Réflexions sur la maladie - les 10 caractéristiques

J’ai passé une grande partie de ma vie à m’occuper d’une manière ou d’une autre de personnes souffrant de diverses maladies. Tout d’abord, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, j’ai soigné les jeunes gens  mourant  du sida. En fait, j’ai consacré la plupart des années aux patients atteints du VIH. Il y a quelques temps, j’ai suivi une formation pour obtenir les diplômes officiels en tant qu’aumônier certifié par le Conseil, BCC. En lisant Clear Serenity, Quiet Insight, la traduction de Paul L. Swanson du Mo-Ho Chih-Kuan de Zhiyi, je me suis longuement arrêté  sur la section  Contempler les objets de la maladie l’examinant de différentes points de vue, et méditant longuement dessus.  A un moment ou un autre de se vie, tout être vivant endure, sous une forme quelconque,  la maladie et la souffrance. Comme ma  vie a toujours été consacrée à ce domaine, je me sens obligé de faire part de mes réflexions sur ce texte.  Peut-être que cela pourrait servir à d’autres personnes  ou, comme c'est souvent le cas  lorsque l’on écrit, cela me profitera surtout à moi-même.Le chapitre XV du Sutra du Lotus, Bodhisattvas Surgis-de-Terre, nous raconte  l’apparition de bodhisattvas sans précédent qui émergent de Terre en réponse aux questions du  Bouddhas sur la diffusion à travers le monde du Sutra du Lotus après sa mort, lors des Derniers Jours du Dharma. Parmi les congrégations (huit groupes d’êtres)  rassemblées dans les Airs au-dessus du Mont Sacré du Vautour, face aux deux Bouddhas (Shakyamuni et Taho) assis côte à côte, seuls deux groupes de personnes répondent à sa demande. Un des ces huit groupes était composé d'êtres n'appartenant pas à ce monde et le Bouddha a estimé qu'ils n'étaient pas qualifiés en raison des pratiques ardues et des difficultés nécessaires pour diffuser le Dharma dans le monde Saha, notre monde. Venant d'un autre royaume, ils ne seraient pas capables de se rapprocher suffisamment des humains, dans les conditions de notre royaume et vu la difficulté de la pratique requise.Le second  groupe s’est disqualifié de lui-même parce qu'il ne voulait pas répandre le Dharma dans le monde Saha, mais le ferait ailleurs, car il serait trop difficile de faire ce travail dans ce royaume terrestre .Alors le Bouddha  dit : « Peu importe, j’ai en réserve un groupe de personnes qui s’entraînent avec moi depuis des siècles. » A ce moment, d’innombrables êtres ont surgi de Terre. Ils étaient dirigés par quatre grands Bodhisattvas.  En s’approchant du Bouddha, les quatre Bodhisattvas guides  dirent :

"Vénéré du monde, peu de maladies, peu de soucis pour vous ! Pratiquez-vous en toute commodité?  Ceux que vous devez sauver reçoivent-ils facilement votre enseignement? Ne causent-ils pas gêne et fatigue au Vénéré du monde? " (traduction J.-N. Robert).

C’est là une variante d'un message d'accueil standard échangé entre bouddhas. On peut  aussi le traduire par :

« Honoré du Monde, vos maladies sont-elles peu nombreuses et vos soucis rares ? Pratiquez-vous confortablement ? Ceux que vous avez l’intention de sauver acceptent-ils volontiers votre enseignement ? Tous ces efforts ne fatiguent-ils pas outre mesure l’Honoré du Monde ? » (traduction B. Watson retraduit en français par l’ACEP)  

On peut dire aussi  «Puisses-tu avoir peu de maladies et peu de souffrances». J'ai déjà souligné en maintes occasions à quel point était remarquable le fait même d’interroger le Bouddha sur son bien-être. Tout au long du Sutra du Lotus, les interactions entre le Bouddha et diverses personnes de la congrégation consistaient toutes en des demandes adressées au Bouddha pour qu'il prédise l’Éveil futur de cette personne. Il n’y a que ces bodhisattvas (qui nous représentent) qui  demandent comment se porte le Bouddha. La majeure partie du Sutra du Lotus me fait souvent penser  au  défilé du Mardi Gras à la Nouvelle-Orléans.  Enfant,  j’ai grandi à la Nouvelle-Orléans, et comme le savent tous ceux qui y ont participé au Carnaval, dans les défilés tous chantent: «Lancez-moi quelque chose, monsieur ! » Pour moi cela fait écho avec « lancez-moi une prédiction d’Éveil, lancez-moi l’histoire de mes futures actions ! » Oui, je peux souvent être un peu irrévérencieux.Une chose en tous cas nous est révélée,  même les bouddhas peuvent être  malades, ils ne sont pas à l'abri des quatre souffrances de la naissance, de la maladie, de la décadence et de la mort. Tout être, tout humain ira mal un jour ou l’autre. Je ne parle pas seulement de maladies avérées que l’on peut diagnostiquer et nous amener dans un cabinet médical ou à l’hôpital.Un de mes maîtres  en formation d'aumônier disait  souvent que la maladie c’est être mal (disease is diss ease). Quand vous êtes mal, ce mot « mal » n’est pas anodin. Et c’est de ce rapprochement des termes que j’aimerais discuter avec vous sous l’angle du bouddhisme et plus précisément du point de vue de Zhiyi  lorsqu’il parle  du  Sutra du Lotus. La maladie fait partie de l’existence. Zhiyi  en voit deux types : les unes sont vraies et les autres ’un est épisodiques. Cependant, nous ne devons pas nous laisser induire en erreur en considérant l’épisodique  seulement comme  quelque chose de courte durée ou qui va passer de soi-même. Il conviendrait plutôt de voir  l’épisodique comme un enseignement.Une maladie instructive ou éducative serait comme celle de Vimalakirti, le célèbre pratiquant laïc du bouddhisme Mahayana. Ce célèbre bouddhiste laïc tombe gravement malade au point de ne plus bouger de son lit. En entendant parler de la maladie de Vimalakirti, Shakyamuni envoya plusieurs de ses disciples l'un après l'autre pour s'enquérir de sa santé et lui proposer son aide. Ces célèbres disciples chevronnés se rendirent l’un après l’autre chez Vimalakirti, où ils furent humiliés sans aucune mauvaise intention de sa part.  Il leur a juste montré certaines vérités du bouddhisme. Tout expérimentés qu’ils fussent, chacun en reçut sa part lors de ces visites, au point qu’ils  en arrivèrent à ne plus vouloir aller voir cet homme qui n’était, après tout, qu’un pratiquant laïc. Vimalakirti s’est ainsi servi de sa maladie comme d’un enseignement. C’est ce qu’on entend par maladie éducative et nous la laisserons, pour l’instant, de côté.

La plupart du temps vous abordez la vie pleins d’optimisme si tout va  bien et que vous avez une bonne santé. Il vous arrive d’avoir  un rhume, une grippe ou des maux d'estomac. Peut-être que vous avez parfois mal à la tête qui disparait avec un médicament en vente libre ; en tous cas, rien de grave. Pas grave ! Et puis, il se peut que vous vous sentiez bien, mais que lors d’une visite médicale on vous dise qu’il y a que quelque chose que vous ne soupçonniez pas. Cela arrive plus souvent qu’on ne le pense. J'en ai été témoin dans mon travail à l'hôpital et j’en ai moi-même fait l’expérience.  Dernièrement, il y a environ un an, j'avais perdu beaucoup de poids et j'en avais parlé à mes divers médecins de l'hôpital Veterans Association, sans réaction de leur part.  Quand je suis arrivé à Syracuse, ma nouvelle doctoresse s’est montrée plus curieuse. Elle a voulu faire une série de radios et de tomodensitométries. Un mois après ces examens,  j’ai eu un rendez-vous pour faire le bilan de ces tests.  Pour faire bref, permettez-moi de dire que c’est assez dur quand votre médecin vous fait voir dans vos poumons une belle fleur qui a la forme d’une tumeur et que cette tumeur est un cancer.  Cela fait maintenant un an et deux mois et tous les trimestres je passe  des examens des poumons et de tomodensitométrie. La bonne nouvelle est que la tumeur n’a pas grossi et que s’il en va ainsi pendant deux ans c’est que la tumeur n’était pas maligne. L'autre nouvelle encourageante c'est qu’elle ne bouge pas. Toute cette année,  lorsque les gens m’interrogeaient à ce sujet,  j’ai comparé cette expérience à des  invités indésirables à la maison. Vous ne les voulez pas chez vous, mais ils ne partent pas. Vous passerez donc votre temps à les nourrir et les loger pour qu’ils se tiennent tranquilles et ne quittent pas leur chambre. C’est en tous cas, ce que j'ai fait. A dire vrai, j’ai eu depuis longtemps le sentiment que quelque chose allait de travers dans mon corps. Parfois, nous pouvons avoir une maladie et en être, par moments, extrêmement conscients.  Il est si vrai que nous préférons oublier ou nier que les humains sont soumis aux maladies. Je pense qu'à notre époque, nous nous attendons à ne jamais être malades et que la maladie est un affront à notre existence. Certains pensent aussi que la maladie, c’est pour les autres  mais pas pour eux. Peut-être que cela vient de ce que nous sommes  de moins en moins confrontés à la maladie et aux infirmités. Elles surviennent ailleurs, dans le cabinet du médecin, à l’hôpital, chez le voisin ou hors de notre lieu de vie, à la télévision, par exemple. Il n'y a pas si longtemps, nous étions beaucoup plus intimes avec la maladie. Lorsque votre voisin était malade, vous aviez besoin de savoir s’il était contagieux. Vous pouviez voir qu’un médecin se rendait chez quelqu'un à côté de chez vous. Maintenant, les malades  vont chez le médecin et personne ne le sait à moins d’être de la famille ou, éventuellement, un collègue de travail. La maladie est moins visible  aujourd'hui parce qu’elle est traitée ailleurs qu’à la maison. Lorsque nous connaissons les moments d’absence de maladie, il serait plus avisé de se dire que cela n’a qu’un temps, que c’est un cadeau inespéré et non pas un dû permanent. L'absence de maladie est moins la norme que la manifestation de la maladie. Du point de vue bouddhiste, les maladies sont une condition de la vie. Une absence de maladie est au mieux temporaire et, en fait, leur absence signifie en réalité que vous avez « peu » de maladies au point de les ignorer. La maladie est inhérente à la condition même de la vie. Avoir un corps c’est être sujet aux maladies. Vous pourriez demander pourquoi.  Il est évident qu’un corps physique se dégrade et change mais, en outre,  il réagit au déséquilibre propre à toute forme physique de la vie. Nos corps sont composés des quatre éléments de la terre, de l'eau, de l'air et du feu. Cela peut sembler un peu archaïque ou même quelque peu niais au regard du langage médical moderne.  Mais ici nous ne parlons pas de la pratique moderne de la médecine, du diagnostic de maladies spécifiques, de prescriptions de médicaments complexes et coûteux. Et pourtant, même la médecine moderne avec son langage étrange, ses  produits chimiques, ses  équipements bizarres  et extravagants, essaie toujours, fondamentalement, de surmonter le déséquilibre des quatre éléments de notre corps en recherchant les causes de nos maladies. Trop de tension artérielle est un déséquilibre hydrique, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est un dysfonctionnement de la terre et de l'air, l'arthrite est une dysfonction de la terre, la fièvre est une dysfonction du feu qui doit être maintenu dans certaines limites pour que notre corps soit en bonne santé.Les quatre éléments s’opposent  même en dehors de notre corps. Le feu et l'eau, la terre et le vent sont naturellement des contraires, en lutte constante. Zhiyi  compare la lutte entre les quatre éléments à quatre pays voisins constamment en guerre les uns contre les autres. Tant que la force de chaque pays est relativement la même, il y a la paix,  ou il faudrait plutôt parler d’une hostilité contenue pour un certain temps. Dès qu'un pays monte en puissance, il s'attaque au plus faible et la guerre reprend. Que vous trouviez peu pertinents les termes tels que terre, vent, feu, eau, ne tire pas à conséquence, mais rappelez-vous que tout traitement contre la maladie est une tentative de mettre votre corps dans un état d’harmonie. On peut dire que les artères obstruées sont comme une guerre et causent la mort mais on n’est pas obligé d’utiliser ces termes. Lorsque vous suivez une procédure pour nettoyer les artères ou que vous prenez un médicament, le but est de supprimer le blocage afin que votre sang coule librement.  Les recommandations diététiques font des suggestions pour le meilleur maintien de l'harmonie des quatre éléments de votre corps. En termes modernes, elles conseillent des stratégies pour maintenir la bonne santé de votre corps. Cependant, quand nous tombons malades, notre première pensée n’est pas toujours la recherche de ce qui a causé ce déséquilibré. La plupart du temps, on se demande ce qu’il faut prendre pour faire disparaitre  la douleur, l’inconfort ou le malaise. Que votre médecin utilise les termes d’harmonie ou des quatre éléments, il cherche à découvrir ce qui ne va pas. Être en dysharmonie, c'est échapper au contrôle. Hypertension artérielle, arthrite, œdème, maux de gorge, maux de dents, etc., dans  la longue liste de maladies possibles, ce sont autant de termes pour exprimer que notre corps est «hors de contrôle» ou «hors harmonie».A propos de ces quatre éléments Zhiyi parle de quatre serpents. Même s’il n’est pas le premier à le faire examinons ce qu’il en dit. On trouve la métaphore des quatre serpents  dans le Sutra Suvarnaprabhasa qui conte  la parabole d'un homme qui cherche à échapper au double drame de la vie et de la mort ;  avec une corde (vie) et descend dans le puits de l'impermanence. Là se trouvent deux souris qui rongent nuit et jour la corde en rotin. La corde est composée de quatre mèches et sur chacune d'elles se trouve un serpent qui tente de mordre  notre  fuyard. Ces quatre serpents sont les quatre éléments de la nature physique de l’homme. Mais comme cela ne suffisait pas, tout en dessous, trois dragons crachent le feu pour le calciner en le serrant dans leurs griffes. Au-dessus de lui, deux éléphants, représentant les ténèbres et la lumière, se penchent sur l’ouverture du puits.  Le pauvre homme est au comble du désespoir quand survient une abeille  laissant tomber du miel dans sa bouche. Le miel représente les cinq désirs. L'homme avale le miel et oublie complètement tout péril.En lisant cela, j'ai pensé à la parabole des enfants  jouant dans la maison en flammes. Ils sont tellement absorbés par leurs jeux qu'ils sont inconscients que la maison brûle et que le feu fait rage autour d'eux.  Et  les flammes ne sont  pas le seul danger, cela grouille d’animaux et bêtes venimeuses qui infestent les murs, le sol et tous les espaces de la maison. Cela fait penser à ceux qui  jouent à des jeux vidéo et sont comme aspirés dans leur vortex.Une autre référence aux serpents en tant que quatre éléments se  trouvée dans le Sutra de Mahaparinirvana, qui propose l’exercice suivant.

Exercice: «… contemple ton corps comme étant une boîte [contenant] de la terre, de l'eau, du feu et du vent, les quatre serpents venimeux. Ils voient le poison, touchent le poison, sentent le poison, crachent le poison. Tous les êtres sensibles rencontrent ces quatre poisons et se désolent. Pour les êtres sensibles les quatre éléments sont aussi comme cela. ”⁠  Nous,  qui sommes des sacs de peau remplis d'os, souffrons fondamentalement de l’existence. Pour certains cette pensée est déprimante, pour d’autres elle est terriblement angoissante. Nous voulons que nos vies soient plus que cela, aient plus de sens que cala, soient plus importantes que cela. C’est là notre souffrance. Comme notre ami au fond du puits, nous avons goûté au miel et oublions trop facilement  les dangers et nos limites. Dans notre hâte de progresser dans le jeu vidéo de la vie, nous oublions notre mortalité et notre impermanence. Nous recherchons une harmonie des quatre éléments qui, au mieux, ne peut être que temporaire, quel que soit notre désir de la conserver pour toujours.Ce qui, à mon sens, empêche que cela soit déprimant, c’est de savoir que l’impermanence est une certitude et une garantie, c’est la chose sur laquelle on peut compter. Prenant conscience que cela peut être libérateur, il n’y a pas d’effarement. Gardant toujours à l'esprit notre impermanence, cela me motive à ne pas oublier la valeur d'un seul moment de la vie et les possibilités infinies de remplir de valeur ce moment.Nous avons tous, sans doute,  entendu des histoires de personnes qui se sont rendues dans le cabinet d’un médecin en se sentant relativement bien, juste pour un examen annuel et qui découvrent qu’elles ont peut-être moins de six mois à vivre. Quand j’ai travaillé comme aumônier à l’hôpital j’ai connu des personnes qui ont été admises pour une maladie dont elles pensent qu’elles allaient guérir rapidement et qui n’avaient que quelques jours à vivre. Ou, dans certains cas, un mal de tête persistant est en réalité une hémorragie cérébrale et la mort s'ensuit en quelques heures.Nous considérons souvent nos vies comme allant de soi alors que ce sont des boites avec les serpents des quatre éléments. La plupart des gens tiennent rarement compte de leur mortalité dans leur quotidienne et leur emploi du temps. Pourtant, la mort n’est peut-être qu’à un souffle.

Exercice: Faites ceci sans vous crisper ! Lors de votre prochaine méditation, ou même là tout de suite, fixez votre attention sur  votre souffle en notant que le souffle expiré peut être considéré comme le souffle de la mort. Le dernier souffle signe notre fin, l'air expulsé de nos poumons ne sera jamais remplacé. Lorsque vous inspirez, sentez la joie de vivre entrer dans vos poumons. Cette inspiration  n'est garantie pour aucun d'entre nous. Nous sommes toujours à un souffle de notre mort. Faites ceci en toute décontraction ! 4,5,6

Comme je l’ai dit plus haut, nous ne parlerons pas de  maladies assumées pour éduquer ou instruire quelqu'un dans le Dharma. Pour le reste, c’est un large éventail de maladies liées au karma, ces maladies qui sont nôtres parce que nous avons un corps physique. Dans ce cas, karma est pris au sens  large général, distinct d'une maladie karmique spécifique. Outre les souffrances de la maladie au cours de son évolution, il faut également tenir compte, de son impact négatif supplémentaire sur la foi et la pratique. Je sais, par expérience, que même un simple rhume, ou une infection, peuvent influer sur ma pratique quotidienne. Lorsque notre corps souffre de fièvre ou que vous vous sentez faible ou que vous avez la nausée, il est difficile de s'asseoir même pour changer l'eau, offrir du thé, allumer des bougies et de l'encens, puis de simplement réciter trois daimoku. Il faut alors accepter d’avoir à se  coucher quitte à sauter le rituel jusqu'à demain.

J'imagine que, si vous êtes comme moi, vous n'avez pas souvent comparé la maladie à un voyage. Nous avons appris, bien sûr, que notre pratique bouddhiste est un voyage et nous en utilisons les termes en tant que symboles. Nous parlons de notre cheminement dans notre pratique et dans notre foi bouddhique. Mais nous n’en faisons pas de même pour la maladie ou le mal-être, et pourtant par tous ses désagréments ou même la mort, c’est aussi un voyage à travers la douleur.Si vous avez déjà fait un long voyage, en particulier loin de chez vous, vous savez probablement qu’il peut être difficile de maintenir une pratique régulière. Il peut y avoir des jours où vous ne pratiquez pas du tout, sauf un daimoku sur le souffle ou dans votre tête. Ça va, ne vous inquiétez pas, vous ne serez pas puni pour cela. Il n'y a pas de punition pour l’absence de pratique bouddhique, il y a simplement absence de causes que l’on crée.

L'un des grands avantages d'une pratique régulière, lorsque vous le pouvez, est que vous gardez ce dynamisme et que vous accumulez de bons résultats. Sauter un jour ou une semaine n’est donc pas aussi perceptible que si votre pratique est aléatoire. Il faut simplement savoir qu’en cas de pratique intermittente, vous ne remarquerez probablement aucun progrès. Avec une pratique régulière forte et régulière nous accumulions des bienfaits et de la bonne fortune. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Bouddha répète fréquemment que les avantages de notre foi bouddhique sont incommensurables. Comment est-il possible de mesurer ce qui est illimité ? C’est tout simplement illimité. Avec la bonne fortune accumulée, nous pouvons nous permettre de rater une pratique et d’avoir quand même une foi solide. Bien sûr, il n’est pas possible de rester ainsi très longtemps, car l’incommensurable, aussi illimité qu’il puisse être, a des limites. C’est un peu fou, non ?Donc, si vous voyagez et manquez la pratique quelques jours, pas de panique. Reprenez simplement dès que vous le pouvez. N'ajoutez pas de stress à votre situation déjà stressante. Cependant, vous savez au fond de vous-même si c’est une simple paresse et que cela doit déclencher l'alarme,  des klaxons vous avertissant : DANGER! DANGER! DANGER !

Tout voyage déstabilise, même si c'est plaisant. Notre horaire habituel n'est parfois pas aussi régulier, notre rythme ne suit plus les mêmes séquences. Et parfois, il est même difficile de déterminer l’heure exacte, surtout en ce qui concerne les voyages internationaux. Je sais que je suis confronté à ce problème pour la prise de médicaments. Je pars le matin d'un jour et arrive le matin du lendemain. Est-ce encore le matin et si oui, où est passé le soir? En ce qui concerne votre pratique, ne vous affolez pas, vous n’avez rien oublié. Pratiquez simplement quand vous le pouvez.

On peut penser qu’avec la maladie il n’en n’est pas de même et pourtant, ça l'est. La douleur ou l’affection peuvent faire fusionner plusieurs  jours en un seul, les parties de la journée deviennent interminablement floues. J'ai rencontré un patient en dialyse qui m'a dit qu'il s'était adapté à la réalité de son traitement de dialyse une fois tous les deux jours en comptant 48 heures par jour. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la dialyse, il faut savoir que vous y allez généralement le matin ou à midi, bien que cela puisse être aussi l'après-midi. Vous êtes complètement à plat lorsque vous arrivez et également lorsque vous avez terminé la procédure. Vous restez donc 6 à 8 heures à ne pas être fonctionnel. Ensuite, pendant les quelque 40 heures qui suivent (moins vos 8 heures de sommeil normal), vous êtes plein d’énergie. Eh bien, si vous en restez à 24 heures par jour, cela signifie que tous les jours, vous n’avez ni l’énergie ni la capacité de faire quoi que ce soit. Cela peut être déprimant, vous pouvez passer un jour avec des amis et en être incapable le lendemain, un jour vous pouvez communiquer avec votre famille et le lendemain vous ne pouvez pas.Bien sûr, une journée de 48 heures est une pratique mentale assez spéciale et tout le monde ne peut s’y adapter. Cependant, pour ce patient, il dit que cela marche et qu’ainsi la dialyse ne le dérange pas tellement, c'est comme une longue nuit avec une très longue journée. Il s'en est donc accommodé et a appris à vivre avec sa maladie. Apprendre à gérer l’impact de la maladie sur notre vie fait partie du voyage.  Tout comme gérer notre pratique dans le voyage de la foi.Une autre caractéristique de ce patient particulier est la tolérance. Zhiyi dit que la tolérance est essentielle dans notre contemplation de la maladie. Comment tolérons-nous  l'intolérable, comment supportons- nous l'insupportable, comment pratiquons-nous la maîtrise de soi lorsque tout semble être hors de notre contrôle. Pourtant, ce sont les conditions de notre vie à chaque instant, même lorsque nous ne pensons pas être malades ou mal en point.Les longs voyages, les longs déplacements sont un obstacle à notre pratique, il en est de même pour le fardeau de la maladie et de la douleur. Les problèmes de santé peuvent aussi être un obstacle à la foi.

Certaines personnes mènent une vie désinvolte, se contentant d’idées reçues, en supposant qu’ils ont tout le temps nécessaire pour accomplir certaines tâches ou que leur aisance perdurera indéfiniment. Pour Mara c’est une porte qui clignote par des enseignes au néon. Et il en est de même pour la résignation et le désespoir face aux difficultés, à la maladie ou à la douleur. Mara les voit et sait qu'il n'a besoin que de la moitié de son armée car vous êtes déjà vaincu. Certains mettent à profit leurs bons moments, d’autres se relâchent. Certains tirent avantage de l'adversité, alors que d'autres baissent les bras. Ce n’est pas le fait d’être malade ou de souffrir qui détermine notre réponse, mais notre nature et nos tendances profondes. C'est notre karma, et non pas la maladie ou la bonne fortune ; c'est ce que nous faisons des circonstances. Bien sûr, notre karma est d’être né avec une forme matérielle soumise à la maladie. L'un est durable, le corps matériel, l'autre est modifiable, la maladie est ce que nous en faisons.

J'aimerais maintenant faire une petite digression par rapport à Zhiyi et revenir à Vimalakirti. J'ai dit plus haut que les maladies dont nous parlons ne sont pas celles que les bouddhas ou les bodhisattvas prennent à des fins pédagogiques, comme l’a fait Vimalakirti. Pourtant,  le Sutra Vimalakirti, renferme une leçon importante dans l'échange entre Manjushri et Vimalakirti sur la manière d'encourager un bodhisattva malade.En travaillant à l'hôpital, j'ai souvent été témoin non seulement de la douleur, mais aussi du désespoir, et non seulement celui du malade, mais également de ceux qui cherchaient à l'encourager ou l’aider. De nombreuses personnes ne savent tout simplement pas comment apporter un soutien et comment aider sans aggraver la situation du malade.  C'est un défi que de se montrer solidaire, tout en restant franc, d'encourager sans donner de faux espoirs, de dire la vérité au sujet d'une maladie et de ses effets sans les aggraver ni les ignorer. L’exemple classique est la contrainte de faire manger un membre de la famille alors qu’il est en train de mourir. Selon une croyance presque universelle si une personne mange ne serait-ce qu’un peu,  c’est le signe qu’elle commence à se rétablir. Cela peut certes être le cas, mais pas toujours.

Prenons, par exemple, le moment de la mort. Le corps sait de lui-même qu’il n’a pas besoin de nourriture. Étant donné que les organes se dérobent, ils n’ont pas besoin de nourriture qui freinerait ce processus. La difficulté est à deux niveaux. Tout d’abord il n’y aucune certitude sur ce qui se passe réellement, et bien que les médecins puissent être raisonnablement affirmatifs, un doute reste toujours possible. Je pense que la famille et les proches peuvent, dans ce cas, fournir au personnel médical certaines informations. Mais c’est très difficile.

Les aidants, ceux qui soutiennent le patient, doivent mettre de côté leurs peurs pour réfléchir à ce qui peut se passer et à certains comportements normaux du patient. Tous redoutent la mort mais les aidants doivent envisager cela de façon réaliste. Il est essentiel d’écouter ce que disent les médecins puis de considérer le malade en tenant compte  de la pertinence du diagnostic médical  sans pour autant abandonner totalement l’espoir d’un résultat différent. Se montrer trop optimiste face à un mauvais diagnostic peut brouiller la vision et les décisions. Il n’est pas impossible de rester encourageant tout en étant franc, de garder l’espoir sans rejeter la possibilité fatale.

À bien des égards, cela est très bénéfique pour le malade, car il peut alors exprimer ouvertement ses craintes éventuelles : il sait qu’il sera entendu et respecté. C’est difficile pour un patient qui sait intérieurement qu’il est en train de mourir de s’engager dans ce processus avec tout ce que cela implique, alors que tout le monde autour de lui dit : « non, ne parle pas comme ça » ou bien adopte une attitude aussi désobligeante.

C'est un processus délicat, une interaction complexe, si vous voulez, entre les aidants et le patient, entre la franchise et le chagrin, entre  l'espoir et la réalité. D'après mon expérience, plus les gens sont conscients de leurs peurs et de leur chagrin, de leur espoir et de la réalité, plus les conversations de fin de vie peuvent être profondes. Il existe de nombreux livres excellents écrits par des bouddhistes et des non-bouddhistes qui, à mon avis, valent la peine d'être lus avant que n’en survienne l’urgence. Ils offrent des points de vue, des idées, des exemples et de la sagesse. Bien sûr, aucun livre aucune personne n’a de réponse à tout. Moi-même, je ne fais que parler de mes expériences. Lorsque le corps est en train de mourir, il élimine toutes les fonctions corporelles inutiles. Digérer les aliments prend beaucoup d'énergie, et les aliments consommés n'offrent plus, à vrai dire, de valeur nutritionnelle, car l’organisme ne les traite plus  comme il le ferait s'il était en bonne santé. Le corps commence à s'en passer et il s’agit donc d’une perte d’énergie sans aucun bénéfice. De plus, lorsque le corps est en train de s’éteindre, il produit naturellement des médicaments pour soulager la douleur. Consommer de la nourriture va à l’encontre de ce processus.Le corps peut rester longtemps sans nourriture, une semaine ou plus mais pas sans eau et les établissements hospitaliers veillent à cela  ou, si le mourant est à la maison, de petites gorgées d’eau peuvent être souhaitables. Cependant demandez l’avis d’une personne autorisée que je ne suis en aucune façon. Je ne fais que donner un aperçu des mécanismes organiques en fin de vie afin d'aider les proches à comprendre ce qui se passe.Le corps a la capacité de produire de puissants antidotes à la douleur et il le fait même lorsqu’il meurt. Ce que les lieux de soins ou les hôpitaux peuvent faire, c'est surveiller le processus naturel et le compléter en administrant, si nécessaire, de petites doses de médicaments antidouleur plus puissants pour que le mourant ne souffre pas.Il me semble que la plupart des gens ne réalisent pas l’effet des médicaments analgésiques à moins d’en avoir pris eux-mêmes. La morphine, médicament antidouleur couramment administré dans les hôpitaux, provoque la constipation. Vous savez probablement que c'est très inconfortable.  Mais si le patient est forcé ou encouragé à manger alors que son corps est en train de mourir,  il faudra lui  administrer encore davantage d’analgésiques  car le processus naturel du corps a été interrompu. Plus de médicaments contre la douleur c’est plus de constipation. Il faut donc administrer des laxatifs qui provoquent habituellement la diarrhée qui, comme vous le savez également, est incommodante et irrite beaucoup la peau sensible du fessier.

Toute une série de mesures et de contre-mesures doivent être prises pour continuer à entretenir un corps qui essaie de ne pas consommer de nourriture afin qu'il puisse faire naturellement son travail. Ce qui était censé être positif, en encourageant le patient à manger, devient un obstacle et a un effet négatif. C’est l’un des nombreux aspects du processus de la mort et de la maladie pour lesquels notre société est mal préparée. Ce ne sont pas seulement la famille et les amis qui ne savent pas comment se comporter avec  un mourant. J'ai vu de nombreux médecins qui, bien qu'excellents dans la pratique et la délivrance de médicaments, sont malheureusement incapables de trouver l'équilibre entre franchise et compassion. Je le dis après avoir assisté à de nombreuses interactions médecin-patient. La plupart des médecins ne savent pas comment annoncer une mauvaise nouvelle. Cela provient en partie d’un sentiment d'échec de la part du médecin s'il est incapable de guérir une maladie ou d'empêcher la mort.

A l’époque où je travaillais dans une unité de réanimation cardiaque, je voyais de plus en plus que les jeunes médecins étaient davantage disposés à dire la vérité et maîtrisant la façon de le faire tout en restant dans une véritable compassion. Ils étaient assez habiles pour parler non seulement d’un point de vue professionnel, mais également sur le plan humain. Pendant mon séjour dans cette unité, j'ai beaucoup apprécié les nombreuses sollicitations de la part des médecins à être présent lorsque les mauvaises nouvelles devaient être communiquées et je dois dire qu'ils font un travail digne d'éloges malgré des circonstances très délicates.

Revenons maintenant à Vimalakirti. Dans le chapitre Interrogation sur la maladie, ce célèbre bodhisattva  laïc prodigue quelques conseils sur la façon de réconforter et d'instruire un autre bodhisattva malade. En y réfléchissant je me suis dit qu’il existe comme une vérité universelle, même si les mots doivent être adaptés à chaque individu et selon les circonstances. Il me semble que dans l’ensemble, elle est plus pertinente que les clichés dispensés  par de nombreuses confessions non bouddhistes qui se réfèrent à une puissance externe. Je parle de propos comme « C‘est la volonté divine » ou « Dieu a  besoin d'un autre ange auprès de Lui » et de certaines écoles bouddhistes qui vous disent : « Si vous psalmodiez / priez suffisamment, vous pouvez surmonter cela. » Quand j’entends cette dernière déclaration, j’ai envie de demander : «Combien de mantras devez-vous réciter pour se prémunir contre la mort ? »

Alors  quelles sont les approches efficaces et réellement bouddhistes pour réconforter une personne malade? Nous devons garder à l'esprit et aussi rappeler aux autres que le corps est impermanent, mais que nous ne devons ni l'ignorer ni le mépriser. Ce n’est pas parce que le corps est destiné à la dégradation, à la maladie et à la mort que nous pouvons négliger notre santé. Nous n’avons pas le pouvoir de faire ce que nous voulons et nous engager dans des pratiques malsaines sous prétexte de l’impermanence. Ce serait contraire aux croyances bouddhistes selon lesquelles la vie est un  don inestimable. Même lorsque nous cherchons à atteindre l’anuttara-sambyak-sambodhi, ou à quitter le cycle  de la renaissance et de la mort, le Bouddha nous parle encore et encore de la valeur incommensurable de la vie. Ce n’est pas parce que nous cherchons à sortir du cycle de la naissance et de la mort, que nous pouvons dévaluer la vie. Nous avons à être un réconfort pour les autres et déployer des efforts constants pour garder notre santé. Ce qui signifie, entre autres, travailler en harmonie avec les conseils de médecins compétents ; c'est-à-dire prendre ses  médicaments, suivre les conseils pour nos activités et le régime alimentaire, etc. Lorsque vous suivez les prescriptions médicales vous travaillez à votre santé avec un partenaire. C’est important car c'est un effort d'équipe.Le corps, étant matériel subit la décadence,  la maladie et  la mort. Il est soumis à la souffrance et à la douleur. Il peut être bénéfique d’en parler ouvertement et avec  et honnête. Parler de la nature de la douleur, des limitations causées par la douleur, des méthodes disponibles pour la minimiser et de la façon de transformer la souffrance causée par la douleur. Vimalakirti avertit que dans cette discussion le but n'est pas de chercher le nirvana. Si on considère le  nirvana comme un lieu de félicité, le paradis ou comme la transcendance de la conscience individuelle et l'élimination du désir, on peut comprendre ce que dit Vimalakirti et qu’il  fustige ces attitudes de fuite.  Plutôt que d'essayer d'échapper à la souffrance, ce qui serait  contraire à l’idéal bouddhique, nous devrions changer notre regard comme je viens de le dire ci-dessus. Éviter la douleur et la souffrance est devenu la pratique usuelle de nombreux médecins. Actuellement aux États-Unis, et peut-être ailleurs dans le monde, il y a un véritable engouement  pour les opioïdes qui pourtant tuent des centaines, voire des milliers de personnes. Lorsque je travaillais dans une unité hospitalière de désintoxication, j'ai été moi-même témoin des effets de la prise excessive des analgésiques. Leur puissant potentiel addictif est beaucoup plus grand que leur bénéfice. Plutôt que d'orienter les patients vers d'autres méthodes de réduction de la douleur, les médecins prescrivent simplement des pilules. Non seulement cela mène à la dépendance, même chez les patients qui suivent les instructions et ne veulent pas devenir accro, mais cela conduit à une mentalité de rejet des solutions non médicamenteuses telles que la méditation, l'acupuncture, l'acupressure, le massage thérapeutique et autres. Il existe pourtant des preuves indiscutables que, pour de nombreux types de douleur, les opioïdes n'éliminent pas la douleur, ils déconnectent simplement une partie du cerveau. Il est vrai qu'il faut plus de temps pour guider un patient vers des thérapies alternatives. Il est également vrai que les assurances remboursent plus facilement une ordonnance de médicaments plutôt que des thérapies à long terme pourtant plus efficaces. Vimalakirti a bien compris que la fuite – même par les médicaments -  est induite par des idées religieuses malsaines. Ce n’est pas la solution, mais malheureusement il y a des milliers d’années que nous l’ignorons, à nos risques et périls. Nous ne tenons pas souvent compte de l'ego quand nous parlons de la maladie et de la souffrance. Pourtant, pour le malade qui souffre, c’est souvent une question d'ego, de quelque douleur qu’il s’agisse. En tant que stratégie de survie l’esprit est fortement axé sur le soi. Parfois, cette fixation sur soi est si intense que les autres et leurs besoins sont ignorés. Parfois, on a l’impression que le patient est exigeant ou inconséquent et pour les aidants c’est très difficile à assumer. L'ego est une fonction de l'esprit et Vimalakirti nous rappelle que  le corps n’a pas d’ego. Le corps rejette  l'esprit [body is overruling the mind ?? Vimlakirti insiste sur l’inséparabilité corps/esprit]  et il est important pour les aidants de le rappeler aux malades. Pour cela il convient de les encourager à enseigner aux autres. J'ajouterais que, bien que j’écrive dans une perspective bouddhiste et qu’il s’agisse d’enseigner en conformité avec le bouddhisme, cela peut s'appliquer à toutes sortes de pathologies. C'est pourquoi les groupes de parole peuvent être si bénéfiques non seulement pour le patient, mais également pour les soignants.Les gens sont souvent réticents à participer à des groupes de parole, sous prétexte qu'ils n'ont rien à apprendre des autres. Ce qu’ils oublient, c'est le bénéficie que l’on retire du partage et de l’aide que soi-même on apporte aux  autres. J’ai déjà souvent écrit à propos du moyen le plus rapide et le plus rapide de sortir des Quatre mondes-états  inférieurs (enfer, avidité, animalité, colère)  est de s’efforcer d’entrer dans le monde-état de l’humanité. Il est étonnant de voir comment le fait d’aider les autres permet de se rétablir, de guérir et de réduire la  douleur. Lorsque nous pouvons, ne serait-ce qu’un peu, déplacer notre attention de nous-mêmes vers les autres, cela a un impact considérable sur notre souffrance et sur la douleur.

Savoir définir où s’arrête la conscience de la vacuité du corps et celle de l’extinction finale est souvent la pierre de touche qui caractérise nombre de personnes qui dispensent des soins médicaux. Comment pouvez-vous dire la vérité sans plonger dans le désespoir et la négativité ? Vimalakirti a bien perçu cette difficulté et a mis en garde les personnes cherchant à apporter du réconfort. Ne pas mentir au sujet de la maladie ou des préjudices qui en découlent, être trop brutalement honnête cause aussi des dégâts. Il n'existe pas de réponse unique. Comment trouver le moyen d'annoncer à quelqu’un qu’on doit l’amputer soudainement d'une jambe, surtout si c’est une personne qui était active et pleine de vie quelques heures auparavant. Pourtant, il est évident que la vérité est inévitable. Dire à quelqu'un que sa vie ne sera plus jamais la même, ou qu'il va probablement mourir bientôt, est un message difficile à formuler et à entendre.

J’ai assisté à des débriefings où le médecin n’avait aucun espoir à offrir au patient et que sa mort était une certitude ;  le foie et les reins ne fonctionnant plus, la douleur ne pouvait pas être supprimée mais seulement atténuée. Tout cela parce qu’il y a eu déjà trop d’analgésiques délivrés sans ordonnance et que je ne veux pas nommer ici. L’équilibre d’un corps est délicat, et l’utilisation d’antalgiques est relativement anodine  par rapport à la prise de drogues plus puissantes et à leur mauvaise utilisation. Comment une chose aussi facile à se procurer, si petite et si facile à consommer peut-elle être aussi meurtrière? Comment un médecin peut-il dire cela ? Comment la famille peut-elle entendre ça ? Comment le malade vit-il cela et en meurt ?Lorsque je m'occupais de jeunes garçons au début de l'épidémie de sida, j'ai rencontré et soigné des êtres humains anonymes vraiment héroïques. Je l'ai déjà dit dans d'autres livres et je l'ai répété à maintes reprises dans des conférences, mais je ne peux pas m'empêcher de le dire encore et encore. Un garçon qui avait toujours voulu jouer de la trompette sans y arriver, a réussi à produire des notes qui rivalisaient avec une symphonie composée par un grand musicien une semaine avant son décès. Comme c’est beau de choisir qui vous serez au moment de la mort.

Vouloir mourir désintoxiqué et sobre alors que l’on pourrait se trouver des excuses pour boire ou se droguer  est quelque chose qui m’a toujours profondément ému. Pour beaucoup de ces jeunes garçons il était important de ne pas mourir en état de dépendance ou d’alcoolisme. Certains diront peut-être qu’ils n’ont été nets et sobres qu’un court laps de temps, eh oui, c’est vrai, mais ce court laps de temps, pour la plupart, était l’enfer. Ils ont choisi de ne pas rester en enfer, de ne plus souffrir de la vie même s'ils ne pouvaient pas éliminer la douleur et l'inutilité.Je ne sais pas comment ils ont fait. A leur place, je ne suis pas sûr que j’en aurais été capable. Ils n'avaient aucun soutien, à part ma présence et mon témoignage ; oubliés par la société, la plupart d'entre eux avaient été abandonnés par leurs amis et leur famille. Ils m’ont beaucoup appris et j’espère être un bon historien de leur vie. Ces garçons savaient qu'ils allaient mourir, ils allaient mourir seuls, ils allaient être oubliés, mais ils sentaient au plus profond de leur être qu'ils étaient responsables de la façon dont ils vivraient et mourraient. La dernière fois que j'ai vu le patchwork collectif réalisé en la mémoire de personnes décédées du SIDA (AIDS Memorial Quilt), il était devenu si important que tout ne pouvait plus être affiché au même endroit. Se promener et lire les pièces du mémorial avec des histoires en mots et en images était une expérience vraiment impressionnante et déchirante que je n'oublierai jamais. J’espère du moins que je ne l'oublierai jamais. Je n’ai lu qu’une infime fraction des histoires vécues par ces garçons, histoires qui se répétaient encore et encore. Je me souviens d'un garçon qui voulait apprendre à parler espagnol et qui maîtrisait un certains nombre de phrases avant sa mort. Cela peut paraitre sans utilité, mais rien n'est trivial au moment de mourir.Le moment de mourir. Mettez-vous à la place de ces jeunes garçons qui pendant des jours et des semaines savaient que leur mort était certaine et qu’elle était pour bientôt mais qui ont choisi de vivre pleinement. Combien d'entre nous oublient que nous allons mourir, ignorant notre propre sentence de mort, jour après jour, comme si la vie était un cadeau pour toujours. A y regarder de près, le corps est relativement neutre, c'est ce qu'on fait avec ce corps qui le rend inestimable. La vie prend sa valeur  du fait même que j'écris ceci et que vous le lisez. Ce qui compte, c’est votre histoire,  comment vous vivez votre vie, de quoi vous remplissez vos journées. Vimalakirti nous conseille de rappeler aux malades leurs actions négatives afin qu'elles ne se répètent plus, au lieu de les enfouir dans le passé sans  tenir  compte dans le présent et l'avenir de précieuses leçons. Au début de l'épidémie du sida, personne ne savait comment la maladie se propageait. Il circulait des tas d’histoires invraisemblables. En prodiguant des soins, je me suis engagé dans ce que l'on appelle maintenant un comportement à risque. Aujourd'hui, ne pas porter de gants et manipuler du sang et des serviettes imbibées de pus n'est plus une pratique courante dans un hôpital. Mais à l’époque je n'avais pas le choix, je n’avais à ma disposition que des chiffons usagés et de vieilles serviettes que je devais toujours relaver. Qui avait l'argent pour s’acheter tous les nouveaux articles propres et beaucoup moins stériles (septiques ???)? Certainement pas moi. Prêter mon rasoir et le réutiliser moi-même, comportait certains risques, même s’il était électrique. Se ronger les ongles jusqu’au sang  faisait que j’avais moi-même des blessures ouvertes. Certains pensaient que respirer le même air permettait à la maladie de se propager.Nous savons maintenant comment le sida et de nombreuses autres maladies contagieuses se transmettent. Mais que faisons-nous de ces informations ? Beaucoup choisissent de prendre un maximum de précautions, mais d’autres adoptent des comportements à risque. Aussi longtemps qu'ils existeront les êtres humains choisirons l’une ou l’autre voie. En fin de compte, nous sommes responsables de toutes nos actions et nous avons la capacité de tirer des leçons de nos actions passées, même si nous n’avons pas les ressources internes nécessaires pour agir autrement, pour vivre autrement.Ne pas assumer la réalité de nos comportements est radicalement autre chose que de transformer ces actions passées en armes utiles pour le malade et  le soignant. Oui, des erreurs ont été commises et elles ne peuvent pas être annulées. Le passé est vraiment derrière soi, l'effet de ce passé persiste mais les leçons de ce passé peuvent être exploitées. Le passé n’est pas et ne devrait jamais devenir une arme forgée par l’ego / moi-même, ni par d’autres. On ne frappe pas quelqu'un avec son passé. Vimalakirti revient encore sur la nécessité de rappeler au patient comment il peut faire profiter les autres de sa situation. Cela transforme la maladie en un enseignement pour éliminer la souffrance des autres. Je sais,  j’ai déclaré d’entrée que la maladie dont il est question dans ce livre n’était pas celle prise dans un but éducatif. Mais  ce que  j’entends dire ici est que la maladie dont on souffre peut être utilisée comme une leçon, que le patient peut apprendre quelque chose et puis le partager avec d'autres. Encore une fois, il s’agit tout d’abord d’un renoncement puis du passage dans le monde-état de l’humanité pour faire  sortir les autres de leurs souffrances.Ce qui me déplaisait le plus, que ce soit de la part des malades ou des aidants, c’était d’entendre : «Bon, je ne l’ai pas aussi mal que certains et je dois en être ou reconnaissant. » Il n'est pas sain d’évaluer de sa vie à l’aune de la misère des autres. Si votre seule parade est qu’il y en a d'autres pires que vous, alors votre consolation repose sur des bases instables. Je souhaite que les gens puissent exclure de leur façon de penser ces phrases autodestructrices. Il est possible d'être heureux sans que les autres soient malheureux. Il est possible d'être triste sans que les autres soient plus tristes. Il est possible d’avoir mal et que d’autres aussi aient mal. Il y a beaucoup de possibilités où vous n'avez pas besoin de dénigrer votre vécu personnel. Il y a des façons d'être sans dévaloriser votre ressenti, votre vie ou celle des autres. Vos sentiments et expériences sont réels, importants et ont de la valeur pour vous. Ils sont votre histoire, même si ce n'est pas toute votre histoire. Vimalakirti dit que nous devons rappeler aux bodhisattvas malades la grande fortune qu'ils ont créée et vécue au travers de leur pratique religieuse afin de ne pas laisser place à la tristesse ou à l'inquiétude  face à la réalité qu'ils vivent actuellement.

Avant de clore cette longue section sur Vimalakirti,  j’aimerais dire deux mots sur le nirvana et l’ego tels qu’ils sont enseignés dans ce sutra. L'idée du nirvana fait souvent partie d'une croyance dualiste en ce sens qu'elle s'oppose à l’idée d’un moi, d’un self. Le nirvana et le self sont shunya, vides d'eux-mêmes, aucun d'entre eux n'a de nature ni de caractéristiques fixes propres. La bonne approche dans le bouddhisme Mahayana est qu'ils sont égaux et que l'un ne doit pas être défini par rapport à l'autre.  Vimalakirti dit que c’est la voie de l'élimination du dualisme. Nous sommes  à la fois égaux au nirvana et devons déployer tous nos efforts dans la recherche de l'anuttara-samyak-sambodhi.  C'est la libération avec sagesse par des moyens opportuns (hoben).

Le Sutra Vimalakirti dit : « Le Dharma n'a rien à voir avec une théorisation paresseuse. Déclarer qu'il faut reconnaître la souffrance, renoncer aux attachements, prendre conscience de la nécessité d'atteindre l'extinction et pratiquer la Voie n'est que pure théorie, ce n’est pas rechercher la solution. »

Je ne saurais trop recommander  la lecture de ce sutra plutôt court. Reflet de la voix d'un pratiquant laïc, il offre une grande ouverture à  la compréhension et à la pratique du bouddhisme d'un point de vue concret.

Il ne m’a pas été facile de décider comment l’allais aborder le cœur du Mohe zhiguan (Maka Shikan) de Zhiyi. Il y tant de choses importantes dans cet ouvrage, en particulier à cause de son rôle dans la collecte, la systématisation et la diffusion de la médecine chinoise de son temps. Zhiyi est souvent désigné comme le père de la médecine bouddhiste et Nichiren en parle comme d’une émanation du Bodhisattva Bhaishajyaraja (Yakuo). Ce bodhisattva apparait dans le chapitre XXIII du Sutra du Lotus (Conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja,  Yakuo bosatsu honji hon). Ce chapitre commence par la question que Nakchatraraja-samkusumitabhijana (Splendeur Royale des Constellations) adresse au Bouddha :

 "Vénéré du monde, comment se fait-il que le bodhisattva Bhaishajyaraja ait voyagé jusqu'au monde Saha ? »

Zhiyi s’était rendu dans divers centres d'enseignement puis recueilli des informations auprès de visiteurs de son temple dans les montagnes. Il avait accumulé ainsi, une immense sagesse et la pratique médicales de son époque,  tout comme s'il avait parcouru le monde entier.Dans ce chapitre XXIII du Sutra du Lotus consacré à l'histoire du bodhisattva Bhaishajyaraja, le Bouddha dit :

« Ce Sutra peut dispenser une abondance de bienfaits à l'ensemble des êtres et combler leurs vœux […], il est comme le médecin pour un malade. » […] S'il est quelqu'un qui entende ce chapitre sur la Conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja  il obtiendra aussi des mérites innombrables et infinis.
[…] Ayant acquis cette adhésion, son organe visuel sera purifié, et grâce à la purification de cet organe visuel, il verra autant de bouddhas Ainsi-Venus que les sables de sept millions, deux mille myriades de milliards de Gange […] C'est pourquoi je te confie ce chapitre de la Conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja. Dans les cinq cents dernières années après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, tu le divulgueras largement dans le continent Jambudvipa sans permettre qu'il s'interrompe, car Mara, le peuple démoniaque, les devas, nagas, yakshas, kumbhanda en obtiendraient tout l'avantage. […] Pourquoi cela? C'est que ce Sutra est un remède efficace pour les maladies des hommes du continent Jambudvipa. Si quelqu'un est malade et qu'il puisse entendre ce texte, sa maladie se trouvera dissipée; il ne vieillira pas, il ne mourra pas. Dans ce chapitre le Bouddha parle à Nakchatraraja-samkusumita bhijana des mérites et de la supériorité du Sutra du Lotus. Il exalte la primauté de ce sutra de sept manières différentes :1- « Tout comme, par exemple, l'océan est primordial parmi l'ensemble des eaux, fleuves et rivières, ainsi en est-il également de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus profond et le plus grand des sutras exposés par les Ainsi-Venus.
2- De même encore que, de la multitude des montagnes, le Mont de Terre, Kalaparvata, le Mont Chakravala, le Mont Mahachakravala et les dix monts Précieux, c'est le Mont Sumeru qui est primordial, ainsi en est-t-il de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus éminent des sutras. 3- De même encore que, dans la multitude des étoiles, c'est la divine lune qui est primordiale, ainsi en est-il de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus lumineux des milliers de millions de myriades de textes et enseignements.
4- De même encore que le divin soleil est capable de dissiper les ténèbres, ainsi en est-il de ce Sutra, capable d'éliminer l'obscurité de l'ensemble des manquements au bien.
5- De même encore que, parmi les rois mandalins, le roi balachakravartins est le plus éminent, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est le plus vénérable des sutras.
6- De même encore qu'Indra est roi parmi les trente-trois devas, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est roi parmi les sutras.
7- De même encore que le grand roi des devas Brahma est le père de tous les êtres, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est le père de tous les sages et les saints, des apprentis et de ceux qui sont au-delà de l'étude, ainsi que de ceux qui ont déployé la pensée de bodhisattva.
8- De même encore que, parmi tous les profanes, le srotaapanna, le sakridagamin, l’anagamin, l'arhat, le pratyekabuddha sont primordiaux, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est éminemment primordial parmi les textes et enseignements, qu'ils aient été exposés par tous les Ainsi-Venus, par les bodhisattvas ou par les shravakas. Et il en est de même de ceux qui sont capables de recevoir et garder ce Sutra : ils sont aussi les premiers de l'ensemble des êtres. »

Voir avec Ryusho comment il compte les 7 primautés alors que j’en trouve 8.

Zhiyi est surtout connu en tant que grand compilateur et systématiseur du bouddhisme et les enseignements bouddhiques arrivés en Chine de divers endroits tels que le Pakistan, l'Afghanistan et l'Inde. Autant par la manière disparate dont le bouddhisme a été introduit en Chine, à cause, entre autres,  de barrières physiques telles que l'Himalaya, cet enseignement fut largement contaminé par les différentes langues et cultures par lesquelles il est passé. Le Sutra du Lotus lui-même fut fortement influencé par la classe marchande émergente et par l’impact des échanges le long de la route de la soie. Nous le voyons dans ses diverses paraboles. Il existe même des indices probants montrant que le comportement du père dans la parabole de la Maison en Feu était plus représentatif de l’Afghanistan que de l’Inde.

Zhiyi a systématisé non seulement le canon bouddhique, mais il en a fait de même pour la médecine bouddhiste et la médecine traditionnelle chinoise.La section du Mohe zhiguan (Maka Shikan) consacrée à la Méditation sur les Maladies  propose des instructions très détaillées sur la manière de diagnostiquer et de traiter diverses affections. C'est avec ce passage que j'ai eu le plus de mal. Pas à cause de sa complexité, mais plutôt de sa pertinence par rapport avec mon projet de livre et surtout pour le lecteur éventuel. Ce qui me préoccupe c’est la tendance des gens à diagnostiquer et à soigner eux-mêmes leurs maladies. Ce sont des comportements que les lecteurs de Zhiyi n’envisageaient même pas, sachant très bien qu’il faut laisser ces questions à des professionnels. Ceux-ci ont fait des études et se sont formés au contact d’autres personnes compétentes dans l’utilisation de  thérapies traditionnelles. Mon livre n'est pas destiné à être un guide d’automédication. Mon but est de fournir des conseils, inspirés par l’enseignement bouddhique, sur la façon de vivre en présence de la maladie, sur ce que notre pratique peut apporter à notre vie lors de la maladie, sur ce que nous pouvons gagner ou perdre de notre vie lors d’une  maladie, et comment atteindre l'Éveil dans la maladie. Il y a donc beaucoup de choses que je vais omettre ici parce qu’elles ne correspondent pas au projet que je me suis fixé pour ce livre. Cette omission n’est nullement due au manque d’intérêt de ce que dit Zhiyi. C’est après mure réflexion que j’ai  décidé de ne pas en parler. C’est également une question de sélection éditoriale afin de respecter les paramètres prévus pour  ce livre.

Revenons donc au chapitre Conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja où le Bouddha dit :

« S'il se trouve quelqu'un qui, ayant déployé sa pensée et désireux d'obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur, est capable de se brûler un doigt ou un orteil pour en faire offrande au stupa, il surpassera celui qui aura fait offrande d'objets aussi précieux qu'un royaume ou une ville »

Je me suis demandé comment il était possible de brûler un doigt dans une offrande sans flamme. C’est qu’en fait, il s’agit du feu de la passion. Quand je pense à l’abnégation du personnel médical et des soignants, je me rappelle ces nombreuses personnes dévouées et passionnées que j'ai rencontrées et avec lesquelles j'ai travaillé au fil des ans. Ces personnes étaient totalement engagées dans ce qu’elles faisaient. Il y a eu bien des cas où leur passion les avait exténuées, les a consumées comme le feu.

Si vous avez déjà soigné une personne atteinte d'une maladie de longue durée pour laquelle il n’y as de rémission ou, au mieux, après une très longue période, vous savez à quel point c’est lourd à porter. Il faut du dévouement, de la passion, même si on ne perçoit pas celle-ci comme telle, lorsqu’on soigne les grands malades. Et si on ne prend pas soin de soi-même on peut facilement être dévasté par le burnout. Quant Sarvasattva-priyadarshana (Vision-de-Joie-pour-tout-Être) a brulé ses deux bras, les bodhisattvas, les dieux, les hommes, les asuras et d’autres étaient submergés de tristesse. Cela me fait penser à la peine exprimée par les familles quand un proche ou un ami tombe malade. Ils sont pleins de désolation  et de d’inquiétude et se demandent ce qu’ils peuvent faire. Les médecins et les infirmières, alors même qu’ils voient un si grand nombre de tragédies, lorsqu’ils doivent soigner les grands malades dont la situation est sans espoir, sont encore capables de larmes dans leur cœur, même s’ils  n’en montrent rien au dehors. C’est aussi ce qu’éprouve l’assemblée lorsque Sarvasattva-priyadarshana brule ses bras. Les gens pensent rarement à la mort des médecins, infirmières, aides-soignants et thérapeutes de l'hôpital, mais leur famille professionnelle le fait. Lorsqu'un membre apprécié et dévoué de l'équipe meurt, l’impact en est énorme. Ces décès sont souvent dus à ce que l’on pourrait appeler du stress professionnel ; crises cardiaques et suicides, accidents de voiture liés au surmenage. Ce stress de tout soignant, que ce soit dans un établissement ou à la maison, est la plupart du temps négligé ou ignoré. Ce n’est pas seulement l’impact émotionnel qui est stressant, le travail l’est tout autant. Dans les établissements de soins, il y a toujours plus de patients et de besoins que de personnel. Et c’est encore plus vrai  à la maison. Les heures sont longues, car, bien que chez eux, les aidants ne peuvent jamais disposer de leur temps. Les ressources sont toujours insuffisantes, que ce soit dans un établissement ou à la maison. La passion et le dévouement sont ce qui vous permet de tenir le coup.

Un des derniers jeunes dont j'ai pris soin avant de quitter San Diego a été particulièrement éprouvant pour moi. Cela faisait plusieurs semaines que j’en occupais, ses infections étaient inconcevables et parmi les pires dont j'avais été témoin. C'était une bataille constante contre le  pus et de sang. Je ne sais pas comment il a réussi à vivre aussi longtemps. Juste avant qu’il ne meurt on a enfin ouvert à l’hôpital une unité de soin pour le sida et il a réussi à obtenir l'un des 5 lits. Il m’arrivait de passer 24 heures sur 24 à l’imprimerie où je travaillais et de fait, le soir de ma dernière visite, j’avais été de garde 36 heures. J'étais épuisé. Je me suis arrêté à l'hôpital en rentrant chez moi et je me suis assis à côté de lui dans sa chambre. C'était la première fois que je le voyais détendu depuis qu’il était tombé malade. Il était dans un lit propre. Le mieux que j’arrivais à faire, c’était de laver ses draps sans faire partir les taches de sang, peu importe comment je m’y prenne. Là, sa literie était toute blanche et sa tenue était propre. La pièce était claire et je suppose qu'il avait de la nourriture décente. Moi, je ne pouvais pas toujours lui fournir les meilleurs repas avec peu d'argent que j’avais, même s'il avait toujours quelque chose à manger. Je me suis affalé sur une chaise et m'endormis devant lui. Quand je me suis réveillé un peu plus tard, il m'a regardé et m'a dit : « Pourquoi ne rentres-tu pas à la maison maintenant, tu es fatigué et je vais bien. » J'ai dit que c'était une bonne idée et je l'ai quitté. Peu après mon retour à la maison, l'hôpital m'a appelé pour m'annoncer qu'il était décédé après mon départ.

Aussi douloureux que cela ait été, je n’ai pas eu le temps de pleurer car il fallait  prendre des dispositions pour son enterrement. C'était à moi, à mon partenaire et à une troisième  personne de trouver l'argent pour le faire incinérer et le porter en terre. Le jour de l’inhumation, sa mère est arrivée. Nous avions annoncé sa mort à sa grand-mère parce qu'il était proche d'elle. Mais sa mère l'avait chassé et l’avait totalement renié. Elle s'est présentée au cimetière et nous a demandé où il vivait parce qu'elle voulait récupérer ses affaires et les vendre. Nous avons refusé de lui dire. À certains égards, je pense que je suis toujours en deuil de sa mort.

« J'y perdrai les deux bras, mais j'obtiendrai à coup sûr un corps de bouddha de couleur d'or. » Je pense aux nombreux bouddhas au corps d'or que j’ai rencontré au cours des années et qui, par leur passion, ont non seulement renoncé à leurs bras, mais à leurs jambes, leur esprit, leur vie, en accomplissant des actes de compassion en prenant en charge des malades.« Si ceci est réel et non pas vain, que mes deux bras se reconstituent comme avant »

Et ces soignants reviennent encore et toujours à leur passion d’aider. Une nuit où  j’étais l’aumônier de garde,  j’ai été informé de l’admission à l’hôpital qu’un adulte avec un traumatisme du code de niveau 1. Ce niveau 1 signifie qu'il devait y avoir au moins une personne de toutes les disciplines hospitalières présente aux urgences. Le rôle de l'aumônier, dans ce cas, est défini de manière vague et il appartient généralement à chacun de le définir. Pour moi, c’était de commencer par avertir de ma qualité d’aumônier  la personne qui enregistrait tous les événements puis de me mettre aux côtés des personnes qui assuraient le traitement médical proprement dit. Tout cela dans un espace très réduit.

Une fois sur place, je me suis tenu à l'écart, fait daimoku dans ma tête et je pris acte de tout ce qui se passait : les efforts déployés par les professionnels qualifiés pour tenter de faire revivre un homme victime d'un accident de la route. En l’occurrence, c’était un piéton. Je récite le mantra  et regarde l’installation de la perfusion,  les injections censées donner un coup de pied chimique au cœur et pour augmenter le rythme cardiaque. Pendant tout ce temps, les soignants travaillent par roulement, multiplient les compressions thoraciques et ajustent le masque à oxygène. Les procédures sont très fatigantes et les soignants se relaient. Cela dure un bon moment mais en vain. Lorsque finalement on constate son décès j’assiste à quelque chose que je n'avais encore jamais vu auparavant. Au lieu de s’en aller vers un autre patient,  un autre traumatisme, ils restent là, s'embrassent et pleurent. Je pouvais voir trembler leur corps et  leurs épaules. Au bout d’un certain temps, ils se sont essuyés le nez et se sont occupés des affaires du service des urgences. Alors que quelques-uns d'entre eux terminaient la paperasse et les rapports, j'ai posé des questions sur la scène à laquelle je venais d'assister.

J'ai déjà décrit ailleurs cet événement,  mais je tiens à témoigner une fois de plus de l'histoire de Chilly Willie. C'était un homme sans abri, un homme de la rue. Il était ce qu'ils appelaient un habitué, parce qu'il se présenterait aux urgences une ou deux fois par mois pour se faire soigner. Pour lui, l’urgentiste était son médecin traitant ;  comme pour beaucoup de sdf et de pauvres. Il y a 10 ans sa femme avait été tuée par une voiture alors qu’elle était à pied. Avant cela, Chilly Willie était ce que la société qualifierait de normal ; il avait un emploi,  un lieu de vie et tout ce qu’il est convenu de considérer comme allant de soi. Quand sa femme est morte, tout s'est effondré. Pendant 10 ans, il a vécu dans la rue avec tout ce que cela implique. On m’a raconté cette nuit-là, que ces derniers mois, il avait commencé à changer et était sur le point de retrouver sa place dans la vie. Les hospitaliers le voyaient moins et quand il venait, il avait l’air de quelqu’un qui prend soin de sa santé. Les soignants de l’hôpital aimaient beaucoup Chilly Willie, cet homme que la société avait mis à l’écart. La société n'a pas de place pour un homme profondément traumatisé par le décès de sa femme. La société ne voyait en lui qu’un sans abri, sans nom. Les gens des urgences, ces bodhisattvas Bhaishajyaraja le connaissaient, il était pour eux une personne et ils pleuraient sa vie et sa mort.

7,8,9,10

À l’époque de Zhiyi, et en fait la plupart du temps, jusqu’à une époque récente, l’idée de vivre avec une maladie à long terme n’existait pratiquement pas : on guérissait ou on mourait. Avec les progrès de la médecine moderne, les gens vivent plus longtemps, meurent à un âge avancé malgré des maladies qui auparavant impliquaient la mort. C’est un avantage formidable de la science moderne et nous pouvons seulement nous en réjouir. Nous avons aussi beaucoup à réfléchir à ce qui est souvent passé sous silence. Vivre avec une infirmité ou une maladie n’est pas simple. Or les traitements médicaux permettant de vivre dans de telles conditions tiennent rarement compte des problèmes auxquels nous sommes alors confrontés : familles, aidants, institutions, assurances, etc.

Dans la suite de cet essai je me permets de modifier légèrement le vocabulaire de Zhiyi et parler non pas de guérison, mais de la façon de gérer sa maladie ou de vivre avec.  J’espère que mes excellents rédacteurs, John et Mary Huges, veilleront à ce que je m’y tienne. Je précise ma pensée. La guérison ou la mort n'est plus la seule alternative en cas de maladie. Il est possible de vivre avec la maladie envers et contre tout. La plupart du temps, nous tenons beaucoup à la vie. Du moins tant que la vie qui nous est donnée reste gérable et que nous pouvons reculer la mort grâce aux  médicaments et soins thérapeutiques. Je ne me lancerai pas dans le débat sur le suicide assisté, ce serait hors de propos. Pourtant, les soins médicaux dans les longues maladies constituent un problème réel et sérieux. Qu'advient-il du parent âgé qui peut vivre avec des maux physiques assez graves mais qui n'a personne pour s'en occuper et se retrouve donc dans un établissement médicalisé ? Est-ce que les soins qu'il reçoit alors sont toujours bien adaptés ?  Ce sont des problèmes majeurs auxquels les gens sont maintenant confrontés tous les jours.Nous avons une troisième option médicale qui n’existait  pratiquement pas à l’époque de Zhiyi, c’est pourquoi je pense que plutôt que de parler de traitements, il vaut mieux apprendre à les gérer du mieux que l’on peut. De plus, comme je ne suis pas médecin, je ne veux pas que les gens mésusent de ce que je développe dans ce livre et s’en servent non pas contre la souffrance de la maladie mais contre la maladie elle-même. Je ne pense pas pouvoir le répéter assez, étant donné la tendance des gens à s’appliquer leurs propres thérapies et autodiagnostics.

Je m’en tiens résolument à la conduite suivie par Nichiren. Quand il était malade, il faisait appel à l'expert médical le plus qualifié qu'il connaissait. À chaque fois, son fidèle disciple et médecin professionnel Shijo Kingo lui fournissait des prescriptions et des conseils pour le soulager. Nichiren avait, bien sûr, à sa disposition les écrits de Zhiyi  et aurait pu lire ses instructions mais il savait que la vraie sagesse était de s'adresser à des professionnels. L’habitude de Nichiren à rechercher une aide médicale lui a également permis de guider ses disciples lorsque ceux-ci  tombaient malade. Il n’a pas essayé de pratiquer la médecine, sa pratique était bouddhique.

Alors, s'il vous plaît, si vous êtes malade, comportez vous avec sérieux et demandez l'aide d'un professionnel. Que la maladie soit celle du corps ou de l'esprit, faites appel à des professionnels. Considérez ce que vous pouvez trouver dans ce livre comme des informations complémentaires du point de vue bouddhiste pour vous aider dans votre foi alors que vous prenez en charge votre maladie ailleurs. S'il vous plaît, faites-moi confiance, demandez toujours l'aide d'un professionnel.

La foi est une chose merveilleuse mais elle peut aussi être dangereuse. Je parlerai plus loin du pouvoir de la foi en cas de maladie. Pour l'instant, je voudrais brièvement m'arrêter sur l'idéation religieuse nuisible, utilisée par certains aumôniers dans le travail avec des patients et leurs familles lorsqu’ils font croire des choses néfastes pour leur vie et contraire aux conseils des professionnels de santé. En tant que bouddhistes Nichiren, nous récitons Odaimoku, Namu Myoho Renge Kyo, et nous croyons au pouvoir de ce mantra dans nos vies. Mais ce n'est pas une incantation magique. Même Nichiren a attribué les années supplémentaires de sa mère à un avis médical de Shijo Kingo en plus de sa foi et de sa pratique du Sutra du Lotus.

De la part du fondateur de notre École bouddhique, c’est une déclaration encourageante qu’avec un avis médical, des soins et un traitement appropriés, associés à une foi ferme, il a pu prolonger la vie de sa mère de sept ans. Il n'a pas pu empêcher sa mort et je ne connais aucun cas où il aurait envisagé de le faire. Même avec le pouvoir du daimoku, il pensait qu’il pouvait mourir sur l’île de Sado ou succomber aux rigueurs de la vie sur le mont Minobu. Il a toujours été franc en parlant des épreuves et difficultés de la vie, alors  qu'il était le croyant le plus ardent et le plus engagé du Sutra du Lotus.Je ne crois pas qu’il doutait des avantages de réciter daimoku, mais il comprenait que toute vie humaine menait immanquablement à la dégradation et à la mort du corps. Odaimoku n'est pas une phrase magique destinée à remplacer les soins dus à notre corps périssable par quelque artifice habile (hoben)  ou un tour de passe-passe. Vivre c'est mourir.

Dire que pour tout surmonter il suffit d’avoir la foi et réciter daimoku n’est pas toujours judicieux. Il y a des maladies et un karma que nous n’avons pas le pouvoir de maitriser ; nous pouvons juste atténuer, alléger ou nous adapter. Avec des affirmations que toute guérison est une question de foi, nous oublions que si une personne n'est pas en mesure d'éliminer ou de guérir une maladie ou de surmonter une épreuve, nous la soumettons à une culpabilité à l'égard de sa propre valeur et de sa croyance. Cela peut amener quelqu'un à penser qu'il est incapable d’avoir la foi,  alors que ce n’est pas vrai. Nous ne savons tout simplement pas quel cheminement dans la vie est dévolu à une personne. Nous pouvons être un meilleur soutien par notre simple présence, en prenant conscience de la souffrance de l’autre, en acceptant de l’accompagner sans jugement, en tant qu'ami qui ne les délaissera pas quoi qu'il arrive. Il n’est pas désastreux de réconforter  les gens, mais il est  inutile de les encourager en termes de foi en sous-entendant que s’ils échouent ce sera à cause de leur incrédulité.

J’ai eu affaire à des patients dont la maladie était aggravée par la culpabilité d’avoir fait quelque chose de mal, de ne pas avoir une foi assez ferme, ou de recevoir une punition divine. Ces sentiments ont un impact très négatif sur le traitement proposé par le personnel médical.

J’aimerais ajouter quelques mots sur le pouvoir de la foi et son impact positif - ou négatif - sur la santé d’une personne. Notre foi dans le Sutra du Lotus et notre récitation de daimoku mettent en adéquation notre vie et les vérités de l'univers. Il y a la vérité que tous les êtres sensibles sont égaux en ce qu’ils possèdent potentiellement le même état de bouddha en accord avec leur aspect, leur nature, leur entièreté, etc. c’est-à-dire en accord avec les dix ainsités (nyoze). En tant qu'êtres sensibles dotés d’une forme matérielle, nous sommes tous également soumis au cycle de la naissance, de la croissance, du vieillissement, de la maladie, de la dégénérescence et de la mort. En tant que participants au miracle de la vie et de la mort, nous pouvons, en tant que bouddhas, être pleinement conscients que tous les êtres, y compris nous-mêmes, ont un potentiel de souffrance et que notre foi peut nous orienter - et nous permettre de guider les autres - vers la manière d'éliminer la souffrance sans éliminer ni la douleur ni la perte.En 1971, je me trouvais à la base du Corps des Marines alors stationné à Kaneohe, à Hawaï. Cette année-là, j'ai eu une douleur et des boursouflures importantes aux genoux. C'était terrible,  je pouvais à peine marcher tout seul. Je suis allé à l'infirmerie et on m'a envoyé au Tripler Army Medical Center, de l'autre côté de l'île. Après de nombreuses consultations médicales, on m’a dit que je souffrais d’adhérences de tissu cicatriciel trop volumineux au niveau des genoux qui dataient de l’entraînement au camp il y a trois ans.On m'a prescrit une thérapie physique rigoureuse qui  consistait à me rendre tous les  jours à la base du dispensaire pour y effectuer les exercices requis et prendre des bains bouillonnants ;  il n'y avait pas moyen d’y couper, pas de relâche. On m'a assigné à des tâches réduites, sans rester longtemps debout, sans marcher, sans m'agenouiller ni m'accroupir. Après six mois, il n'y avait aucune amélioration et il a été décidé que la seule option était la chirurgie pour enlever les rotules et les remplacer par des prothèses en plastique.

Lorsque j’en  parlais à  mes dirigeants et responsables de la Soka Gakkai, les Japonaises se montrèrent très inquiètes, tout autant que moi. L’idée de genoux  synthétiques d’une durée de vie limitée et devant être remplacés au bout de quelques années signifiait que je serais condamné à vie aux problèmes de rotules. Elles ont réagi  immédiatement, selon leur coutume, et ont obtenu pour moi un gofu, un bout de papier spécial que l’on doit « avaler avec des médicaments». Ce gofu  était censé provenir du papier utilisé pour nettoyer la surface du grand Gohonzon, situé au temple principal de la Nichiren Shoshu au Taisekiji. Les instructions étaient que je devais réciter un million de daimokus avant de le consommer. Le gofu spécial a donc été placé sur l'autel principal du sangha local et, en un mois, j'ai achevé le million de daimoku.Je me souviens toujours avec émotion des nuits passées à réciter daimoku dans l’obscurité devant le Gohonzon de ce centre d'Hawaï, une fois que tout le monde était parti.  L'ancien centre de pratique était entouré par un étang koi avec plusieurs cascades. Comme la température état assez douce, les fenêtres étaient ouvertes et je mêlais mes daimoku au son de l'eau et des insectes de la nuit. Je m'endormais, me réveillais, faisais daimoku et me rendormais. Je n’ai pratiquement rien fait d’autre que réciter le mantra. Je me souviens que je n’étais ni tendu ni inquiet. Je me sentais assez serein et confiant que tout irait pour le mieux. À ce moment-là, j’avais déjà un peu compris le sens de la pratique : il n’était pas nécessaire de s’inquiéter mais des actions appropriées étaient toujours nécessaires. Après un mois, j'ai finalement pris le gofu avec un peu d’eau de l'autel. Je me souviens de ma déception de ne rien ressentir de magique, pas de flash, pas de chair de poule, c'était tout à fait ordinaire, à part le fait de manger du papier.

Mon prochain rendez-vous à l'hôpital devait être avec cinq chirurgiens qui allaient faire un dernier bilan pour mes genoux et fixer la date de l'opération. Auparavant, j'avais passé une dernière série de radiographies. Je savais déjà qu'il y avait eu une amélioration significative de mes genoux, le gonflement était passé et la douleur avait également disparu. Les médecins  conclurent que la chirurgie ne serait pas nécessaire et que je devais être réintégré dans l’actif avec une mention de blessure liée au service.

A dire vrai, je ne sais pas exactement ce qui s’est passé. Oui, il semblerait que les daimokus et le gofu aient «guéri» de mes genoux. Pourtant, j’ai toujours hésité à en parler pour éviter toute simplification et amalgame avec une guérison miraculeuse. Je ne peux prendre partie ni dans un sens ni dans un autre. Il s’est passé quelque chose, c’est tout.Une des raisons pour lesquelles je suis si réticent de mettre en avant le gofu et les daimokus  est que les gens ont tendance à créer des raccourcis et penser qu’ils arriveront au même résultat "magiquement",  s’ils agissent de la sorte. Odaimoku et notre pratique bouddhiste ne peuvent être réduits à la croyance en des phénomènes miraculeux extérieurs. Il y a au cœur de tout cela nos efforts et notre foi et ce n’est en aucun cas facile. C’était, je crois, une combinaison de la mobilisation de ma foi et de mes ressources intérieures de guérison, de la pratique et  du désir de faire de mon mieux pour mon corps et mon esprit, de l’attention que j’ai reçue des femmes japonaises compatissantes, du soutien du sangha, du traitement médical et des soins des aides médicaux militaires. C’était tout un tas de choses et si l’on en excluait une, le résultat aurait été totalement différent.Des études récentes montrent que, dans de nombreux cas, le traitement de nombreuses maladies commence au moment de la prise de rendez-vous chez le médecin. L'acte même de se rendre à une consultation marque davantage la fin de la maladie que le début du traitement. Dans mon cas, le processus remonte à six mois. La guérison a-t-elle commencé dès ce moment ou lorsque j'ai pris le gofu ou bien les deux? Je ne sais tout simplement pas. Je sais que l’un n’a pas empêché l’autre.Peut-être que les daimokus et le gofu se sont-ils combinés pour concentrer mes capacités intérieures de guérison alors que la simple bonne volonté n’en était pas capable. J'avais peut-être plus confiance dans le gofu et le daimoku que dans la thérapie classique. Je ne suis sûr de rien. Et donc, bien que je mette en garde contre les idéologies religieuses néfastes, je leur laisse la possibilité d’être utiles.Je lis volontiers des livres de science-fiction, des romans fantastiques et des contes merveilleux. Si vous avez lu quelque ouvrage qui a trait à la magie, la sorcellerie,  l’occultisme et la tradition, vous avez pu noter que le pouvoir d'un nom est une constante. En fait, les mages, les sorciers et les occultistes protègent leur vrai nom, sachant que celui qui connaît leur nom a un pouvoir sur eux. Connaître le nom d’une personne, c’est avoir un pouvoir sur elle. Pensez à cela par rapport à votre nom. Peut-être que cela ne vaut pas pour vous, mais il me semble qu’il y a là quelque chose.  Lorsque quelqu'un prononce mal votre nom, vous le corrigez presque immédiatement, peut-être par réflexe, sans pour autant vous braquer dessus.

Lorsque vous travaillez à l'hôpital, vous avez affaire à de nombreux noms, en particulier auprès d'une population croissante d’immigrants. Ces noms peuvent être très différents de ceux qui étaient courants dans le temps. J'ai toujours pensé qu'il était important de faire de mon mieux pour prononcer correctement le nom de quelqu'un. Parfois, lorsque je bafouillais les gens essayaient de venir à mon secours en disant que c’était bien comme ça, que ce n’était pas grave. Ce qui, dans mon esprit, les caractérisait d’une certaine manière par la dépréciation de la valeur de leur identité, de leur nom.

Mon nom de famille est Jeffus et c’est curieux comme les gens ont du mal à le prononcer. Souvent, ils essaient d’y insérer des lettres pour en faire quelque chose de différent, comme Jeffers, qui est l’une des versions les plus fréquentes. Pour être honnête, je préfère que ce soit prononcé correctement, même si j’accepte habituellement tout charabia que la personne arrive à articuler. Mon prénom est maintenant Ryusho, après que je l’ai fait légaliser il y a plusieurs années. C’est un nom difficile pour les anglo-saxons. Généralement, je les laisse ignorer l’Y que de toute façon ils seraient incapables de prononcer. Pour les non Japonais la différence est subtile et difficile à articuler sans entrainement. Mais je préfère qu’ils fassent l’effort de s’en rapprocher.  Vous n’êtes peut-être pas comme ça, mais il semblerait que la plupart des gens aiment bien que leur nom soit prononcé correctement.  Vous vous demandez, peut-être, ce que cela a à voir avec la réflexion sur la maladie. Eh bien,  lorsqu’ils connaissent le nom de quelque chose, la plupart des gens ont l’impression de disposer d’un «pouvoir» sur cette chose. Quand je vivais au Japon, j'étais surnommé «nan to iu’n desu ka», qui veut dire à peu près « comment ça s’appelle ? ». Il était vital pour moi de connaître le nom de certaines choses pour que je puisse exercer un certain pouvoir sur mon environnement ou, du moins, ne pas être complètement impuissant.

D’après ce que j’ai pu voir,  les gens se sentent rassurés lorsque le médecin formule un diagnostic et donne un nom à leur maladie. C’était aussi ce que je ressentais autrefois et je me demande pourquoi je ne trouve plus cela aussi réconfortant. Connaitre le nom de sa maladie signifie qu’au moins on sait ce que j'ai et cela peut être rassurant. C'est aussi une forme de confirmation, que quels que soient les symptômes, ils sont identifiables, connus, compris et ont un nom. Je peux maintenant dire que j'ai telle maladie avec ce nom particulier. J'ai le nez qui coule très fort, parfois de manière incontrôlable. La maladie porte le nom de rhinite et, lorsque le médecin me l'a dit je me suis senti soulagé un bref instant : voilà,  j’avais quelque chose qui avait un nom ! Quel soulagement ! Et puis je me suis demandé si j’étais réduit au mot rhinite, une petite entrée dans un dictionnaire médical, la page 694, volume 2 ? Ne suis-je pas plus que ça? Est-ce que le médecin ne va plus m'écouter parce qu'il m'a classé dans un fichier selon le jargon médical ? Parfois, j’en ai l’impression.

J’ai pu lire le soulagement sur le visage de patients quand ils apprenaient le nom de leur maladie, même lorsque le nom était épouvantable et qu’il n’y avait pas de remède ;  mais il y avait un nom ! Je comprends que cela puisse être réconfortant d’un certain côté. Je comprends aussi, pour l’avoir vécu moi-même, combien il est pratique de réduire un individu à sa la maladie.

Il y a une chose que l’on enseigne aux aumôniers et que j’ai eue à mettre en pratique avec les malades atteints du sida, c’est que la maladie ne définit pas la personne, bien que cette personne puisse mener une vie marquée par cette maladie. En entrant dans une chambre vous n’allez pas dire : «Bonjour, Monsieur Cancer du pancréas !», ou «Bonjour, Madame Bronchopneumopathie ! » Pourtant, j’ai assisté à des consultations et j’ai même connu un médecin qui sans le moindre mot d’accueil, passait directement au dossier du malade ne se préoccupant nullement de la personne.  Si connaitre le nom de sa maladie est parfois rassurant, cela  peut aussi devenir rapidement une étiquette méprisante.  « Ah, Monsieur Asthme, je sais tout ce qu’il faut savoir sur vous, peu importe comment vous allez, ce que vous ressentez, quels sont vos symptômes ;  je connais votre maladie et je suis le maître de votre traitement. »  C’est l’impression que l’on a en écoutant certains médecins, ou encore des publicités télévisées.Dans ce que vous vivez  et lorsque vous vous occupez de personnes  malades,  évitez de devenir une étiquette et gardez-vous de mettre des étiquettes réductrices sur des personnes.

J'ai passé beaucoup de temps à l'unité de soins intensifs en cardiologie et j'ai bien assimilé le jargon médical, les traitements, les médicaments, le but des interventions et les raisons de certaines procédures et leur finalité. Je pense qu’une de mes fonctions était de maintenir le sens de l’humain, de garder un lien avec la personne. Oui,  il y a tous ces symptômes et certains traitements et protocoles sont appropriés. Mais au-delà de ça il y a un être vivant qui souffre -  ou non - et nous pouvons communiquer avec cette  personne et non pas avec sa maladie.  J’ai travaillé pendant des années en gériatrie et je connais pas mal les nombreux maux qui affectent les personnes âgées. Je connais les symptômes récurrents, les effets secondaires des médicaments et ce à quoi ressemble un patient «non-conforme». Mais aucune de ces choses ne fait partie du patient et toutes les personnes n’expérimentent pas la même chose ;  ce qui apparaît non-conforme ne l’est pas forcément,  toutes les personnes qui cherchent à soulager la douleur ne se font pas pour autant des « chercheur de drogue ».Le patient est une personne qui présente certains symptômes. Nous sommes des patients. La chose la plus importante lorsqu’il s’agit d’une maladie est de se rappeler que vous êtes plus qu’une maladie doctement nommée et que vos symptômes sont les vôtres et non ceux décrits dans un traité médical.

Mettez-vous à l’écoute de vous-même. Il peut même être utile de noter quelque part vos expériences. L’esprit a une fâcheuse tendance à déformer la réalité. Certains d'entre vous savent que je suis un fervent utilisateur d’un journal de bord. C’est, d’ailleurs, plus qu’un journal, une liste de courses, des notes sur le lever du soleil, ce que j’ai acheté à l’épicerie la semaine dernière et le montant que j’ai payé. Il contient également des notes sur mon état de santé général. Actuellement, je souffre du syndrome récurrent du muscle piriforme (douleur aux fessiers et aux jambes). J’ai mal en marchant, en m’asseyant et même la position couchée est douloureuse. C’est à la fois douloureux et épuisant, ce qui me stresse encore davantage, car je ne peux pas faire les choses qui me tiennent à cœur et améliorer ma qualité de vie. Pour autant, je ne baisse pas les bras, je me bats. Cela fait maintenant un mois que la douleur est si intense que je peux à peine marcher. Parfois, j'ai besoin d'une canne pour me tenir debout. J'ai constaté que si j’utilise un coussin chauffant et un stimulateur TENS, je peux marcher sur un terrain plat environ 30 minutes et pas très loin. Comme je vis dans une région très accidentée, je prends la voiture avec mon chien jusqu’à un grand parking et le terrain d'une église du quartier et je marche sur ce terrain plat jusqu'à ce que cela devienne insupportable. Petit à petit, ça va mieux.

Lorsque je n’ai pas le moral, je me dis que vraiment cela n’en finit pas. Et c'est effectivement ce qui peut sembler. Pourtant, lorsque je regarde mon journal, je constate des progrès, même dans les hauts et les bas, et que cela ne dure que depuis un mois. La première fois que j'ai eu ces spasmes, j'ai souffert pendant sept mois ;  j'ai survécu et je m’en suis sorti. Ainsi, le journal m'aide à ne pas me décourager.

Tenir un journal est aussi un bon conseil médical, car vous avez alors une indication précise de votre état de santé lorsque vous parlez à un soignant.  Lorsque vous vous rendez chez le médecin et que vous n’avez rien de concret à dire, que vos souvenirs sont vagues ou non spécifiques, vous tendez une perche au médecin pour remplir les blancs de votre fiche avec des symptômes en jargon médical et vous devenez de ce fait un article de plus dans un livre de références.

Lorsque vous allez chez le médecin et que vous dites que pendant 50 jours des deux derniers mois, vous avez éprouvé d’énormes difficultés à venir  à bout de certaines tâches, que vous avez essayé tel ou tel comportement et pris tel médicament précédemment prescrit et que vous décrivez les résultats obtenus, toutes ces information font que l’on vous considère comme une personne et non pas comme une maladie à expédier au plus vite. Vous gardez votre humanité face à des termes réducteurs. Vous restez un patient et non pas une maladie.Là, j'ai parlé de la tenue d'un journal de votre expérience de la maladie, un journal de santé. Dans le temps, j’ai également préconisé la tenue d’un journal de gratitude. Noter les choses, peu importe la façon dont vous le faites, par des mots, des dessins, des collages, une forme totalement libre ou un mélange de tout cela, n’a aucun effet nocif connu, seulement des effets bénéfiques. Il parait que notre cerveau, et peut-être même tout notre être, est programmé pour se souvenir de ce qui est négatif plus que des bonnes choses.  Cela est peut-être dû à l'importance de savoir où se trouvait hier le tigre à dents de sabre qui a tué votre compagnon des cavernes. Il est important de vous rappeler où étaient ces baies toxiques que votre ami a mangé et dont il est mort. Savoir où se trouve le danger est la clé de la survie et les risques sont ainsi maitrisés.

On a pu constater que les journaux de gratitude aident de manière significative à réduire la tristesse, le désespoir, la dépression et d’autres coups durs, tels que le stress. Alors, aujourd'hui, de quoi êtes-vous reconnaissant ? De quoi étiez-vous reconnaissant la semaine dernière ? Que s'est-il passé au début du mois et dont vous vous rappelez comme d’une expérience agréable ? Qu'est-il arrivé il y a quinze jours? Je suis prêt à parier que la plupart des gens ne se souviennent pas de cela au bout d’une ou deux  semaines. Pourtant cela peut provoquer des changements subtils dans votre santé.

Comme nous l’avons tous constaté, la durée des consultations a été considérablement réduite et dure maintenant environ 7 minutes. Pour les médecins, c’est déjà pas mal. C’est vraiment court mais cela ne risque pas de s’améliorer de si tôt. A nous, en tant que patients, de savoir comment utiliser au mieux le temps imparti.Il faut déjà savoir qu'avant de vous voir dans votre chambre d'hôpital ou dans son cabinet, le médecin a lu votre dossier, votre histoire de la maladie ou du moins un résumé de celle-ci. Il sait donc de quoi vous vous êtes plaint la dernière fois, puisque c’est noté. Généralement, c’est quelque chose du type « le patient présente tel symptôme », ou « le patient se  plaint de… ». Ce ne sera jamais intégralement vos paroles mais un résumé de ce qu’ils ont jugé important lors de votre dernière visite. Et même là on peut se demander comment ils arrivent à en avoir le temps. En cours de consultation, ils prennent ou non des notes, mais ordinairement ils se rendent sur leur ordinateur ou dans la zone de documentation médicale et dictent verbalement à l’ordinateur ou à un service de transcription. Parler prend moins de temps que d’écrire, c’est plus efficace. Le mémo vocal est ensuite transcrit par un service et enregistré dans votre dossier. Il arrive que les notes soient saisies par le médecin, mais généralement ce n’est pas le cas, surtout dans des situations d’urgence. Bien sûr, ce n'est pas une règle fixe et cela peut varier considérablement.Le médecin a en mains votre dossier, et vous n’avez pas besoin de recommencer toutes vos explications. Vous pouvez passer votre consultation à parler de ce qui a déjà été enregistré, c’est votre choix, mais ce n’est pas forcément l’utilisation la plus efficace de votre temps avec la personne dont vous  attendez un diagnostique et un remède à votre maladie. Certes, s’il y a quelque chose de nouveau à signaler, il est important de le faire. Dans le dernier hôpital où j’ai travaillé, on donnait aux patients un journal et un stylo pour enregistrer les événements à l'hôpital : ce que vous faisiez,   si vous aimiez la nourriture, les infirmières et les agents des services. Tout et n'importe quoi. Plus important encore, votre famille et vos amis pouvaient y noter, pour les médecins et les infirmières, leurs préoccupations concernant votre santé.Si sous estimez que vous disposez de trop peu de temps dans un cabinet de médecin, songez qu’à l'hôpital vous auriez probablement encore moins de temps. De plus, alors qu’au cours d’une consultation chez le médecin, vous savez à quel moment vous serez reçus, à l’hôpital, il est peu probable que l’on vous mette au courant et surtout c’est rarement le cas quand votre famille ou votre aidant est présent. Le journal est alors une bonne idée car, lorsque le médecin ou l’interne vous examine, vous pouvez recevoir une réponse à vos questions et les noter pour garder en mémoire ce qui a été dit,  ce que vous pouvez attendre de votre traitement, etc… Cela peut être un précieux aide-mémoire.De plus, lorsque la famille arrive et que vous êtes fatigué ou que vous êtes simplement tout à la joie de voir vos petits enfants, vous n'avez pas à vous soucier de savoir si vous oubliez quelque chose que le médecin vous aurait dit. Et lorsque votre famille vous bombarde de questions, vous pouvez simplement y répondre à partir de votre journal et n’avez pas besoin de vous battre pour essayer de tout vous rappeler. Cela peut également servir à vérifier si vous avez ou non reçu les procédures que vous attendiez, comme des analyses et des tests de médicaments. Vous avez peut-être pensé qu'aujourd'hui, vous alliez subir un scanner cérébral et vous remarquerez que rien ne semble aller dans ce sens. Vous pouvez ensuite en parler à votre infirmière à qui on n'a peut-être pas transmis cette information. Ou peut-être avez-vous mal compris, ou peut-être même le médecin a-t-il réévalué la situation et changé d’avis mais que vous n’en avez pas été averti. Ces choses se produisent constamment et le journal de bord peut vous aider à tout réguler.

Je me suis beaucoup étendu sur la relation médecin-patient, mais cela est tout aussi vrai et applicable aux prestataires de soins à domicile,  la famille et les amis ou même les agents de soins palliatifs. Savoir ce qui a fonctionné il y a deux jours ou ce qui ne fonctionnait pas il y a deux jours est une information plus précieuse que «je ne me sens pas bien» ou «je ne vais pas bien depuis des semaines ».Écrire des notes, même brèves, comme  « je suis allé vider la poubelle et j’ai eu un malaise et du mal à respirer ; il était 20 heures et quand je suis remonté  il m’a fallu mon traitement respiratoire par nébuliseur, ce qui m’a beaucoup soulagé. Le lendemain, je me sentais bien, mais j'étais un peu fatigué et j’ai beaucoup dormi. Mon sommeil était interrompu par des difficultés respiratoires et j'avais besoin de mon inhalateur de secours. » Toutes ces informations sont utiles et précieuses. Savoir que 6 jours sur 10, vous avez dû recourir davantage à votre inhalateur - plus d’une  fois par jours -  sont des informations importantes qui peuvent servir de base à de nouvelles modifications de votre traitement.

"Les remèdes de ce monde séculier peuvent coûter une fortune et être longs à préparer. De plus, ils peuvent avoir mauvais goût et avoir des contre-indications. Mais ceux qui comptent sur eux pour guérir continuent à les prendre jusqu'à leur mort. Quant à moi, je propose un procédé qui ne coûte pas un sou, ne demande même pas une demi-journée de préparation, n'est pas amer au goût, et peut être mangé ou bu sans restriction. Malgré cela les gens ne cherchent pas à s’en servir,  les hommes ordinaires n’en connaissent pas les effets et ne sont pas conscients de sa valeur. Peut-être que son action est si élevée et que peu de gens sont capables de l’apprécier ; cela me cause une grande peine. "

Ce texte de Zhiyi datant du VIe siècle aurait pu être écrit aujourd'hui. Le prix de certains traitements est maintenant tellement exorbitant qu’il est hors d’atteinte. De plus  presque tous les médicaments ont des effets secondaires qui en restreignent le bénéfice. Ce n’est pas que ces effets secondaires vont forcément se manifester mais savoir qu’ils existent nous perturbe lorsqu’on les prend.

Pendant plusieurs jours j’ai suivi un fil Twiter sur les médicaments prescrits pour des personnes âgées, qui pouvaient provoquer des chutes ou être en conflit les uns avec les autres. Bien que cela ne concernait que les ordonnances pour personnes âgées, je pense que tout cela est vrai et préoccupant pour tout le monde. Il est vrai  que certains médicaments sont en conflit avec d’autres, et sont toxiques lorsqu'ils sont pris ensemble. Certains médicaments doivent être pris pensant les repas et d'autres à jeun. Certains médicaments peuvent être pris avec certains aliments et pas avec d'autres. Prendre des médicaments sur ordonnance est compliqué et le patient n’a pas toujours suffisamment d'informations pour s’y conformer.

Cette conversation sur le Twit préconisait d’avoir recours toujours au même fournisseur unique, une seule pharmacie, qui permettra au pharmacien d’examiner les médicaments que vous prenez actuellement et de vous conseiller sur les interactions néfastes possibles. Vous pensez peut-être que c’est le rôle de votre médecin, mais ce n’est pas toujours le cas. Bien sûr, il connait votre hdm (histoire de la maladie) et quand je me rends à l'hôpital des Anciens Combattants, mon médecin examine les médicaments que je prends. J'ai la chance d'avoir un seul fournisseur de soins de santé en tant qu’Ancien Combattant. Mais pour de nombreuses personnes, en raison de diverses polices d’assurance, leurs fournisseurs de soins médicaux peuvent être différents, voire même votre réseau hospitalier agréé peut varier. Cela signifie que vous pouvez éventuellement consulter différents médecins.

En outre, un pharmacien est plus spécialement formé aux médicaments prescrits. Votre médecin peut être au courant de certains des avantages et de certains des effets secondaires possibles. Mais il risque de ne pas être aussi bien renseigné sur les interactions avec d’autres médicaments. C'est une spécialité de pharmacien. Chaque fois qu’un médicament nous est prescrit, il est important d'évaluer le bénéfice potentiel par rapport aux conséquences négatives possibles ou aux restrictions liées à la prise de ce médicament.

Outre les avantages et inconvénients de divers médicaments, il convient d’examiner d’autres domaines pour en déterminer les éventuels bénéfices. Il y a plusieurs années, j'ai dû subir une chirurgicale orthopédique de l’épaule à la suite d’une rupture de la coiffe des rotateurs. C’était assez douloureux. La particularité d'une rupture de coiffe est la douleur atroce lorsque vous dormez,  bien plus forte qu’à l’état de veille. En effet, lorsque vous vous endormez, votre bras se détend et les muscles, ceux qui sont déchirés et ceux qui sont sains, ne retiennent plus correctement l'épaule dans son emplacement anatomique. Bon, en fait c’est un peu plus compliqué que cela. A cause des délais de l’entente préalable des assurances, il s’est passé plus de six mois entre le diagnostic initial et l'opération. À ce moment-là, les muscles de mon épaule et de mon bras s'étaient tellement atrophiés que je n'avais pratiquement aucune mobilité. En outre, les articulations avait commencé à se calcifier et se souder aux os ???????  L’opération a été la plus douloureuse que j’ai jamais eue et je souhaite ne plus jamais rien subir de semblable. L’intervention chirurgicale avait été horrible et les six mois de rééducation quotidienne étaient tout aussi horribles. Au début, lever le bras au-dessus de mon ventre auquel il était attaché après l'opération m’était totalement impossible ; le kiné le levait progressivement chaque jour un peu plus loin pendant que je restais allongé et complètement anéanti. Le moindre millimètre d’étirement me donnait l'impression que l’on me tordait le bras dans le dos.

Après ces séances quotidiennes je rentrais chez moi complètement épuisé, écrasé par la douleur. Au travail, je devais apprendre à tout faire de la main gauche : ordinateur, souris, stylo… je devais apprendre à manger comme un gaucher ou plutôt comme un manchot.  J'ai eu de la chance que mon travail et mes assurances couvrent la thérapie et mes absences quotidiennes au travail. Beaucoup de gens n’ont pas ce privilège. Quand je repense à tout cela maintenant, je vois mal ce que cette expérience a pu avoir de positif, à part que le problème résolu. Même à ce jour, j’ai du mal à mettre ma ceinture de sécurité comme un droitier ;  de  ma main gauche je dois soulever mon coude droit pour ajuster la boucle de la ceinture.

Mais si on prend la crise cardiaque de mon frère le tableau est totalement différent. C’était relativement sans gravité : artères bouchées et pose de stents. Il n'a pas eu besoin d’une chirurgie majeure. Mais il a vécu cela comme un coup de semonce pour changer de régime et faire de l’exercice. Nous l’avons toujours considéré comme «à gros os», un peu trapu mais certainement pas gros. Maintenant, après plusieurs années à manger plus sainement et à faire de l’exercice,   il est bon pour des compétitions de culturisme en Californie. Quand j’ai vu sa dernière photo il y a quelques mois, je lui ai dit qu’heureusement il n’avait pas à me chercher à l’aéroport, car je ne l’aurais pas reconnu, tellement il a changé. De toute évidence, sa crise lui fut bénéfique. Mais cela fut possible que grâce à la manière dont il l’a utilisée pour prendre en mains son avenir.

Permettez-moi une petite digression, tout en restant sur l’effet positif  ou négatif selon la façon d’envisager ce qui nous arrive. Tout médecin hospitalier – et cela était également vrai pour moi – utilise des codes pour les patients. Ainsi il y a un code spécifique pour un arrêt cardiaque. En tant qu’aumônier, nous avons également des codes. Dans la journée, vous êtes sollicités par certains codes seulement dans votre unité, la nuit ou sur appel, vous répondez à tous les codes. Dès qu’un code est diffusé, une équipe d’intervention rapide se mobilise et se précipite à l’endroit désigné.  La vie d’une personne dépend de son arrivée et vous n’avez pas à être sur son chemin.

Dès que les soignants arrivent, ils commencent le massage cardiaque ;  les compressions thoraciques elles sont violentes et se poursuivent jusqu'à ce que le cœur commence à battre ou jusqu'au code annonçant le décès du patient. J'ai assisté à des procédures dans lesquelles, à la fin, le patient n'était plus qu'une poupée de chiffon, la cage thoracique brisée à force d’être comprimée.  Il arrive même que des côtes perforent des organes, pas souvent, heureusement. Pour vous donner une idée, un gars musclé et robuste ne survit généralement pas plus de 10 minutes, bien que cela puisse sembler être des heures. Les soignants massent à tour de rôle car c’est épuisant.

Tout le monde n’est pas d’accord pour laisser  la famille à assister à cette procédure, tellement elle est violente. À mes débuts à l'hôpital de Charlotte, la politique consistait à faire sortir la famille, ce qui incombait aux  aumôniers ou à l'infirmière de garde. Dans ce cas, une fois la famille éloignée, je revenais et prierais à l'extérieur de la salle de soins. C’est très dur de regarder ça, poignant, surtout si on connait la procédure et le résultat habituel. Pourtant, les familles et les patients y tiennent. Maintenant, la politique est de permettre à la famille de suivre la réanimation

Je suis d'accord pour que la famille regarde. Parfois, les proches ont des idées et des attentes irréalistes. Laissez-moi vous dire que si vous avez déjà suivi une formation en RCR (Réanimation cardio-respiratoire)  avec un mannequin, vous n’avez, pour autant, aucune idée de ce qui se passe. En fonction du corps du patient, de son poids, de sa graisse, de son âge, etc., le patient rebondit parfois littéralement du lit pendant que la personne qui masse met tout son poids dans les compressions. Imaginez une personne de 80 kg. appuyant de tout son poids sur votre sternum et répétant cela plusieurs fois par minute.

Il y a aussi la question des directives anticipées (ou testament, peu importe le nom) posée aux patients : souhaitez-vous être réanimé ? C'est une question standard pour toute personne admise à l'hôpital. Si une personne dit oui, elle est répertoriée par un code complet, ce qui signifie que si le cœur s’arrête, elle obtient la RCP. Je ne sais ce que vous savez sur la réanimation cardiaque, personnellement le seul endroit où j'ai vu l'utilisation un défibrillateur c’est à la télévision, jamais dans la salle des urgences, jamais dans la chambre du patient, jamais ou que ce soit ailleurs à l'hôpital. Donc, si vous pensez que c’est courant, il serait bon de procéder à un réajustement.

Si une personne choisit de ne pas être réanimée, elle est répertoriée comme (ne pas réanimer)  Je suis un NPR et un NPI (ne pas intuber). Quand mon coeur s'arrêtera il restera arrêté. On dit que la plupart des professionnels de la santé choisissent le NPR, bien qu’ai seulement lu dans des livres sans vraiment faire  d'enquête. La RCP peut sauver une vie. Bien que ce soit rare, cela c’est déjà produit. Il m'est impossible de dire quand c'est bon et quand cela ne l'est pas, c'est plus compliqué que ça. C’est un choix que chacun doit faire pour lui-même et de nombreux facteurs interviennent pour qu’une personne choisisse l’un ou l’autre.

Prenons mon cas  pour illustrer certaines des considérations lors d’une prise de décision. Tout d’abord, j’ai 69 ans, j’ai eu une belle vie, une vie bien remplie et bien plus longue que presque tous mes amis. J'ai vécu presque aussi longtemps que la plus vieille personne de notre histoire familiale. Bien que je ne sois pas pressé de partir, je ne résiste pas non plus au départ. À 69 ans, mon corps et mes os ne sont plus aussi forts qu'auparavant, bien qu'ils ne soient pas aussi fragiles que chez certains amis de mon âge. Je suis un homme. La densité osseuse ne diminue donc pas aussi rapidement que chez les femmes. Pourtant, j’ai vu ce que le corps ressentait pendant la RCP et je ne le souhaite pas, je ne veux pas me réveiller avec une poitrine tellement douloureuse que je peux à peine respirer et qu’il n’existe pas de traitement de la douleur dans ces cas.

Par ailleurs  je n'ai pas de conjoint, mon partenaire est décédé avant moi,  il ne reste donc que moi. Je ne suis responsable de quiconque autre que mon chien, personne ne dépend de moi pour continuer à vivre ou pour qui être un soutient. Je suis à peu près certain que si j'avais une personne à charge, ma décision pourrait être différente compte tenu d'autres obligations. Si j'avais un conjoint qui dépend de moi, mes critères de décision seraient différents. Certainement si j'étais plus jeune, avec un conjoint et un enfant ou des enfants, mon choix pourrait très bien être de faire de la RCP et d’accepter tout ce qui est nécessaire pour me maintenir en vie.

Nos conditions de vie peuvent et doivent influer sur nos décisions en matière de santé et d’options de traitement. Les ignorer peut  être dommageable. C'est une situation à laquelle on est  souvent confronté à l'hôpital où un patient très âgé est répertorié comme code complet, ce qui signifie qu'il souhaitait la RCP. Selon toute vraisemblance, s’il survit à la RCP, il souffrirait de diverses autres complications, telles que des fractures des côtes pour lesquelles rien ne pourrait être fait et qu’à un âge avancé, la guérison prendrait beaucoup de temps. C'est pourtant leur choix. Malheureusement, beaucoup de gens ne comprennent pas bien ce qu’ils ont choisi. Un conjoint peut ne pas être prêt à perdre un être cher et exiger la RCP même si du point de vue physiologique ce n’est pas judicieux.

Il faut également savoir que le personnel médical dispose d’une information qui échappe au grand public, c’est que le taux de recouvrement du RCP est à la télévision d’au moins 75%. Dans le monde médical réel, il est inférieur à 10%, ce qui est nettement inférieur. De plus, on ne pense pas toujours que le peu de ceux qui  ont ainsi été réanimé (moins de 5% environ), ne vivent pas plus de 2 ans ou moins. Mes chiffres datent  peut-être et je les ai arrondis, les pourcentages sont probablement pires. S’il  reste de bonnes raisons de pratiquer la RCP, ce n’est pas toujours ce que les gens en attendent ou pensent.

J'espère qu’près avoir lu cela, vous réexaminerez vos conditions de vie. De manière générale, nous ne savons jamais exactement à quoi nous allons devoir faire face. Qu’est ce que vous êtes prêt à endurer pour maintenir votre vie ? Pour moi, j’ai exclu tout traitement agressif, en particulier celui qui réduirait de manière significative ma qualité de vie. A ce stade et à mon âge, je privilégie la qualité sur la quantité.

Pour une personne plus jeune avec une plus grande espérance de vie et avec un corps plus résistant, le choix peut être davantage axé sur la quantité, dès que  la qualité peut être recouvrée après la guérison. Il n’existe pas de solution unique et il est important d’anticiper cette question au lieu d’attendre une urgence. De plus, même en cas d’urgence, vous pouvez changer d’avis. Moi aussi je pourrais changer d’avis. Mais j’y ai réfléchi, je suis préparé et, surtout, je vois clairement  mes objectifs et mes valeurs. Il est toujours  bon de faire le point sur ses valeurs, de préciser ce qui est important et pourquoi. Et cela vaut pour vos objectifs en matière de santé ; les informations que vous pouvez détenir, peuvent vous fournir une base pour vos décisions, même si celles-ci  peuvent changer avec le temps.

«Les remèdes de ce monde séculier peuvent coûter une fortune et être longs à préparer. De plus, ils peuvent avoir mauvais goût et avoir des contre-indications. Mais ceux qui comptent sur eux pour guérir continuent à les prendre jusqu'à leur mort. Quant à moi, je propose un procédé qui ne coûte pas un sou, ne demande même pas une demi-journée de préparation, n'est pas amer  au goût, et peut être mangé ou bu sans restriction. Malgré cela les gens ne cherchent pas à s’en servir,  les hommes ordinaires n’en connaissent pas les effets et ne sont pas conscients de sa valeur. Peut-être que son action est si élevée et que peu de gens sont capables de l’apprécier ; cela me cause une grande peine. "

Au début de cette section, j’ai cité un texte de Zhiyi où il parle d’un remède gratuit, rapide à préparer, qui n’a pas d’effets secondaires et qui peut être pris sans restriction. Il déplore que, malgré tous ses avantages, les gens refusent de l’utiliser. Dans la parabole du Joyau dans la doublure du Sutra du Lotus, nous apprenons que le bénéficiaire de ce don a longtemps erré, pauvre, affamé, sans ressources, sans savoir qu’il avait une pierre précieuse dissimulée par son ami dans le bas de son manteau. Les gens trainent dans la souffrance même s’ils ont entre les mains le médicament pour mettre fin à toutes leurs afflictions et  même quand on leur en parle, ils vous tournent le dos.  

J'ai vu tant de cas semblables en travaillant à l’hôpital. Les gens reçoivent des ordonnances et des médicaments qui, s’ils sont suivis et pris conformément aux consignes de leur médecin, amélioreraient considérablement leur état, mais ils n’en font rien  pas et finissent très rapidement par s’y installer à demeure. Il y a bien sûr plusieurs raisons à cela : économiques ou sociales ;  ou parfois parce qu’à l'hôpital on leur prête attention, alors qu'à la maison, ils sont ignorés. Les raisons de non-observance des instructions peuvent généralement être identifiées et traitées. Les situations les plus difficiles sont celles où une personne ne veut tout simplement pas faire un effort pour sa santé.

Zhiyi dit que la réussite tient à dix facteurs suivants : 1. Foi, 2. Utilisation, 3. Zèle, 4 Cohérence, 5. Distinction entre les maladies, 6. Moyens, 7. Temps, 8. Tri et rejet, 9. Protection, 10. Connaitre  les obstacles

La foi, c’est connaitre la Voie bouddhique, la première porte à passer. La foi, c’est une confiance si forte qu’elle ne peut être vaincue par le plus grand de ses ennemis, le doute. Ce n’est croire en n’importe quoi sans avoir étudié le Dharma et acceptant les inconséquences. Ce n’est pas une foi aveugle hors de la raison et de la logique. Le questionnement, la recherche continuelle et la sagesse apportée par l’étude font partie de la foi. Plus nous expérimentons notre foi plus elle grandit.

Je me demande si en racontant ma vie je peux mieux m’exprimer. Peut-être avez-vous vécu quelque chose de semblable, ou peut-être pas. Quand j'ai commencé à pratiquer et que j’étais confronté à un problème, mes daimokus étaient un mélange de désespoir et de détermination. J'ai pratiqué comme si la situation était était sans issue et plusieurs fois c’était le cas. Les daimoku étaient remplis d’une telle détermination que c'était comme si j'essayais d’en frapper le Gohonzon. En écrivant ceci et recréant ces moments, l’image qui me vient à l’esprit est celle de grenades d’Odaimoku que je lançais sur mon problème à travers le Gohonzon ; rappelez-vous qu’à l’époque je servais dans l’armée.

Une grenade c’était bien et mille seraient encore mieux. Mais il m'arrivait de penser que même mille grenades ne suffiraient pas. Ma foi n’allait pas plus loin que la quantité de grenades que je devais lancer pour faire exploser mon problème en mille morceaux. Selon Nichiren, un seul daimoku peut déplacer une montagne et je cherchais toujours ce daimoku parmi les milliers que je récitais. Je savais que je pouvais gagner et que la réussite tenait de la foi, mais je ne savais pas ce que c’était exactement, je devais certainement ressentir que je ce n’était pas exactement la foi que je ressentais. C'était comme si j'avais une autre sorte de foi, une foi désespérée.

Des années plus tard, travaillant à l'hôpital, j'ai été témoin de ce genre de foi désespérée chez d'autres personnes, de toutes les confession. Ce n'étaient pas des incroyants dont la foi était faible, ils étaient dans un monde différent, celui du désespoir. C’était comme s’ils disaient : « Je sais que cette croyance était vraie, et pourtant je suis suffisamment désespérée pour que ce ne soit pas le cas ; alors tant qu’à faire je prie ; je prierai avec foi, je prie sans foi, je prie simplement parce que je suis désespéré. J’en étais à peu près là.

Puis, au fil des années, face aux problèmes, certains du même type mais pas toujours, j’ai noté en moi un changement. Je savais toujours que je devais faire beaucoup de daimokus sans m’arrêter et je savais que cela marchait, mais je n’avais plus besoin d’un tas de grenades Odaimoku, je pouvais réciter des daimoku très doux.

Quand j'étais dans le Corps de Marines, ma pratique bouddhique a été menacée à trois occasions. Parfois, j’écopais d’une punition en plus d’une absence de promotion ou bien on me transférait ailleurs. La première fois, j'ai eu très peur, mais cela m’a évité la possibilité d'être tué et j’ai repris le dessus. La deuxième fois, ma vie a été directement menacée et cela a également affecté mon rang. J'ai réussi à surmonter cela aussi. Enfin, la troisième fois, cela n’affectait que la possibilité de pratiquer librement et mon rang, ce que j’ai aisément surmonté.

Comme je l'ai dit,  la première fois, j’étais très angoissé, la deuxième fois, j'étais toujours effrayé mais très déterminé. La première et la deuxième fois, j’ai tenu le coup grâce au soutien moral et des encouragements des membres du sangha. Je ne pense pas que j’aurais pu poursuivre ma pratique sans leur soutien. La troisième fois était nettement différente. Je ne me suis pas inquiété du tout. C'était comme si la persécution arrivait à quelqu'un d'autre. J'ai récité daimoku en ayant conscience de la situation, mais jamais à ce propos ni dans  l'attente d'un résultat positif ou négatif.

C’était une expérience toute différente de pratiquer en dehors du problème, sans pour autant l’ignorer, continuant simplement à créer de bonnes causes, à être constant dans la pratique et à soutenir le sangha lorsque cela était nécessaire. Il ne s’agissait nullement de fermer les yeux sur le problème et d’espérer qu’il disparaîtra. C'était une pratique pleinement consciente de la situation, sachant que ma foi et ma pratique m’apporteraient ce dont j'avais besoin et que mon angoisse n’avait pas lieu d’être.

La dernière brimade consistait à m'interdire de pratiquer le bouddhisme dans le baraquement : je devais retirer mon petit autel et il m’était interdit de faire mes prières à haute voix ni à la vue de qui que ce soit. Difficile à faire dans un baraquement sans la moindre cloison ou espace d’intimité. Lorsque je passais en  Cour martiale, parce que j'avais refusé de m'y conformer, le commandant en second de l'escadron qui parlait en mon nom a déclaré que tant que l'armée ne m'aurait pas fourni de lieu de pratique sûr, elle ne pouvait pas interdire mes pratiques religieuses. Il a également dit que j'étais un grand atout pour toute l’une unité par une morale positive, que j'étais toujours d’humeur joyeuse, que j'encourageais les gens et aidais toujours ceux qui en avaient besoin. Il a dit qu'il ne serait pas dans l'intérêt de l'unité de m’interdire ce qui me permettait de me comporter ainsi. Les accusations ont été abandonnées, j'ai été autorisé à garder mon butsudan et j’ai été promu au mérite comme sergent ; pas mal, non ?  Bien que cet avancement intervenait avec six mois de retard. Mais le fait qu’il ait été accordé au mérite faisait meilleur effet dans mon dossier ; tant pis si le retard m'a fait perdre pas mal d'argent.

Au fil des ans, les daimokus de désespoir se sont transformés en daimokus de confiance et de certitude. Le tout est de comprendre que votre idée d'une solution n’est ni possible ni même souhaitable. Parfois, lorsque nous commençons à pratiquer, nous le faisons pour obtenir un résultat spécifique. Les daimokus du désespoir et des grenades ne marchent pas toujours.

L'important, me semble-il, est de décider fermement qu’avec la foi et la pratique vous serez capable de gérer votre épreuve. Je sais qu'il est naturel de se demander si votre foi est correcte et assez forte. Je sais que cela arrive, je suis passé par là. Il y a, en tous cas, une chose dont je peux vous assurer ce que  peu importe ce que vous pensez de votre foi et comment elle devrait être pour être parfaite. Votre foi est parfaite par rapport à votre cheminement.  Que vous déclariez calmement «j'ai la foi» ou en serrant de toutes vos forces les dents «J'AI LA FOI, BON SANG», votre foi est bonne. Si vous croyez alors c'est la foi. Au fil du temps, votre foi change et cela vient de l'intérieur. Alors ne pensez pas que vous devez faire quelque chose. Ne faites pas comme moi à chercher continuellement ce  daimoku parmi les autres qui déplacera une montagne. De toute façon, il est fort probable que vous l’ayez déjà prononcé  hier sans vous en rendre compte car la montagne est toujours en mouvement. C’est ce qui m’est arrivé, la montagne a bougé, et elle bouge encore.

2 – Ensuite vient l’utilisation. S'il est important d'avoir la foi, de bons médicaments, de bons médecins et un bon plan thérapeutique, aucun d'entre eux n'a de valeur en soi, à moins que nous ne les utilisions. La foi sans pratique est une chaise à trois pieds à laquelle il en manque une et qui tôt ou tard finira par tomber. Les trois piliers de notre pratique bouddhiste sont la foi, la pratique et l'étude. Il ne sert à rien de proclamer la foi et de ne pas mettre cette foi en pratique dans le quotidien.

Vous pouvez avoir les meilleurs médicaments, un bon médecin, un bon établissement et une bonne assistance, mais si vous ne respectez pas les instructions, si vous ne prenez pas les médicaments ou si vous ne suivez pas le plan de traitement recommandé, ne soyez pas surpris que votre santé ne s’améliore pas. Et ce n’est pas la peine de mettre votre échec sur le dos de quelqu’un.

Un jour, que je rendais visite à une patiente nous avons pu parler à cœur ouvert.  Elle m’a beaucoup parlé d’elle-même,  de la façon dont elle était tombée malade, des traitements qu'elle suivait,  puis, tout a coup, elle m'a confié qu’elle ne prenait pas les médicaments qu'on lui donnait à l'hôpital. Lorsque les aumôniers voient des patients, les conversations sont pour la plupart confidentielles et ce que dit le malade reste entre lui et l’aumônier. Il y a cependant quelques exceptions, par exemple si le patient parle d'automutilation ou si, comme dans ce cas, révèle qu'il jette ses médicaments. Après ma visite je me suis rendu au poste de soins infirmiers pour planifier la suite et contacter le médecin et l’infirmière de la malade. Je leur ai expliqué que la patiente jetait médicaments. L'infirmière s’est montrée très étonnée parce qu'elle surveillait toujours que les médicaments étaient bien pris. Peut-être que la malade les gardait dans la bouche et les recrachait après le départ de l'infirmière. Le médecin a estimé que c’était bien possible. Les médicaments auraient dû traiter sa maladie et elle aurait dû aller mieux, ce qui n’était pas le cas.

Elle avait donc les médicaments appropriés pour soigner son état mais elle ne les utilisait pas et faussait les résultats du traitement. Ce n’était pas à moi de chercher à comprendre pourquoi elle jetait les médicaments elle ne m’en a pas parlé ;  même quand j’ai exprimé ma stupéfaction elle n’ait pas répondu. Je savais que le médecin et l’infirmière pourraient trouver une stratégie pour lui administrer tout de même les remèdes. En guise de conclusion, j’ajouterais que la patiente a pu quitter l'hôpital peu de temps après, étant complètement rétablie.

Il y a de multiples raisons pour ne pas utiliser les outils efficaces qui sont à notre disposition.  La plupart n’ont aucun fondement raisonnable et vont contre notre propre intérêt. Certes, si nous disons que nous sommes bouddhistes, alors il semble logique que nous utilisions les outils de notre foi et que nous pratiquions selon les instructions qui nous ont été données. Comme je l’ai dit plus haut, suivre les conseils de Nichiren et de sa pratique consiste à faire confiance aux professionnels de la santé et à les associer à notre foi et à notre pratique.

Zhiyi compare cela au fait de porter un sabre tranchant lorsque vous êtes attaqué par des bandits. Si vous ne savez pas le manier vous ne pourrez pas repousser les bandits et si vous tenez votre sabre à la main vous les provoquez et leur attaque pourrait être pire. On pourrait dire que d’une certaine façon cela correspond à la prise partielle de médicaments sur ordonnance, surtout lors les antibiotiques. Ne pas observer la dose prescrite peut en réalité aggraver la maladie. J’en reparlerai plus loin car plusieurs considérations se chevauchent.

3. Zhiyi parle de zèle de façon très stricte et mon expérience prouve la nécessité de prendre au sérieux ses conseils. Quand il s'agit de vaincre la maladie ou de vivre avec la maladie, il importe de ne jamais se relâcher. Zhiyi dit que nuit et jour, du lever au coucher du soleil, sans marquer d’arrêt du début, du milieu et de la fin de la nuit, nous devons pratiquer avec zèle. Il dit que votre sueur montre le degré de votre engagement. Si vous essayez d'allumer un feu et d'arrêtez à mi-chemin, il vous sera difficile de bénéficier de sa chaleur.

Comme je l'ai déjà expliqué à la fois à propos de mes problèmes de genoux et les brimades que j'ai subies dans l'armée, j'ai récité daimoku sans répit chaque fois que je le pouvais. Il est vrai que lorsque ma foi a changé, mes daimoku n’étaient plus des boulets de canon mais traduisaient davantage une détermination intérieure qui  pouvait être  paisible, calme et inébranlable en me basant sur mes expériences précédentes. Peu importe où vous en êtes dans votre daimoku ou votre foi, ne perdez pas le temps à les juger ou d’essayer de les rendre conformes à l’expression de la foi de quelqu'un d’autre. Il suffit de pratiquer beaucoup et jusqu’au bout, jusqu'à ce que vous parveniez à une certitude apaisée  pacifique, quelle qu'elle soit. Laissez-vous fusionner avec votre daimoku,  et être un, dans l’harmonie. Si vous êtes angoissé, pratiquez jusqu'à ce que vous ressentiez la paix.

Parfois, lors de la visite de patient chrétiens je les entends m’avouer, un peu honteux, qu’ils soient parfois terriblement en colère contre Dieu. Je leur demande souvent s'ils aimeraient lui hurler dessus. Parfois cela faisait sourire, à d'autres moments, ils hurlaient vraiment contre Dieu. Ils me demandaient généralement si je pensais que c’était bien ou si Dieu serait en colère. Je répondais souvent que d’après ce que beaucoup de chrétiens me disent à propos de leur Dieu, il serait certainement capable de le supporter, qu’il était assez costaud pour ça. De plus, il sait déjà que vous êtes en colère, n'est-ce pas? Et que lorsque vous criez, vous affirmez simplement votre intégrité. Vous êtes en colère, vous avez peur.  Vous ne Lui cachez rien en refusant d’admettant votre angoisse, par peur  de la réponse. Lorsque vous êtes en harmonie à la fois physiquement et mentalement, vous pouvez vous concentrer sur ce dont vous avez besoin en ce moment et abandonner toute idée d'offenser Dieu alors qu'il / elle connaît de  toute façon votre sentiment négatif.

J'ai déjà parlé de la difficulté de vivre avec une longue maladie ou une maladie qui nécessite une longue période de rétablissement. Si vous vous rappelez bien, j'ai comparé cela à un long voyage et aux défis d'une pratique continue et régulière. Le zèle exige que nous ne soyons pas découragés par le fait que les choses ne semblent pas s’améliorer, cela signifie que peu importe ce qui advient, nous ne pouvons pas baisser le bras et laisser Mara nous vaincre.

Il est vrai que parfois, le mieux que nous pouvons espérer c’est de changer de conditions de vie pour de moins difficiles que précédemment. Il est également vrai que cela pourrait être votre nouvelle réalité à partir de maintenant. La tentation est ici de s’installer dans une pratique sans conviction fondée sur la démission face aux circonstances. Ce n’est rien d’autre que Mara qui mène son armée de découragement et de défaite, présentant comme impossible toute chance de succès.

Au cours de la nuit, lorsque le Bouddha était assis sous l'arbre bodhi, juste avant l'Eveil, Mara avec ses grandes armées attaqua le Bouddha. Il essayait de lui faire croire que c’était sans espoir, qu’aucun être aussi isolée que l’était Shakyamuni puisse surmonter de telles difficultés. C’est la même chose lorsque nous examinons notre santé et affirmons qu’elle ne peut pas s’améliorer. Alors, à quoi bon faire des efforts ?

J’ai maintenant un certain âge, pas aussi vieux que certains de mes lecteurs éventuels ni aussi jeune que la plupart de ceux qui vont lire ceci. Mon corps est en train de changer, si je dis que je suis sur le  déclin cela peut paraitre un peu geignard, mais c'est certainement vrai. Ma vision  beaucoup baissé et je devrais subir une opération de cataracte dans quelques mois. Ma respiration devient de plus en plus difficile. Mes douleurs articulaires sont parfois si fortes tardives que je ne peux pas marcher plus que quelque pâtées de maisons. Il y a de bons jours et d’autres moins bons.

Ce matin, une amie m'a appelé au téléphone, une voix que je n'avais pas entendue depuis que j'ai quitté Charlotte. Nous nous sommes liés d’amitié quand j’étais en formation  d’aumônier. Un jour pendant le cours il s’est passé quelque chose de très déstabilisant et j’en étais totalement abattu. Elle m’a réconforté, m'a encouragé et m'a soutenu comme si je n’étais pas responsable de l’incident, mais en me faisant honte de m’écrouler pour si peu. Alors quand ce matin je l’ai eue au téléphone je lui ai rappelé qu’effectivement certains jours sont meilleurs que d’autres et qu’aujourd’hui était un bon jour parce que j’avais reçu ce message inattendu de sa part.

Je parle de cela pour deux raisons. La première est la réalité de la vie et donc que mon corps continuera à décliner, ce ne sera pas toujours mauvais mais je ne serai plus jamais jeune et je n’aurai jamais la force, l’endurance ou la faculté de récupération des jeunes. Ce n’est pas un mal, c’est la réalité. Je ne suis pas triste, je ne suis pas en colère, j'essaie de vivre cette expérience telle quelle sans l’aggraver par des sentiments négatifs ou désespérés. La fin de ma vie n’est pas pour tout de suite, son histoire reste encore à écrire. Et ce n'est pas le moment d'abandonner, de capituler, de plier ma tente et de rouler mon sac de couchage, ni de relâcher ma foi et ma pratique. Maintenant, plus que jamais, c'est le moment idéal, parfait pour pratiquer. Dans ma vie, je n’ai jamais eu une  telle  opportunité,  il y a donc beaucoup de territoire inexploré et d’expériences à vivre. Je vais donc me payer une double ration de chocolat revigorant : Odaimoku.

La deuxième raison de parler de ce message est qu’il me rappelle à quel point il est important de rester en contact avec les gens. Nous ne nous rendons pas compte à quel point il est vital de prendre des nouvelles de ses amis même s’ils sont en bonne santé ou cette sorte de discrimination. C’est ça le sangha vivant. Votre communauté est à la fois nourrie par vous et vous nourrit. Les relations que l’on crée sont déterminantes pour la santé et le bien-être de l'homme.

La solitude est l’une des principales causes de décès dans le monde. Le nombre de décès imputables à l'isolement a considérablement augmenté ces derniers temps dans tous les groupes d'âge, toutes les sociétés et toutes les populations. Ne prenez pas cela comme un jugement négatif sur la prolifération des ordinateurs mais un avertissement sur leur mauvaise utilisation et les habitudes  malsaines. Alors que de plus en plus de personnes remplacent les contacts personnels face à face par des échanges informatiques, le nombre de décès liés à l'isolement augmente.

4- Le quatrième élément des 10 caractères dont parle Zhiyi est la cohérence. Par cela, Zhiyi entend que les méthodes que nous employons pour vivre dans une maladie ne doivent pas être contradictoires entre elles.  Chaque pensée, chaque effort, notre façon de vivre la maladie, tout doit être basé sur notre foi. Il serait malsain pour nous, croyants du Sutra du Lotus et du bouddhisme, d'employer des pensées et des croyances allant à l'encontre de ce que nous affirmons être notre conviction fondamentale. Comme le fait remarquer Nichiren dans l'une de ses lettres, le mélange de riz et de sable le rend impropre à la consommation. Alors que nous avons accès aux enseignements les plus élevés du bouddhisme, tels qu'enseignés par le Bouddha, il ne sert à rien de le mélanger à d'autres enseignements moins efficaces ou moins fondamentaux. Cela ne signifie aucunement que nous devrions ignorer ou ne pas rechercher des professionnels de santé compétents. Il est totalement faux de dire que la foi et la pratique du Sutra du Lotus sont suffisantes pour vaincre toute maladie. Le Sutra du Lotus nous enseigne, au chapitre XVI, que le médecin habile mélange des herbes et d'autres ingrédients pour en faire un médicament agréable et régénérateur afin de guérir ses fils malades d’avoir pris du poison. Nous aussi avons besoin de combiner les ressources dont nous disposons dans la médecine moderne avec notre foi et notre pratique du Sutra du Lotus. L'un n'exclut pas l'autre.

Garder constamment à l'esprit le Sutra du Lotus en suivant les conseils avisés des prestataires de soins médicaux est un contrat que nous devons respecter tout au long de notre vie. En fait, toute pratique médicale établit un partenariat entre le soignant et le patient. Nous pouvons améliorer l'efficacité du prestataire médical en mettant notre foi au premier plan dans nos cœurs et nos esprits. Pour ceux qui sont tentés de chercher le soulagement dans divers procédés, par exemple combiner différents bouddhismes ou mélanger avec d'autres croyances ne sert qu'à semer le trouble dans l’esprit. Or celui-ci est essentiel  dans le processus de guérison.

Butiner les valeurs de différentes religions, c'est, au fond, ne croire en rien. Cela peut vous sembler dur, mais la vérité est qu’en absence de foi, on s’accroche à un tas de choses en espérant qu’une au moins fonctionnera. Finalement, on ne sait pas en quoi croire pour de bon. Faute de conviction, les aptitudes de l’esprit et de la croyance sont éparpillés et inefficaces.

es possibilités qu’offre Internet et l'accessibilité à l'information sont en même temps un bienfait et un danger éventuel. Il est bon que nous puissions nous renseigner sur notre état. Le risque provient de la difficulté de vérifier l'exactitude des ces informations. Tous les récits personnels sur les remèdes et les traitements ne sont pas exacts et il existe peu de ressources sur Internet pour leur vérification. Bien connaître votre corps, faire confiance à vos convictions spirituelles, vous assurer de la compétence de votre prestataire de santé, tout cela concourt à obtenir les meilleurs conseils possibles. Il est important de toujours garder à l'esprit que le vieillissement, la dégradation de l'organisme, les problèmes de santé, etc., sont fondamentalement naturels.

Beaucoup de traitements peuvent être mis à votre disposition mais pour vous, ils peuvent ne pas être la meilleure solution. C'est pourquoi il est si important de pratiquer le Sutra du Lotus,  de se connaître, de savoir ce qui est essentiel pour vous, et de veiller à la cohérence de vos convictions, de vos objectifs et de vos attentes. C’est totalement inconséquent de demander à votre médecin de vous prescrire un traitement que vous n’envisagez pas de suivre. On peut alors parler à juste titre d’incohérence. Il vaudrait  mieux ne pas consulter ce médecin ou dire d'emblée que vous ne voulez pas de ce traitement. 

Pour ma santé, et surtout ma respiration, on m’a conseillé de me débarrasser de mon chien. Les squames d'animaux domestiques provoquent des allergies néfastes  pour la respiration. Je sais que la science a raison mais je sais aussi que ce n’est pas quelque chose que je peux faire. Lorsque mon pneumologue m'a recommandé de me débarrasser de mon chien, je lui ai répondu que  je reconnaissais le bien-fondé de la science, mais que je savais aussi que ma qualité de vie en serait trop affectée. Comme je le lui ai dit, mon objectif de santé est la qualité non la quantité. Je suis cohérent avec moi-même en toute connaissance de cause. Je ne m'attends pas à ce que les médecins visent autre chose que la quantité de vie, mais moi, je privilégie la qualité, sinon je serais dans l’incohérence. De plus, je crois que les animaux aussi sont des bouddhas potentiels et abandonner mon chien serait comme faillir à ma responsabilité de protéger un membre de ma famille. Je ne voudrais pas plus me débarrasser de mon chien que d'un enfant, même si celui-ci était atteint d'une maladie contagieuse ou s’il était immunodéficient. Le tout est d'être pleinement conscient de qui nous sommes et notre pratique bouddhique nous aide à examiner notre vie avec franchise et sans tricher à propos de nos vraies valeurs et croyances. Notre pratique bouddhique, notre pratique du Sutra du Lotus, nous enseignent honmatsu ku kyo to, la cohérence du début à la fin. Nous apprenons cette vérité au chapitre II lorsque nous récitons les Dix ainsités.5- Le point suivant est la distinction entre les maladies. Notre généraliste peut nous mettre sur la voie en nous adressant à un spécialiste, par exemple, pour des problèmes pulmonaires, cardiaques ou orthopédiques. Il reconnait que votre problème dépasse ses compétences et sait qui est le mieux placé pour traiter votre affection. J’en ai fait dernièrement l’expérience avec des douleurs au dos et à l'épaule. Mon diagnostic de profane était que j'avais des muscles du dos qui pinçaient un nerf alors qu'en fait il s’agissait d’une arthrose dans la colonne cervicale. Mon médecin s’en est douté et me fit subir une radiographie montrant une arthrose importante. Puis j’ai dû faire une IRM pour vérifier l'impact sur les nerfs du bras, de l’épaule et du dos. De plus, j’ai entrepris une physiothérapie pour renforcer différents muscles et relâcher les contractures qui provoquent le pincement des nerfs au niveau du cou. Avec tout ça, j’ai dû porter une minerve souple pour ne pas aggraver la zone arthrosée et ne pas trop pencher la tête en lisant ; surtout en lisant !  Pendant plus d’un mois, j’appliquais sur mon dos un coussin chauffant et un appareil de neurostimulation électrique (TENS) mais je n’en éprouvais  aucun soulagement. En fait, la douleur s’étendait maintenant à tout le bras droit qui s’engourdissait de plus en plus et je commençais à perdre la sensation dans les doigts. En fait, c’est sur mon cou - qui pourtant ne me faisait pas mal -  que j’aurais dû placer le coussin chauffant et le TENS ; et j’aurais continué si je n’en avais pas parlé à mon docteur qui lui, connaissait bien ce phénomène.

C’est juste un exemple sur la nécessité de ne pas faire d’amateurisme  dans le diagnostic. Zhiyi dit : « Si vous ne connaissez pas les maladies et que vous pratiquez pourtant sans retenue les méthodes de guérison, puisque les actions ne correspondent pas à l'objectif, vous n’en obtiendrez aucun bénéfice». Dans mon ignorance, je cherchais à soigner quelque chose sans comprendre comment fonctionnait le traitement que je m’appliquais. J’avais besoin d’une thérapie plus efficace, une kinésithérapie peut-être ou alors des injections de cortisone, bien que je n’en sois pas très partisan ;  je devais en tous cas peser les pour et le contre, connaitre les risques et les avantages et en comparer les effets, en envisageant d'autres options moins invasives. A part les diverses maladies du corps, il existe des maladies de l'esprit et, dans ce domaine également, il est important de consulter des professionnels qualifiés ayant reçu une formation reconnue. Autrefois, j’étais souvent sollicité pour faire des prières pour des problèmes de santé mentale. Mon conseil et ma ferme conviction sont que les prières à elles seules ne guérissent pas les troubles mentaux. Certains refusent ce conseil et s'attendent toujours à ce que je propose des prières ou des rituels pour guérir. Qu'il s'agisse de démons intérieurs, de diables, de traumatismes – peu importe le nom -, ils ont besoin d'être traités par des personnes ayant reçu une formation spécialisée dans ces domaines. Je n'ai pas cette formation et je ne vais pas induire personne en erreur ni laisser personne m'entraîner dans ce genre de pratique ou de fournir un traitement ou un soulagement pour lequel je sais que je ne suis pas qualifié. Je sais que certains prêtres de la Nichiren Shu organisent des rituels spéciaux. Cela peut être utile et je ne décourage personne de tirer parti de cette option. Leur efficacité est cependant patente seulement s’ils sont utilisés pour traiter l’aspect spirituel et s’ils sont associés à l’aspect médical.Vous pouvez me traiter de tous les noms, je connais trop bien les dangers des fausses croyances, des idéations religieuses néfastes. Notre pratique bouddhique est un outil, un outil dans une boîte à outils qui doit comporter des outils professionnels. Peut-être qu’un jour la Nichiren Shu aura des prêtres thérapeutes ou psychologues qualifiés et ce sera très bien. Nous n’en sommes pas là et nous devons donc utiliser conjointement la foi et la pratique ainsi que la science médicale. Réciter seulement daimoku n'est pas le bon remède, sauf pour guérir l'ignorance de la vérité de la vie. Si c'était le cas, ce serait, comme je l’ai déjà dit, éviter la mort. Cela ne correspond pas au bouddhisme et aux nombreux exemples cités dans le Sutra du Lotus de divers bodhisattvas et personnages qui passent à travers plusieurs naissances et morts.  Nous avons à notre disposition une grande vérité et la bonne façon de l’utiliser est de l’appliquer aux choses auxquelles elle est destinée.

Zhiyi n'était pas  médecin, bien qu'il ait accumulé toute la sagesse et les connaissances médicales de son époque. Dans sa section sur la méditation sur la maladie, il place côte à côte l’utilisant les spécialités de la médecine de son époque et le Sutra du Lotus. Si nous négligeons cette approche, nous ne bénéficierons pas de la sagesse de l’un des grands esprits et praticiens de notre lignée. La foi est le remède contre l'ignorance, contre le délire de permanence et de causalité indépendante. La foi nous révèle la vérité que toute vie est une marche vers la mort, que rien ne reste inchangé et que rien ne naît sans cause. Notre meilleure option est d’appliquer le bouddhisme aux domaines de la vie auxquels celui-ci est destiné, de l’appliquer aux meilleures connaissances et des traitements médicaux actuels. Il est essentiel de faire la distinction entre les maladies.6- Dans la section où il parle des Moyens (hoben), Zhiyi nous conseille d'employer habilement des méthodes de guérison appropriées. Je suppose que cela s’applique à l’utilisation des médecins et des médicaments qui peuvent vous être prescrits pour votre traitement et vos soins. Je me permets de plaider ici pour mon parti-pris en faveur de la médecine occidentale. Pourquoi ce choix mérite d’être explicité ? Pour faire court, c’est une simple question de normes et d’accréditation. J'ai rencontré des praticiens qui n'avaient aucune formation vérifiable, ni traçable, ni standard. Je ne dis pas que tous les médicaments qui ne viennent pas d’un médecin accrédité sont mauvais, je dis qu’il est possible que ces soins aient été insuffisamment contrôlés et que les normes de formation de ces praticiens peuvent n’avoir pas été respectées ou être  incomplètes.  Je ne dis pas qu’il n’y a lieu d’améliorer la médecine occidentale et que tout dans la médecine officiellement reconnue est parfait. J’estime seulement que ce qui a été accrédité a une chance raisonnable de vous assurer des soins appropriés.Les hôpitaux avec lesquels j'ai travaillé quand j'étais à Charlotte utilisaient tous ce que nous appelons les soins complémentaires [Complementary Care ne correspond pas à ce que l’on nomme en France médecine alternative, médecine douce ou médecine parallèle] notamment les thérapies énergétiques, la massothérapie, l'aromathérapie, la musicothérapie et la zoothérapie. Dans chacun de ces cas, des licences et des normes de formation doivent être respectées et certifiées avant que quiconque puisse s'engager dans l’application de tels soins. Même les chiens thérapeutiques doivent bénéficier d'une formation sanctionnée par une certification standard. On m’a souvent posé des questions sur la thérapie énergétique, pour laquelle j’ai une formation accrédité Niveau II en Healing Touch [HTC].

On m’a aussi consulté au sujet du Reiki et ma réponse est celle des hôpitaux : le Reiki n'est généralement pas soumis à un programme de formation standard. Vous ne savez pas qui a formé votre prestataire de santé et qui a formé les formateurs et par conséquent, leurs méthodes peuvent différer de celles de tous les autres thérapeutes de Reiki. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose, mais il n'y a aucune certitude raisonnable que ce soit efficace. Healing Touch, le programme que j'ai suivi comporte un répertoire standard de formation internationale. Chaque élève suit le  même cursus et les formateurs sont tous certifiés par la même instance pour enseigner le même contenu. Pour moi, ce sont les normes et le contrôle  qui sont essentiels.

Bon, c'est mon point de vue, et vous pouvez ne pas être d’accord. Sachez toutefois que lorsque vous cherchez des soins auprès de sources non certifiées et non standard, vous êtes entièrement responsable des soins que vous avez choisis. Analysez avec soin et choisissez judicieusement si vous décidez que la médecine occidentale n'est pas votre voie.  Parmi les ressources disponibles, qu’est ce qui est pour vous déterminant. Choisissez judicieusement et habilement. Cela s'applique d’ailleurs aussi aux pratiques médicales occidentales. Et rappelez-vous que vous êtes responsable de vos décisions et qu'il vous incombe ensuite de suivre les conseils donnés. Rappelez-vous également que toutes les ordonnances de soins de santé ne sont pas compatibles. Ce qui nous ramène à ce que Zhiyi dit de la cohérence.

En plus de votre pratique bouddhiste, vous pouvez compléter vos soins médicaux par des thérapies dans lesquelles vous êtes capable de vous engager. La méditation sur la respiration est conseillée lorsque vous êtes capable de le faire. Mais on ne peut pas le conseiller à tout le monde, surtout si vous avez des problèmes respiratoires. Dans ce cas, vous devrez peut-être adapter votre pratique à votre corps. La même chose vaut pour la récitation de mantra. Peut-être que vous êtes capable physiquement de vous asseoir et de psalmodier, peut-être pas. Rester assis peut être pénible, même rester allongé et faire daimoku peut être douloureux. Récemment, un pratiquant m'a demandé ce qu'il pouvait faire lorsque réciter daimoku était si irritant que la douleur l'emporte sur sa capacité à s'immerger dans l'Odaimoku. Ce qui est important à retenir, c'est que votre vie est aussi votre daimoku. L'Odaimoku que vous gardez dans votre esprit, même s'il ne s'agit que d'un seul par jour, n’est pas rien. En outre, la pratique que vous avez accumulée au cours de votre vie, jusqu’à la veille d’en être incapable,  jusqu’à la dernière minute où cela devient impossible est une pratique profondément méritoire. Développer un authentique sentiment de gratitude pour une seule syllabe du Odaimoku est une source de bienfaits illimités et vous assure l’Éveil. S'il y a un fil rouge dans le Sutra du Lotus, c'est la gratitude et la foi. Récitez daimoku quand vous en avez la possibilité, appréciez ce daimoku, qu’il soit extériorisé, comme on dit, ou gardé dans votre esprit,  appréciez-le, goutez-le et chérissez-le. Considérez-le comme le meilleur repas que vous ayez jamais mangé. Vous n’allez pas vous dépêcher d’avaler en une seule bouchée un mets rare. Très probablement, vous prendriez votre temps à savourer chaque morceau jusqu'à ce que tout soit parti, puis vous affectionneriez le souvenir de son  gout. Si vous vous l’avalez à la hâte, le gout vous échappera et il ne vous restera qu’un souvenir superficiel. Un seul daimoku suffit si on le fait avec joie, gratitude, sincérité et foi. C’est la bonne formule pour ce mantra. Parfois, lorsque nous nous polarisons sur sa récitation, c’est comme si nous ne pensions pas qu’un seul suffirait et que nous privilégions la quantité plutôt que la qualité. Il vaut mieux réciter un seul daimoku de qualité plutôt qu’un tas de daimokus de qualité médiocre. Certains pratiquants viennent de courants nichiréniens qui mettent l'accent sur le nombre d'heures accumulées ou sur un nombre précis de daimokus. Bien que cela ne soit pas dangereux, je pense qu’une approche plus saine et libératrice consiste à réciter daimoku qui vous mène au sentiment de plénitude ; il vaut mieux apprendre à pratiquer de telle sorte que toute votre vie devienne un daimoku de qualité. Ceux qui sont abonnés à la newsletter de mon blog connaissent l’histoire de ce mystique juif allait de synagogue en synagogue à la recherche de ceux qui prient. Dans une synagogue, il s’est juste contenté d’entrouvrir la porte. Le gardien vint lui demander pourquoi il n’était pas entré. Sa réponse fut que la synagogue débordait de prières qui tombaient des lèvres de ceux qui priaient et s’amoncelaient sur le sol. Il n'y avait plus de place pour lui.Ne récitons pas de daimokus qui tombent simplement de nos lèvres et s’amoncèlent par terre. Récitons des daimokus qui montent au Mont Sumeru et au Mont Sacré de Vautour. Passons maintenant à la comparaison avec les instruments de musique qu’utilise Zhiyi. Pensez à n'importe quel instrument à cordes.  Zhiyi prend pour exemple le konghou (sorte de harpe). Imaginez les cordes sur l'instrument de votre choix. Je joue de la guitare, c'est donc l'image qui me vient. Que ce soit un instrument à cordes ou tout autre, il y a des techniques spéciales pour produire le son le plus agréable. C’est d’abord une question de réglage.  L'instrument doit être correctement accordé. Pour les instruments à cordes, cela signifie tendre ou détendre les cordes. Je joue aussi de la flûte et cela demande de légers ajustements de la bonnette près de l’embout.

A trop serrer une corde vous êtes dans l’aigu et trop desserrer, elle ne vibre pas. Mais cela ne vaut pas uniquement pour les instruments extérieurs à vous. La musique ne se fait pas uniquement avec un objet. Le musicien doit également se considérer comme un instrument au même titre qu’un mécanisme à cordes ou un médiator, ou une soufflerie. Si c'est un instrument à biseau ou à anche, ou encore les cuivres, il s’agit d’avoir les lèvres musclées. L'instrument-objet n'est qu'un aspect de l'instrument complet : musicien-outil.Il en va de même avec notre corps et la maladie. Notre corps-instrument peut être agi par différents facteurs-musiciens. Selon la façon de souffler l’air, le son devient trop dur ou trop aigu. Si on pince les cordes trop brutalement, le son est dissonant. Si nous ne suivons pas le régime prescrit, c’est comme si un musicien ne s’exerçait pas,  il ne pourra pas atteindre la maîtrise de son instrument. Si nous traitons mal les prescriptions de santé, c’est comme si nous jetions notre instrument dans le coin sans le nettoyer ni le protéger. Si on veut faire de la bonne musique, il y  a beaucoup de choses à faire à côté et il en va de même pour la santé et la maladie.

7- Le Temps. Quand une personne est malade, le temps est perçu différemment que lorsqu'elle est en bonne santé. Dans certains cas, en particulier lorsque la douleur est intense, le temps peut sembler immobile ou même régresser. Ne vous est-il jamais arrivé, lorsque vous avez mal, de dire que les choses se dégradent plutôt que de s’améliorer? Peut-être pas. D’après Zhiyi la notion du temps n’est plus pertinente en cas de maladie. Il conseille de ne pas nous focaliser sur la durée de la maladie, mais d’utiliser les concepts que je vous rapporte ici. Même s’il ne le dit pas textuellement nous pouvons comprendre que si notre esprit s’engage dans le royaume du temps, c'est un domaine dans lequel le doute peut prendre racine. Le doute peut conduire à l'abandon des traitements, à la fois ceux des professionnels de santé et ceux de la pratique bouddhique. Une fois que des doutes surgissent, si l’on n’élimine pas le problème rapidement, en s’attaquant à la cause du doute ainsi qu’à la nature du doute, il devient alors un terrain fertile pour la création d’un désarroi encore plus grand. En fin de compte, on peut complètement abandonner sa pratique, son traitement, voire les deux. Aussi tentant que cela puisse paraître quand on est malade ce n’est pas le moment d’abandonner la pratique, peu importe la forme qu’elle doit prendre à cause du mal-être ou de la douleur ; il faut s’y tenir fermement, et en faire sa raison d’être. Bien que cela ne soit pas directement lié à ce sujet, j’ai pensé, comme il m’arrive souvent, en promenant aujourd’hui mon chien, que nous dépensons plus d’argent, et déployons souvent plus d’efforts à soigner notre apparence plutôt que notre santé et notre foi.

Un jour, à l'hôpital, une femme a dû être amputée du pied. Elle était atteinte de diabète et une petite plaie au pied était infectée de manière incurable. Elle avait terriblement peur de perdre son pied. Alors qu'on la sortait de sa chambre pour aller à la salle d'opération, elle hurlait, suppliait et pleurait. Je me trouvais à proximité, je suis allé la voir et je lui ai tenu la main pendant tout le transport. Je n’avais rien à lui dire avec ma bouche mais avec tout mon corps j'étais présent à ses côtés. Je suis restée avec elle tout le temps jusqu'à ce qu'ils l'aient emmenée au bloc. Les infirmières m'ont dit plus tard que, dans sa chambre, elle était extrêmement exigeante pour sa coiffure et son maquillage. Elles m’ont dit que lors de sa première visite, ses pieds étaient en très mauvais état, que ses ongles n'étaient pas coupés et qu'elle avait négligé sa petite plaie. Elles m’ont dit à quel point elle était préoccupée par l'état visible de son corps, de son visage et de ses cheveux sans se soucier des endroits qui ne pouvaient pas être vus. Je peux confirmer que les problèmes de pieds sont fréquents chez les diabétiques. La circulation sanguine aux pieds est médiocre, ce qui perturbe la guérison des plaies, même minimes. C’est une des raisons pour lesquelles, si vous êtes diabétique, vous devez accorder une attention particulière à vos pieds, chose pour laquelle beaucoup d’entre nous ne sont peut-être pas toujours aussi avisés.

Les Américains consacrent énormément de temps et d’argent aux produits cosmétiques, pas seulement les femmes, les hommes aussi. L’industrie cosmétique est une énorme activité très  lucrative, à l’égal de l’habillement. Cette augmentation des produits cosmétiques pour les hommes  est même pour cette industrie un facteur de croissance.  Nous sommes prêts à faire n’importe quoi et à n’importe quel prix pour paraître plus jeune ou tout au moins cacher le vieillissement. Mais  quand il s’agit de prendre soin de notre esprit, nous ne lui accordons pas toujours la même attention. Notre esprit ne fait partie des apparences. Je peux comprendre qu’il faille prendre soin de notre peau, de nos cheveux et même de notre garde-robe. Néanmoins, je me demande combien d’argent est dépensé en efforts futiles, alors que soutenir un sangha ou toute communauté de spiritualité aiderait non seulement soi-même, mais profiterait également aux autres. Même si la moitié de l'argent dépensé en produits cosmétiques, lotions et potions était destinée aux sans-abri ou aux sous-alimentés, notre société y gagnerait beaucoup. Mais peut-être n’est-ce juste qu’une pensée socialiste.Il serait peut-être avisé de faire le bilan des efforts et des ressources que nous consacrons à l’apparence et de marquer un point d’arrêt. Pour ce qui est des soins du corps, entre l’exercice physique et le paraitre, je ne suis pas sûr que nous nous choisissions le plus important. Pensez à cela lorsqu’étant malade, vous êtes prêt à baisser les bras et prenez soin de votre santé à contre-coeur alors que le paraitre vous semble aller de soi. Les maladies sont inévitables, c’est bien une chose dont nous pouvons être surs, la jeunesse et la beauté vont disparaître, vieillesse et maladies surgissant d’on ne sait où. Faites preuve de la même vigilance envers votre thérapie qu’envers votre apparence. Bien sûr, il n’est pas nécessaire de se laisser complètement aller et d’ignorer votre aspect extérieur ; ce dernier est important et peut stimuler le moral. Accordez votre attention aux deux selon ce qui se présente

Incohérence Dans la section 11 on trouve :  Zhiyi dit que la réussite tient à dix facteurs suivants : 1. Foi, 2. Utilisation, 3. Zèle, 4 Cohérence, 5. Distinction entre les maladies, 6. Moyens, 7. Temps, 8. Tri et rejet 9. Protection, 10. Connaitre  les obstacles. Or Kansho écrit dans la section 12 Selecting and Rejecting is the next item, number seven in the listing of Ten Characteristics given by Chih-I. Le caractère 5 Distinction entre les maladies est passé à l’as !  Je rectifie d’office

8- Tri et rejet - Sélectionner et rejeter est le prochain élément, numéro huit dans la liste des dix caractéristiques donnée par Zhiyi. C’est assez simple dans la mesure où ce qui fonctionne doit être poursuivi et ce qui ne fonctionne pas doit être interrompu. La mise en garde est que vous devez savoir clairement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Tenir un journal médical ou de soins est une nécessité presque absolue, surtout si vous avez une maladie de longue durée. Le journal peut vous aider à regarder avec lucidité votre douleur et votre traitement. Cela vous donne un compte rendu clair de ce qui se passe. L'esprit n'est pas suffisamment fiable pour se souvenir de tout ce qui concerne votre santé. L'esprit, notre façon de penser peut être affectée par notre santé, la douleur ou l’absence de douleur. Si la douleur agit sur l'esprit, alors celui-ci n'est pas un outil fiable pour mesurer la douleur, sa présence ou son absence. Il est beaucoup plus objectif d’avoir une trace écrite de ce que vous avez vécu et à que moment. Le journal peut également servir à évaluer votre traitement. A notre époque où les consultations médicales sont de plus en plus courtes, on peut consulter rapidement son journal pour indiquer de manière concise quand vous avez ressenti une douleur, son niveau, combien de jours elle a duré, quelles parties du corps elle a affectées, ce que vous faisiez quand vous l’avez ressentie ou qu’elle a cessé, si toutefois elle s’était arrêtée et tant d’autres détails dont vous ne vous souvenez probablement plus au bout de quinze jours et encore moins au bout d’un mois.

Cela peut également inclure, et ce serait presque nécessaire, un compte rendu de vos activités bouddhiques. Un souvenir vague est plus dommageable qu'un compte rendu clair. L’esprit se concentre sur la douleur et l’inconfort, c’est à cela que sert notre cerveau, pour nous avertir du danger. Trois jours de douleur peuvent sembler interminables comme l’éternité. Pourtant, trois jours ne sont que trois jours et leur poids  est plus ou moins important uniquement par rapport au reste et aux limites de vos activités pendant ce temps. En écrivant vous constaterez peut-être que les trois jours sont survenus avant 5 jours sans douleur, puis il y a eu 1 jour de douleur et encore une période plus longue sans douleur. Vous pouvez peser ceci, vous pouvez mesurer cela, un souvenir vague de beaucoup de douleur n’est pas aussi parlant pour vous ou votre fournisseur de soins. Savoir aussi que vous avez été en mesure de réciter le matin 30 minutes de daimoku avec une bonne période de récitation de sutra est précieux si vous êtes découragé de ne plus en être capable le soir. Peut-être que mettre davantage l'accent sur la pratique le matin peut générer une plus grande foi et vous pouvez être en paix en ne faisant rien d'autre que de vous occuper de votre douleur le soir. Il est plus facile d’exprimer sa gratitude si vous savez comment adviennent les bonnes choses. Vos 30 minutes de daimoku seront pour vous un motif de grande fête plutôt que de regret ou de déception. Cependant, notre esprit est plus entrainé à se souvenir de ce que nous étions incapables de faire plutôt que de ce que nous avons accompli avec succès. On peut difficilement se réjouir de ce que l’on a oublié, alors prenez le temps de décrire votre cheminement.En outre, noter par écrit votre parcours en tant que malade peut vous fournir un indicateur mesurable clair de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Dire simplement «je ne pense pas que cela ait marché» ou «je ne me sens pas mieux» ne donne pas beaucoup d’indications travail à votre médecin ou à votre soigneur. Mais si  vous pouvez dire «quand je fais cela», ou «après avoir pris ce médicament, je me suis senti», ou «quand je fais daimoku, je suis fatigué après tant de minutes», ou «je n’arrive pas à pratiquer le matin mais seulement à la mi-journée », sont des éléments avec lesquels votre interlocuteur - médecin ou guide spirituel, peut travailler. Votre médecin dépend de vous autant, sinon plus, que vous ne dépendez de lui. La même chose vaut pour votre compagnon spirituel. Ils ne peuvent pas lire dans votre esprit, ils ne connaissent ni votre corps ni votre esprit. Ensuite, quand ils vous donnent des instructions ou changent d’orientation, vous pouvez les enregistrer et les comparer à votre plan précédent pour déterminer celui qui vous convient le mieux. Encore une fois, cela aide non seulement vous-même, mais aussi votre précieux aidant.

La protection est l’avant dernière des dix caractéristiques de Zhiyi. Il entend par là que c’est à vous et à votre aidant – en fait aux deux ensemble -, de bien connaître et comprendre toutes les restrictions ou contre-indications concernant tous les aspects de vos soins médicaux. Bien que difficile, ce n’est pas impossible. Vous devez prendre les choses en mains et défendre vos intérêts. Ce n’est pas que les médecins et les hôpitaux cherchent à vous cacher des choses, c’est qu’ils ne fournissent généralement que des informations de base qui peuvent ou non convenir à vos circonstances particulières. Par exemple, quels aliments peuvent interagir avec vos médicaments ou freiner votre rétablissement, quelles peuvent être les restrictions quant à vos activités physiques. Il y a surtout la compartimentation des soins médicaux, et les effets d’un médicament sur un autre. La combinaison de certains peut les potentialiser et aboutir à des résultats nettement nocifs. C'est pourquoi vous devez toujours avoir sur vous la liste complète de tous les médicaments et des adjuvants en vente libre, y compris les vitamines et les compléments alimentaires. Ceci est important pour votre santé. Si vous avez sur votre téléphone portable la liste de tout ce que vous prenez pour votre santé, cela peut le cas échéant vous sauver la vie. C'est aussi une raison pour laquelle il est bon, lorsque cela est possible, d'acheter tous vos médicaments à la même pharmacie ou au moins à la même chaîne de pharmacies.

Faites-vous de l'exercice habituellement, marchez-vous régulièrement, nagez-vous, faites-vous du yoga ou de la danse? Aucune de ces activités n’est répertoriée chez votre médecin pour qu’il puisse vous avertir des restrictions. Fumez-vous ou consommez-vous de l'alcool fréquemment?  Un autre point important est de ne pas avoir honte, car elle pourrait avoir des conséquences médicales. Il s’agit de votre santé et c'est essentiel. Enfin, aussi ennuyeux ou fastidieux que cela puisse paraître, il est important de lire les notices techniques qui accompagnent vos médicaments. Lisez sans vous focaliser sur le pire qui puisse vous  arriver, mais retenant les alertes des conséquences négatives potentielles. De plus, il est important de toujours revoir les instructions de dosage. Parfois, un médicament peut avoir être modifié, ce qui peut affecter votre dosage ou la fréquence à laquelle vous le prenez. Personne ne vous en parlera peut-être, mais c’est à vous d’être assez vigilant. Protégez vos intérêts en participant aussi activement que possible. Posez des questions, interrogez, interrogez, interrogez. Sans honte ni angoisse. Ne laissez personne se conduire de sorte à vous empêcher d’agir au mieux de vos intérêts, et votre intérêt est de poser autant de questions qu’il faut pour comprendre ce que vous devez faire ou non et ce que vous devez considérer comme normal ou non.

J’ai été témoin d'instructions qui différaient d’un locuteur à un autre. Demandez des éclaircissements immédiatement et prenez des notes, car vous oublierez très probablement ou bien cela deviendra flou après un certain temps. Il s’agit de votre santé et votre rétablissement, c’est important.Pour terminer Zhiyi nous recommande de reconnaitre les obstacles. Il dit :

"Si vous trouvez un remède efficace, ne vous en vantez pas publiquement, et si vous trouvez quelque chose d’inefficace, n’en dites pas du mal et ne jetez pas le doute à son sujet. En discutant de ces questions avec d’autres personnes, [admettez que, parfois, les maladies] ne sont pas encore à terme ou n’y arriveront jamais; celles dont on croit être guéri peuvent réapparaître; ce qui semble être guéri ne l’est peut-être pas ; les faire cesser peut nécessiter un redoublement d'efforts. "

J'espère que je n'aurai pas trop de problèmes avec cette citation. Il me semble cependant utile de l’examiner. Je sais à quel point on peut se sentir euphorique  de proclamer un nombre X d'années sans cancer, affirmer avoir vaincu le cancer. Je ne veux pas être un rabat-joie, mais rien ne garantit que le cancer ne réapparaîtra jamais. D’accord pour fêter la lutte contre le cancer ou de l'absence de cancer mais j’encourage aussi le refus du sentiment de défaite s'il se reproduit. Toute la difficulté est là ! Comment ne pas célébrer la santé sachant que toute santé est précaire et qu'à la fin nous mourrons tous? Chaque jour que nous vivons est un fait digne d’être célébré, qu’il soit avec ou sans cancer, et aucun jour n’est garanti pour aucun de nous et cela mérite également d’être célébré. Ne soyez pas découragé par la maladie, la vieillesse ou la mort. Elles ne sont pas vraiment nos ennemies si nous considérons que notre état naturel tend vers la mort dès la naissance. En outre, bien que la maladie et la douleur ne soient pas nos ennemies, mais plutôt des compagnes, nous ne devons pas ignorer les choses que nous pouvons faire pour minimiser et en atténuer leur impact sur nos vies.

Zhiyi  termine par l'affirmation que si vous suivez ses conseils il est certain qu’ils ne resteront pas vains. Sur la base de mon expérience personnelle et parce que j’ai été si souvent témoin de maladies et de décès ainsi que des conditions de travail dans les hôpitaux, j’ai la conviction qu’il est plus qu’utile de suivre ces dix principes. Le fondement essentiel d’une bonne gestion de soi et la meilleure certitude c’est vivre avec la maladie et par elle.

Contemplating Disease – Ten Characteristics – Part 12g (final part)- January 9, 2019 – Ryusho龍昇 – Blog on: http://ryusho.org/blog/?p=8399&utm_source=INK&utm_medium=copy&utm_campaign=share&

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