditions pour exister, et ne peut non plus être détruit ou modifié. Le système des soixante-quinze dharmas extraits du Trésor de l’Abhidharma présente trois dharmas inconditionnés, dont l’un est l’espace.

L’espace d’une pièce peut bien sûr être obstrué ou rempli d’objets, mais bien qu’une pièce puisse être obstruée et remplie d’objets, l’espace de cette pièce reste le même. Un autre dharma inconditionné, « la cessation non analytique », décrit une situation dans laquelle un dharma ne peut se manifester parce que les causes qui lui permettraient de réapparaître sont insuffisantes. Par exemple, si une personne voulant observer une étoile filante ne regardait pas dans la bonne direction à ce moment-là, les causes et conditions de son observation ne seraient réunies ni pour qu’elle la voie ni pour qu’elle ait même la chance de la voir, parce que cette seule et unique opportunité lui aura échappé.

Enfin, il existe « la cessation analytique », à savoir la destruction des idées adventices, des défilements, résultat atteint par la méditation contemplative telle qu’elle est pratiquée par les bouddhistes. La cessation analytique est une autre façon de parler de l’atteinte du nirvana. Il pourrait sembler là que la méditation contemplative étant la cause, la cessation analytique soit l’effet de cette cause qui en ferait alors un phénomène déterminé par des causes et des conditions. Qu’elle soit non analytique ou analytique, l’Abhidharma ne considère néanmoins pas la cessation comme un effet, mais la pense comme ce qu’il reste une fois causes et conditions transformées : ainsi, certains dharmas conditionnés ne se reproduiront jamais plus. De la même façon que l’espace d’une pièce n’entrave pas les objets qu’il contient et conserve la même taille en l’absence d’objets, le nirvana demeure lui aussi inchangé quels que soient les défilements, et demeure tel quel, inchangé, quand il n’y a plus de défilements, aucun d’eux ne réapparaissant jamais plus.

Les soixante-douze dharmas conditionnés du Trésor de l’école Abhidharma incluent l’agrégat de la forme, lequel comprend onze dharmas qui représentent différents types de formes physiques ; une catégorie de quarante-six dharmas, appelés occurrents ou concomitants mentaux, qui accompagnent la conscience dans laquelle se trouvent les agrégats de la sensation et de la perception ainsi que l’agrégat des formations mentales, lui-même composé de quarante-quatre dharmas ; et l’agrégat de la conscience. Enfin, il existe aussi quatorze dharmas appelés « formations conditionnées non occurrentes, de la conscience », lesquelles représentent différents processus, relations et fonctions physiques et mentales. Tous sont considérés comme des dharmas qui existent effectivement et peuvent être indument identifiés à un « soi » ou à ce qui pourrait appartenir à un « soi », tous étant marqués du sceau de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi.

Les dharmas comprenant l’agrégat de la forme physique incluent non seulement les formes (c’est-à-dire formes et couleurs), mais aussi les sons, les odeurs, les goûts, les objets tangibles ainsi que les cinq facultés sensorielles : vue, ouïe, odorat, goût et toucher. Il existe aussi un dharma de la forme, appelé « forme non manifestée » faisant référence à ce qui peut être la mémoire corporelle et des effets physiques intériorisés qu’ont provoqués des intentions et réactions mentales. Bien qu’on ait pu les oublier, elles ne se manifesteront pas immédiatement.* Certains systèmes abhidharmiques incluent également les quatre éléments que sont la terre, l'air, le feu et l'eau, lesquels représentent les qualités de solidité, mobilité, chaleur et fluidité.*

Comme mentionné ci-dessus, les agrégats de la sensation, de la perception et des formations mentales sont tous considérés comme des occurrents mentaux, des dharmas qui accompagnent la conscience.* Les pratiquants bouddhistes doivent être particulièrement attentifs aux qualités morales et à la nature éphémère de tels occurrents qui sont tous des phénomènes cognitifs et affectifs discrets* apparaissant en même temps que la conscience lorsqu'une faculté sensorielle rencontre l'objet approprié, comme la faculté oculaire rencontrant une forme, ou la faculté mentale - un objet mental.

S'il y a conscience d'un objet physique ou mental se produiront certainement les facteurs mentaux tels que le contact, l’expression d’un sentiment (que ce soit le plaisir, le déplaisir ou l’indifférence) en réaction à cet objet ; la perception de ce que semble être l’identité de cet objet ; l'attention portée à celui-ci ainsi que l’expression d’une volonté ou d’une intention positive ou saine, négative ou malsaine, ou bien neutre envers lui. D'autres facteurs mentaux tels que savoir discerner avec exactitude l’identité dudit objet, savoir le déterminer selon son sens des valeurs ou ses opinions personnelles ou savoir adopter une attitude à son égard, désirer l'objet de la conscience mise en jeu, savoir maintenir une attention continue envers lui et une concentration aigue pourront également se manifester.*

Si le moment de conscience est sain et positif, les facteurs mentaux de la foi, de la vigilance, de la sérénité, de l'équanimité, de la conscience morale (souci d’intégrité), de la crainte morale (souci de réputation d’un sage par crainte de mal agir), de la non avidité, de la non haine, de la non-violence et de l'énergie ou du zèle pour ce qui est salutaire, ne manqueront pas de se manifester également.*

Les pensées adventices, les défilements des états mentaux sont ceux qui perpétuent le cycle vie-mort au sein des Six destinées*. Les facteurs mentaux suivants accompagnent tous ces états : l’illusion (ou l’ignorance), l'insouciance, l'indolence envers ce qui est sain, le manque de foi, l’indifférence envers ce qui est sain, l'agitation.* Ces mêmes états négatifs ou malsains seront certainement accompagnés d’un manque de scrupule et de préoccupation concernant le souci de réputation d’un sage.*

Il existe aussi divers défilements mineurs ou pensées adventices dont il est bon d’être conscient tels que la colère, la dissimulation, l'avarice, la jalousie, l’agacement, la violence, l'inimitié, l’hypocrisie, la prétention et l'arrogance.* Peuvent également survenir une ou plusieurs pensées adventices, voire souillures fondamentales que sont l'attachement (avidité), l'aversion (haine), l'orgueil (égoïsme), le doute débilitant qui sape la pratique spirituelle.*

Enfin, il existe des facteurs mentaux tels que la somnolence, le remords, la pensée (le fait de penser à quelque chose) et la réflexion analytique (le fait de penser quelque chose de quelque chose) qui, selon les circonstances, peuvent être sains ou malsains. En prenant conscience de ces divers phénomènes mentaux, le pratiquant peut discerner ceux qui sont sains et doivent être cultivés de ceux qui sont malsains et doivent être éliminés. En fin de compte, le pratiquant réalisera que ces phénomènes mentaux sont encore plus impermanents que les états corporels, car ils apparaissent et disparaissent en fonction de causes et de conditions changeantes et peuvent donc tous être qualifiés de « non-soi ». Cela met ainsi à mal l'idée communément admise disant que même si le corps est impermanent, l'aspect mental de la vie, souvent appelé esprit ou âme, est une essence simple, éternelle et immuable.

L’agrégat de la conscience, ou de la pensée, compte pour être un seul et unique dharma : il s’agit d’une conscience dénudée de tout objet, physique ou mental, nous ayant permis de parvenir à la conscientisation. C’est en effet la pensée qui détient et transmet les modèles karmiques, qu’ils soient sains et positifs ou malsains et négatifs. Bien que la conscience soit considérée comme un seul dharma, chaque moment de conscience se manifeste lorsqu’il rencontre l’un des cinq sens (une fonction psychophysiologique particulière) et son objet respectif, raison pour laquelle on dit qu’il existe six sortes de conscience : il en existe une pour chaque fonction physique et une pour la pensée elle-même comme fonction psychologique immatérielle dont les objets sont les pensées, les idées, les images mentales, les souvenirs et les sentiments.

On dénombre également des dharmas immatériels, appelés « formations conditionnées non occurrentes de la conscience », qui affectent les dharmas physiques et mentaux tout en agissant les uns sur les autres, bien que n’étant pas eux-mêmes conscience ou occurrents mentaux. Ils incluent des faits ou des événements comme la naissance (ou l’apparition), la fermeté constante, le vieillissement (ou la décrépitude), l'impermanence, la force vitale, les noms, les phrases, les syllabes, l'acquisition, la non acquisition, la similitude, la non perception, la réalisation méditative de la non perception, la réalisation méditative de la cessation.* Tous ces aspects ne sont bien sûr rien d'autre que des abstractions se fondant sur des processus plus concrets : quelqu'un a-t-il par exemple déjà fait l'expérience directe du vieillissement en tant que chose en soi plutôt qu’ensemble de signes particularisant le vieillissement comme perdre ses cheveux ou avoir des rhumatismes ? Ce groupe de dharmas rend cependant compte des forces ou des processus qui agissent sur les agrégats, mais qui ne sont eux-mêmes pas classables en forme, sensation-perception, formations mentales ou conscience.

Tel que le mentionne le Traité sur le trésor de l’Abhidharma, l'école indienne [pré-mahayana] Tout Existe (Sarvāstivāda) enseignait que ces dharmas conditionnés existaient de tout temps mais ne se manifestaient à un moment donné que si les causes et conditions appropriées étaient présentes. De fait, la loi de cause-effet décrit la façon dont les dharmas conditionnés se manifestent et cessent de se manifester selon que se manifestent ou non d’autres dharmas conditionnés. Les dharmas qui se manifestent momentanément sont comme les images d’un film faisant partie de la bobine d’un film préalablement vu mais dont chaque image n’est vue qu’une fraction de seconde au moment de sa projection. Ainsi, bien qu’aucun dharma n’existe jamais plus d’une fraction de seconde, les phénomènes semblent exister pendant divers laps de temps lorsque causes et conditions restent relativement les mêmes pendant un certain temps, de sorte que des dharmas similaires peuvent se manifester dans un flux continu. Cette situation serait semblable à celle d’une personne qui, en regardant un film, verrait continuellement des images stables alors qu’elles sont projetées à raison de soixante par seconde.

Les Adeptes des sutras (Sautrāntika), une école dissidente dont les vues/conceptions font aussi partie du Trésor de l’Abhidharma, croyaient que l’on ne devait pas accorder à l’Abhidharma autant d’importance qu’aux sutras. Cette école s’opposait à l'école Tout Existe (Sarvāstivāda) en proclamant que les dharmas n'existent qu’un bref instant lorsque causes et conditions appropriées sont réunies. Par analogie, on pourrait dire que la musicalité des notes d’une partition pour piano n’est perceptible que si les touches de l’instrument sont correctement effleurées.

Qu’ils se manifestent en un bref instant ou à la vitesse d’un éclair dans le cadre d’une existence temporaire, l’Abhidharma enseigne que les dharmas conditionnés ne peuvent apparaitre qu’en fonction de causes et de conditions. Nous avons déjà évoqué dans les chapitres précédents la façon dont s’exprime en général la loi de cause-effet, mais nous commencerons ici à explorer plus profondément le travail précis de cette loi tel que le systématise l’Abhidharma. Ce traité spécifie qu’il existe six causes et quatre conditions, toutes capables de produire cinq types d’effets.

Les six causes regroupent les causes efficientes, les causes coexistantes, homogènes, conjointes, omniprésentes ainsi que les causes rétributives.

Les causes efficientes sont toutes des dharmas qui contribuent, directement ou indirectement, à l’apparition d’un dharma. Ainsi, s'il y a par exemple un dharma de la forme (forme et couleur) et un dharma de la faculté oculaire à proximité, ceux-ci fournissent les causes efficientes les plus appropriées, directes et immédiates pour que se manifeste la conscience des yeux. Néanmoins, tous les autres dharmas existant dans l’univers sont aussi à ce moment-là des causes efficientes, même si leur seule contribution est de ne pas entraver à cet instant précis l’apparition de la conscience des yeux. Les cinq autres types de causes sont en fait les sous-types d’une cause efficiente. Il s’ensuit que la manifestation d’un dharma ne provient jamais d’une seule cause mais plutôt que tous les dharmas sont impliqués de diverses manières dans la production de chaque dharma particulier et de tous les autres dharmas. En bref, d’une façon ou d’une autre, toute chose dépend et fait en même temps partie de toutes les autres.

Des causes coexistant sont des dharmas qui se manifestent mutuellement, tels que la conscience et les occurrents mentaux, ou bien ces causes sont elles-mêmes un dharma en soi ayant un signe caractéristique. Par exemple, un dharma temporaire, momentané de la conscience visuelle se manifestera toujours en même temps que les dharmas du contact [physique], de la sensation, de la perception, de la volition et de l’attention devant un objet visuel. Un dharma et ses caractéristiques coexistent également dans tout dharma car, pour être un dharma, il faut avoir une marque distinctive : aucune marque n’existe en effet en dehors du dharma le distinguant. Gardant cela en mémoire, nous devrions considérer qu’une attitude indulgente, manquant d’attention envers une seule pensée mentale négative, voire malsaine – un dharma mental négatif, voire malsain - soutiendra ces autres dharmas qui ne manqueront de se manifester également : illusion, indolence et manque de foi dans sa propre pratique. A contrario, cultiver un dharma mental positif et sain d’esprit, attentif, soutiendra un état d’esprit serein, équanime et confiant en sa pratique.

Les causes homogènes sont des dharmas qui laisseront se manifester des effets plus tard, effets qui sont semblables au niveau de leurs qualités tant physiques que morales. Des exemples en seraient qu’une graine de pomme produira une pomme ; que des causes positives et saines produiront des effets positifs et sains ; des causes négatives et malsaines – des effets négatifs et malsains, et que cultiver sa pratique bouddhique produira sagesse et mérite correspondants. Tenir compte de cet aspect devrait nous aider à être pleinement conscient de la nature de nos habitudes et de nos attitudes, car leurs effets nous reviendront un jour ou l’autre dans nos relations et notre environnement.

Les causes conjointes sont des dharmas se manifestant au même moment, se focalisant sur le même objet. Cela fait avant tout référence à un instant de conscience et ses occurrents mentaux sont également des causes coexistant les unes pour les autres en termes de focalisation partagée sur un objet particulier. Cela signifie qu’il ne suffit pas d’être simplement éveillé à un objet : l’expérience consciente de chaque objet implique aussi d’éprouver envers lui un sentiment particulier (même s’il ne s’agit que de l’indifférence) ; une perception liée aux expériences vécues avec les mêmes objets ou des objets similaires ; une attention particulière à son égard et envers d’autres facteurs mentaux. Nous devrions réaliser que toute expérience consciente est le résultat de processus mentaux complexes, processus dont nous pouvons être pleinement conscients et que nous pouvons cultiver de sorte qu’ils agissent de façon plus saine et libératrice.

Les causes omniprésentes font partie d’un sous-groupe de causes homogènes se référant plus particulièrement aux facteurs mentaux qui accompagnent tous les défilements ou pensées adventices, produisant ainsi de futurs défilements. Cela signifie que nous devrions toujours être sur le qui-vive envers les dharmas de l’illusion, de l’inattention, de l’indolence, du manque de foi, de l’ennui et de l’agitation d’esprit. Dès que l’un d’entre eux est présent, les autres le seront aussi ; et dès lors qu’ils sont présents, ils ne sont plus que des pensées adventices, dharmas mentaux souillés, qui œuvrent négativement pour perpétuer la souffrance et nous inciter à demeurer dans les six destinées*.

Les causes rétributives sont des dharmas qui mûriront enfin comme effets au sein des six destinées*. Elles font spécifiquement référence aux causes négatives et, généralement, aux causes positives qui sont les unes les autres encore empreintes d’illusion. Ces types de causes maintiennent les êtres sensibles à l’intérieur des six destinées*. Ceci nous enseigne que nous ne devrions pas faire qu’éviter les causes négatives : les causes positives ont également besoin d’être unifiées dans une sagesse qui tranche les racines de l’illusion.

Les cinq sortes d’effets produits par les six causes forment des effets prédominants, des effets d’actions personnelles, des effets répétés, des effets rétributifs et des effets de séparation. Les effets prédominants sont produits par des causes efficientes, dénomination la plus généralement employée pour tout dharma conditionné en tant que production causale. Les effets d’actions personnelles sont des dharmas particuliers produits par des causes coexistantes et conjointes du fait qu’elles font partie d‘un individu ou des processus mentaux que ne cesse d’avoir ce même individu.

Les effets répétitifs sont des dharmas ayant été surtout produits par des causes homogènes et omniprésentes, effets étant tous des dharmas de défilements ou pensées adventices. Les effets rétributifs sont des dharmas produits par des causes rétributives, fruits de causes saines et positives ou malsaines et négatives. Les effets séparatifs font référence à la « production » de la cessation analytique capable de discerner le fonctionnement de la sagesse qui voit la véritable nature de la réalité. Quand tous les défilements cessent, c’est l’atteinte du nirvana, ce auquel parvient un arhat qui recherche l’éveil pour lui-même, ou ce auquel parvient un bouddha.

Les quatre conditions sont des conditions causales, des conditions antécédentes immédiates, des conditions objectives de soutien et des conditions prédominantes. Les conditions causales incluent l’ensemble des six causes à l’exception de la cause efficiente. Les conditions antécédentes immédiates font référence aux dharmas de la conscience et ses occurrents mentaux, lesquels précèdent immédiatement la conscience et ses concomitants mentaux en cours de manifestation. Les conditions objectives de soutien font référence à tous les dharmas dans la mesure où ils peuvent devenir objets d’observation. Les conditions prédominantes sont les mêmes que les causes efficientes. Notons dans ce système que toutes les causes ne sont que des types de conditions à la manifestation des dharmas, et que tous les dharmas conditionnés sont simultanément à la fois causes et effets dépendant des relations qu’ils entretiennent avec les autres dharmas.

À quelques exceptions près, les systèmes abhidharmiques non mahayana s’accordent à penser que, d’une certaine façon, ces dharmas se manifestent en fonction de conditions dotées d’un certain type d’existence ou d’une nature propre. De fait, chacun de ces dharmas porte une caractéristique particulière ou une marque unique, irréductible et distinctive, la différenciant de tous les autres dharmas. Alors que les hommes, les animaux, les esprits, les arbres, fleurs, maisons, charrues et tout autre objet du quotidien peuvent exister en termes de vérité conventionnelle lorsque soumis à l’analyse et perçus par la méditation contemplative, la Vérité Ultime révèle quant à elle qu’au sein d’une pluralité de dharmas finis, seuls les groupements, les interactions et causes relationnelles sont ce qui vraiment est.

De tous les systèmes abhidharmiques, seuls quelques-uns enseignaient que la Vérité Ultime implique qu’il existe un nombre défini de dharmas. L’école de la Réalité achevée soutenait par exemple que les dharmas sont non seulement vides d’un soi propre, mais aussi de toute espèce de nature en soi [d’une nature propre] ou d’existence inhérente. Bien que ces systèmes aient recensé quatre-vingt-quatre dharmas dont les vies des hommes sont faites, ils enseignaient que, selon la vérité conventionnelle, ces dharmas ne possèdent qu’une existence provisoire.

Tous les dharmas sont vides d’une nature propre

Dès ses origines, le bouddhisme mahayana fut particulièrement critique envers des affirmations disant qu’il existait une pluralité de dharmas ou de phénomènes indivisibles inhérents à l’existence. De fait, le mahayana considère qu’établir un nombre déterminé de dharmas dotés d’une existence véritable est une façon de s’agripper à une existence réelle contraire à une notion essentielle qu’enseigna le Bouddha : l’esprit de détachement. C’est la raison pour laquelle le Bouddha enseigna qu’aucun des cinq agrégats ne possède une nature propre.

Aux yeux de ce mouvement, admettre qu’un nombre de dharmas est doté d’une nature propre, d’une existence inhérente possédant une marque ou un caractère distinct, signifiait donner libre cours à l’idée que l’on peut s’accrocher à une sorte de « soi » et sombrer une fois encore dans des théories sur l’âme éternelle et l’annihilation de la conscience puisque, selon les sutras mahayana, un bodhisattva devrait « être libéré de la perception du multiple » et cultiver « le non attachement envers tous les dharmas ». De facto, même les auditeurs-shravakas ne peuvent parvenir au nirvana s’ils ne se détachent de l’idée qu’il existe des dharmas véritablement substantiels. Cependant, on sait que certains bodhisattvas novices purent être déconcertés, voire effrayés par un enseignement disant qu’il n’existe aucun dharma réel.

Dans ses discours pré-mahayana, le Bouddha avait même déjà établi que tous les dharmas, qu’ils soient conditionnés ou non conditionnés, n’ont pas de nature propre. En tant qu’agrégats ou composants de ces agrégats, ces dharmas sont considérés comme possédant une nature propre, au même titre qu’une personne ou qu’un être vivant, alors qu’ils ne devraient pas être identifiés et qu’on devrait encore moins s’y agripper.

Concernant la vacuité des dharmas, les sutras mahayana n’avancent aucun argument d’une logique systématique. Étant donné que les dharmas n'ont qu'une existence provisoire liée au processus de l’origine interdépendante, ils sont vides de toute essence fixe, immuable et indépendante, ou d’une nature propre. Puisque l’origine interdépendante est la voie du milieu qui échappe aux extrêmes de l'existence et de la non-existence, on ne peut donc soutenir qu'il existe des dharmas inhérents en dehors du système des causes et des conditions qui leur permettent de se manifester momentanément. Étant donné que les dharmas ne se manifestent que temporairement en raison de causes et de conditions en constante évolution, ils ne peuvent à aucun moment avoir une existence substantielle. Par conséquent, ils ne peuvent ni apparaitre ni cesser [d’exister].

Dans les enseignements pré-mahayana, les arhats possèdent la connaissance de la non-apparition parce qu'ils savent personnellement que le nirvana, qui est un dharma inconditionné, ne surgit ni ne cesse. Ils savent aussi ne plus avoir rien à apprendre ou à accomplir parce que défilements et souillures ne surgiront plus en eux, leur méditation contemplative ayant libéré et purifié leur esprit. Dans le mahayana, les bodhisattvas ayant atteint dans leur pratique le stade de la non-peur et de la non-régression maitrisent la connaissance de la non-apparition, car ils savent par eux-mêmes que tous les dharmas comme le nirvana ne se reproduisant plus, sont donc non-survenus.*

À la lumière de l’origine interdépendante, les dharmas conditionnés impliquent qu’ils ne possèdent aucune existence réelle. Il existe juste une relation, un lien qui change constamment de causes et de conditions, chaque cause et chaque condition étant elles-mêmes liées à d’autres causes et conditions. Il s'avère donc que les dharmas conditionnés sont aussi inconditionnés que l'espace ou le nirvana, puisque les dharmas conditionnés n'ont pas d'existence réelle qui puisse apparaître ou cesser [d’être], ou être prise pour autre chose qu'une simple apparence.

Les sutras mahayana affirment également que puisque tous les dharmas sont comme le nirvana qui est vide d’une nature propre, tous les dharmas sont également dépourvus d’un signe, d’une marque distincte ou d’indices qui pourraient en faire un objet d'attachement. Il n'y a donc pas de dharmas qui existent intrinsèquement et portent de marques distinctives ; pas même la marque d'un soi, d'une personne, d'un être sensible ou de tout type d'entité vivante, ou de nature propre pouvant être trouvée lorsqu'elle est soumise à la contemplation analytique.

Comme le nirvana, les dharmas ne sont constitués d'aucune partie substantielle ; ils n'apparaissent ni ne cessent en tant qu’éléments, entités existant réellement ; les défilements n’ont aucune emprise sur les dharmas de même qu’on ne peut pas dire qu’ils peuvent être purifiés. Ils sont la vraie nature mystérieuse et insaisissable de la réalité qui est le royaume du Dharma. En les considérant sous un angle négatif, les dharmas sont vides d’une nature propre ; sur un plan positif, ils représentent l’« ainsité » de la réalité, la réalité telle qu’elle est. Étant donné que les dharmas sont exempts de toute marque distinctive et ne présentent pas de différences substantielles, on peut dire qu'ils partagent tous la marque, le signe de la paix qui est le nirvana. C'est pourquoi il est écrit dans le Sutra du Lotus : « Depuis le commencement, tous les dharmas portent toujours le signe de la cessation tranquille ».

À la lumière de l’enseignement de la vacuité, aucun dharma ne devrait être considéré comme un objet d’attachement, pas même le Dharma bouddhique. De plus, même les phénomènes auxquels le Bouddha fait référence dans ses enseignements - les Cinq agrégats, les Quatre nobles vérités, voire ceux de la chaîne des douze éléments de l'origine interdépendante - sont vides d’une nature propre.* Ainsi que le dit le Bouddha dans le Sutra du Diamant :

« Si le cœur des êtres s’attache à des marques, là est l’attachement à un soi, à des personnes, à des êtres et à la durée de la vie. Pour cette raison, vous ne devriez pas vous attacher aux dharmas, pas plus qu’aux non-dharmas. Observant ce principe, le Tathagata dit souvent : « Vous tous, moines, sachez que le Dharma dont je parle est semblable à une embarcation. Même les dharmas doivent être abandonnés, et plus encore les non-dharmas. »

Étant elle-même vide [et non une entité réelle], la vacuité ne devrait donc pas être considérée comme un objet d’attachement. Le Sutra du Lotus enseigne que pratiquer la voie du bodhisattva nécessite de reconnaitre la marque véritable - la vacuité de tous les dharmas – tout en continuant de discerner les phénomènes qui les différencient. Cette voie permet aux bodhisattvas de se libérer de tout attachement et de toute aversion, tout en restant engagé pour le bien de tous les êtres dans des actions méritoires et compassionnelles.

« Que signifie la pratique d’un bodhisattva-mahasattva ? Si les bodhisattvas-mahasattvas demeurent dans le domaine de la patience, font preuve de gentillesse, de douceur et toujours de prudence ni ne prennent facilement peur ; en outre, si au cœur des dharmas, ils ne font rien de plus que de contempler la marque véritable de tous les dharmas tout en faisant preuve de discernement, voilà ce qu’on appelle la pratique d’un bodhisattva-mahasattva. »

En résumé, le Bouddha Shakyamuni enseigna que bien que l’on puisse parler par convention d'un soi, d'une personne responsable de ses actes qui souffre mais qui, au lieu de souffrir, pourrait choisir de cultiver sa vie pour se libérer de cette souffrance, il enseigna que sur un plan ultime il n’existe que les Cinq agrégats de la forme, du sentiment, de la sensation, de la perception, des formations mentales et de la conscience, lesquels sont non seulement impermanents, mais aussi incapables de fournir un bonheur complet ou durable : ils sont donc vides de tout ce qui pourrait être identifié à un soi ou à une nature propre.

Après le décès du Bouddha, les enseignements de l'Abhidharma soumirent les Cinq agrégats et d'autres phénomènes à une analyse qui aboutit à l'affirmation qu'il existait une collection de dharmas possédant chacun des marques distinctives, lesquels constituent les véritables pierres de construction composant le monde conventionnel des personnes, des lieux et des objets. Bien que ces dharmas n'aient pas une individualité propre, ils sont censés avoir une existence réelle, ne serait-ce que momentanée ou brièvement manifestée, chacun ayant une nature propre et une marque distincte.

Les sutras mahayana insistaient cependant sur le fait que les Cinq agrégats et tous les possibles dharmas sont, en fin de compte, non seulement vides d'un soi mais de toute sorte de nature propre, alors même lorsqu’ils sont en train de se manifester. Selon ces sutras, y compris le Sutra du Lotus, l'éveil à cette vérité profonde de la vacuité est nécessaire pour parvenir à se libérer de la souffrance. En réalisant qu’il n’existe rien envers quoi éprouver de l'attachement ou de l'aversion, les bodhisattvas dépassent tout attachement et aversion. Ils ne conservent d’ailleurs même plus d’attachement envers la vacuité, c’est-à-dire qu’ils voient que toute chose est dépourvue d’une nature propre.