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Une journée de méditation modifie l'épigénome © Nikolay Dimitrov 16 janvier 2020 |
Le stress transforme l'épigénome humain. Cela signifie qu'il induit des marques épigénétiques, c'est-à-dire une sorte de petits accessoires qui viennent décorer notre ADN et modifier la lecture que la cellule fait du code génétique. Elles peuvent avoir diverses conséquences. Un des effets épigénétiques du stress est l'accélération du vieillissement de l'individu. Généralement, les marques dues au stress augmentent les risques de psychopathologies et de maladies chroniques. Mais si les marques épigénétiques peuvent être déposées sur l'ADN, elles peuvent également en être retirées ou changer d'emplacement. Une étude publiée dans la revue Brain, Behavior and Imminuty vient renforcer cette idée. Les chercheurs ont évalué l'impact d'une journée de huit heures de méditation intensive sur l'épigénome de 17 pratiquants expérimentés. Ceux-ci méditaient depuis au moins trois ans, à raison de 30 minutes minimum par jour. Les résultats ont été comparés à ceux d'un groupe témoin, composé de 17 personnes n'ayant jamais médité, et qui ont effectué différentes activités de loisirs durant une journée. Des effets significatifs... à méditer Après une journée de méditation intensive, plus de 60 sites de méthylation (une forme de modification épigénétique) ont subi des changements significatifs ! Les sites concernés sont majoritairement associés au métabolisme et au vieillissement des cellules immunitaires. Ainsi, l'étude suggère que des marques épigénétiques peuvent être remaniées par des thérapies de très courte durée. Néanmoins, un bémol est à signaler et invite à prendre ces résultats avec des pincettes. En effet, l'étude se base sur deux groupes : l'un composé de pratiquants assidus de la méditation depuis trois ans et l'autre de non pratiquants oisifs. Il aurait été pertinent d'ajouter un groupe comportant des non pratiquants mais effectuant tout de même une méditation intensive d'une journée. Cela aurait permis de constater si l'effet demeure chez des novices, ou si, avant qu'une journée de méditation ne fasse effet... il est nécessaire de pratiquer durant trois longues années. Pour en savoir plus : Augmentation du taux de connectivité dans le cortex préfrontal et diminution du taux d'interleukine-6, un marqueur de l'inflammation : ce serait les bénéfices tirés de la méditation de pleine conscience, selon une expérience menée aux États-Unis. La méditation de pleine conscience, mindfulness en anglais, consiste à se concentrer sur ses sensations ou perceptions, en les laissant passer, sans porter de jugement. Elle semble présenter des bénéfices pour la santé, comme la réduction de la douleur. Mais de quelle manière ? Pour le savoir, des chercheurs américains ont mené un essai randomisé contrôlé sur 35 adultes en recherche d'emploi, avec un niveau de stress élevé. Ils ont été répartis en deux groupes : certains ont suivi un entraînement intensif à la méditation de pleine conscience pendant trois jours, et d'autres ont fait de la relaxation classique. Tous ont eu un scanner cérébral au repos avant et après leur programme. Les participants ont aussi fourni des échantillons sanguins avant le programme et pendant quatre mois, afin que soit mesurée l'interleukine-6, un biomarqueur de l'inflammation. Les résultats de cette étude paraissent dans Biological Psychiatry. Les scanners du cerveau ont montré que l'entraînement à la méditation de pleine conscience augmentait la connectivité d'un réseau cérébral au repos : dans des aires importantes pour l'attention et le contrôle exécutif (le contrôle du comportement), à savoir dans le cortex préfrontal dorsolatéral. La relaxation n'avait pas ces effets. Article publié le 09/02/2016, écrit par Marie-Céline Ray * * * Les mécanismes épigénétiques sont considérés comme des médiateurs possibles entre les stress environnementaux et la santé humaine. Notamment, l’exposition au stress psychologique induit des marques épigénétiques associées à des risques accrus de maladies chroniques. Une récente étude menée dans le cadre d’une collaboration impliquant notamment le laboratoire Eco-Anthropologie (EA – CNRS / MNHN / Université Paris Diderot), l’INSERM et l’Université de Wisconsin Madison, explore l’influence de la gestion du stress par la pratique méditative sur l’épigénome humain. Les résultats, publiés dans la revue Brain, Behavior and Immunity, montrent qu’une journée de méditation intensive suffit à modifier les profils épigénétiques de sites d’intérêt clinique. L’épigénome contribue à l’unicité de l’individu. Par exemple, des jumeaux ayant le même ADN sont distincts biologiquement et ont des risques de maladies variables. Un nombre grandissant d’études montrent que les mécanismes épigénétiques, et notamment la méthylation, c’est-à-dire l’ajout de groupes méthyles sur certaines bases de l’ADN, sont impliqués dans cette unicité biologique et sont sensibles à l’environnement et au mode de vie de l’individu. Notamment, il a été montré que l’exposition au stress psychologique est associée à divers effets épigénétiques, par exemple une accélération du vieillissement épigénétique de l’individu. De plus, une exposition à des environnements stressants en début de vie peut induire une marque de méthylation spécifique causant une hyperactivité persistante de l’axe HPA, un régulateur clé de la réponse au stress. Ces effets épigénétiques sont potentiellement impliqués dans les risques accrus de psychopathologies et de maladies chroniques observés chez les individus ayant été exposés à des stress de vie importants. En revanche, peu d’études ont évalué si des interventions de gestion du stress peuvent contrebalancer ces effets épigénétiques et contribuer à augmenter l’espérance de vie en bonne santé des individus. Cette question est importante en terme sociétal car le fardeau causé par les maladies chroniques augmente avec le vieillissement de la population. La méditation est une famille de pratiques fondées sur la régulation de l’attention et des émotions. Elle a émergé au cours de la dernière décennie comme une méthode de gestion du stress efficace. De plus, ces pratiques modulent l’activité du cerveau, ainsi que celles des systèmes immunitaire et inflammatoire. Elles sont ainsi utilisées de façon croissante en milieu hospitalier comme traitement complémentaire dans les troubles de l’humeur et de la douleur chronique. Cependant, leur influence sur l’épigénome reste méconnue. Dans ce contexte, cette nouvelle étude a exploré l’influence d’une journée de méditation intensive sur les profils de méthylation de méditants entraînés, c’est-à-dire ayant au moins 3 années de pratique (à raison de 30 minutes minimum par jour). Leurs cellules sanguines ont été prélevées avant et après cette journée de pratique, et plus de 400 000 sites de méthylation ont été étudiés. Ces données ont été comparées à celles d’un groupe d’individus contrôle auxquels des activités de loisirs variées étaient proposées dans le même environnement pendant la même durée. Dans le groupe de méditants, les analyses ont mis évidence des changements significatifs pour 61 sites de méthylation suite à la journée intensive de pratique. Ces sites sont répartis uniformément sur le génome et sont principalement impliqués dans le métabolisme et le vieillissement des cellules immunitaires. Ils se situent généralement en amont des gènes ou dans des sites de liaison de facteurs de transcription. En revanche, aucun changement significatif n’a été observé dans le groupe contrôle. Cette étude montre donc que certains profils de méthylation d’intérêt clinique réagissent de manière rapide à la pratique méditative, ouvrant de nouvelles perspectives sur le potentiel thérapeutique de ces pratiques. De plus, elle contribue à faire progresser le champ de l’épigénétique en mettant en lumière la réactivité de certains sites de méthylation habituellement considérés comme relativement stables. Référence : Chaix R, Fagny M, Cosin-Tomás M, Alvarez-López M, Lemee L, Regnault B, Davidson RJ , Lutz A, Kaliman P (2019). Differential DNA methylation in experienced meditators after an intensive day of mindfulness-based practice: implications for immune-related pathways. Brain, Behavior and Immunity (in press) * * * Avec la méditation de pleine conscience, la connectivité cérébrale change ; pas avec la relaxation. © Naeblys, Shutterstock Une baisse de l’interleukine-6, biomarqueur de l’inflammation De plus, les participants qui ont suivi le programme de méditation de pleine conscience ont aussi eu une réduction de leur taux d'interleukine-6. D'après les auteurs, les modifications au niveau du cerveau expliqueraient 30 % de l'effet de la méditation de pleine conscience sur l'interleukine-6. La méditation de pleine conscience permettrait donc de nouvelles connexions dans le cerveau et cette réorganisation neuronale favoriserait une meilleure gestion du stress et de ses conséquences, comme l'inflammation. C'est ce qu'explique David Creswell, principal auteur de ces travaux et qui effectue sa recherche au Collège Dietrich de sciences humaines et sociales à la Carnegie Mellon University : « Nous pensons que ces changements dans le cerveau fournissent un marqueur neurobiologique d'un meilleur contrôle exécutif et de la résistance au stress, tels que l'entraînement à la méditation de pleine conscience améliore la capacité du cerveau à gérer le stress, et ces changements améliorent un large éventail de résultats de santé liés au stress, tels que votre santé inflammatoire ». Les bénéfices de la méditation mindfulness pour la santé sont donc dus au fait qu'elle modifie les réseaux cérébraux ; ces changements dans la connectivité cérébrale expliquent les améliorations au niveau de l'inflammation : « Ce nouveau travail éclaire comment cet entraînement de pleine conscience agit sur le cerveau pour produire ces avantages inflammatoires pour la santé ». |
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